Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires complémentaires, enregistrés respectivement le 18 juillet 2017 les 15 mai et 31 juillet 2018, MmeB..., représentée par MeA..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement susvisé du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 18 mai 2017 ;
2°) de prononcer la décharge des rappels d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquels elle a été assujettie au titre des années 2011 et 2012 et des majorations correspondantes et de lui accorder le bénéfice du rattachement de son fils majeur pour les années en cause ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les sommes portées au crédit de ses comptes bancaires et les versements en espèces perçus s'analysent comme des prêts familiaux ; c'est à tort que l'administration, à qui il incombe de renverser la présomption du caractère familial, les a imposés dans la catégorie des revenus d'origine indéterminée ;
- elle a sollicité le rattachement à son foyer fiscal de son fils majeur en application des dispositions de l'instruction du 30 juin 1976 BOI-CTX-GCX-10-30-60 n°250, de sorte que son quotient familial pour les années en litige représente 4,5 parts ;
- c'est à tort que l'administration lui a infligé des pénalités pour manquement délibéré, la pratique de la tontine et des prêts familiaux étant courante car liée aux traditions asiatiques.
Par des mémoires, enregistrés les 9 novembre 2017 et 2 juillet 2018, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par Mme B...ne sont pas fondés.
Vu :
- les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Bauer,
- et les conclusions de Mme Peton, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B...a fait l'objet d'un examen contradictoire de sa situation fiscale personnelle portant sur les années 2011 et 2012. A la suite de ce contrôle, par proposition de rectification du 19 novembre 2014 établie selon la procédure de taxation d'office, l'administration l'a imposée sur des revenus respectivement fixés à 153 102 euros en 2011 et à 237 503 euros en 2012 dont l'origine a été considérée comme indéterminée. La requérante relève appel du jugement du 18 mai 2017 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté ses conclusions principales tendant à la décharge des rappels d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2011 et 2012 et des majorations correspondantes et ses conclusions subsidiaires tendant à la réduction de ces impositions par la prise en compte du bénéfice du rattachement de son fils majeur à son foyer fiscal pour les années en litige.
Sur les conclusions aux fins de décharge ou de réduction :
En ce qui concerne le bien fondé de l'imposition :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 16 du livre des procédures fiscales en sa rédaction applicable : " En vue de l'établissement de l'impôt sur le revenu, l'administration peut demander au contribuable des éclaircissements. (...) Les demandes visées aux alinéas précédents doivent indiquer explicitement les points sur lesquels elles portent et mentionner à l'intéressé le délai de réponse dont il dispose en fonction des textes en vigueur ". Aux termes de l'article L. 69 du même livre : " Sous réserve des dispositions particulières au mode de détermination des bénéfices industriels et commerciaux, des bénéfices agricoles et des bénéfices non commerciaux, sont taxés d'office à l'impôt sur le revenu les contribuables qui se sont abstenus de répondre aux demandes d'éclaircissements ou de justifications prévues à l'article L. 16 ". Enfin, l'article L. 193 du même livre prévoit que : " Dans tous les cas où une imposition a été établie d'office la charge de la preuve incombe au contribuable qui demande la décharge ou la réduction de l'imposition ".
3. Il appartient à l'administration fiscale, lorsqu'elle entend remettre en cause, même par voie d'imposition d'office, le caractère non imposable de sommes perçues par un contribuable, dont il est établi qu'elles lui ont été versées par l'un de ses parents et alors qu'elle ne se prévaut pas de l'existence entre eux d'une relation d'affaires, de justifier que les sommes en cause ne revêtent pas le caractère d'un prêt familial. Il incombe au préalable au contribuable de prouver la réalité du prêt en cause et des mouvements de fonds opérés.
4. Il résulte de l'instruction que Mme B... a fait l'objet d'une procédure de taxation d'office en application des articles L. 16 et L. 69 du livre des procédures fiscales. Alors qu'elle n'avait initialement déclaré aucun revenu, elle a été soumise à l'impôt sur le revenu et aux contributions sociales à raison de revenus d'origine indéterminée d'un montant de 153 102,54 euros au titre de l'année 2011 et de 237 203, 93 euros au titre de l'année 2012. Si la requérante soutient que les sommes en cause lui ont été remises par les membres de sa famille, dont certains résident au Vietnam, à titre de prêts familiaux, l'administration soutient sans être contestée que Mme B...n'a pas produit de contrats de prêts dûment enregistrés ayant date certaine, ni d'échéanciers de remboursement, ni aucune pièce bancaire justifiant des débits initiaux et des remboursements. La requérante n'a pas davantage produit d'attestations officielles de transfert de capitaux conforme à la législation sur les opérations de change, s'agissant de transferts de capitaux en provenance de l'étranger. Les seules attestations de prêt émanant de membres de sa famille, insuffisamment précises, dont le caractère de complaisance ne peut en l'espèce être exclu et dont les montants ne coïncident pas avec les versements en litige, ne suffisent pas à établir la réalité des prêts allégués. Dans ces conditions, la requérante, qui ne justifie pas de la provenance familiale des sommes en litige et de la réalité des prêts allégués, ne saurait se prévaloir de ce que les sommes portées au crédit de ses comptes bancaires seraient présumées constituer, sauf preuve contraire apportée par l'administration, non des revenus imposables mais des prêts que lui auraient consentis les membres de sa famille. Elle ne démontre pas dès lors le caractère exagéré des impositions mises à sa charge par voie de taxation d'office.
5. En second lieu, aux termes de l'article 193 du code général des impôts : " Sous réserve des dispositions de l'article 196 B, le revenu imposable est pour le calcul de l'impôt sur le revenu, divisé en un certain nombre de parts, fixé conformément à l'article 194, d'après la situation et les charges de famille du contribuable ". L'article 194 du même code prévoit que : " I. Le nombre de parts à prendre en considération pour la division du revenu imposable prévue à l'article 193 est déterminé conformément aux dispositions suivantes : " (...) Marié ou veuf ayant trois enfants à charge = 4 ". Par ailleurs, selon l'article 6 du même code : " 3. Toute personne majeure âgée de moins de vingt et un ans, ou de moins de vingt-cinq ans lorsqu'elle poursuit ses études, ou, quel que soit son âge, lorsqu'elle effectue son service militaire ou est atteinte d'une infirmité, peut opter, dans le délai de déclaration et sous réserve des dispositions du quatrième alinéa du 2° du II de l'article 156, entre : / 1° L'imposition de ses revenus dans les conditions de droit commun ; / 2° Le rattachement au foyer fiscal dont elle faisait partie avant sa majorité, si le contribuable auquel elle se rattache accepte ce rattachement et inclut dans son revenu imposable les revenus perçus pendant l'année entière par cette personne ; le rattachement peut être demandé, au titre des années qui suivent celle au cours de laquelle elle atteint sa majorité, à l'un ou à l'autre des parents lorsque ceux-ci sont imposés séparément ".
6. Mme B...soutient que son fils majeur qu'elle n'a pas mentionné dans ses déclarations en tant qu'enfant à charge, doit néanmoins être rattaché à son foyer fiscal au titre des années 2011 et 2012. Il n'est cependant pas établi que la demande de rattachement faite par ce fils majeur et dont se prévaut la requérante ait été formulée avant l'expiration du délai de déclaration des revenus des années concernées requis par la loi pour l'exercice de l'option prévue à l'article 6 précité ni même d'ailleurs, et en tout état de cause, dans le délai de réclamation. Par suite, les prétentions de la requérante ne sauraient être accueillies sur le terrain de la loi fiscale.
7. Par ailleurs, la requérante ne peut utilement invoquer les dispositions d'une instruction administrative du 30 juin 1976 laquelle, ne prévoyant que des mesures de bienveillance pouvant être prises par l'administration dans le cadre de la juridiction gracieuse, ne peut être regardée comme une interprétation de la loi fiscale dont le contribuable pourrait se prévaloir sur le fondement des dispositions de l'article L. 80-A du livre des procédures fiscales.
En ce qui concerne les pénalités :
8. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entrainent l'application d'une majoration de : a. 40% en cas de manquement délibéré ". L'article L. 195 A du livre des procédures fiscales dispose par ailleurs que : " En cas de contestation des pénalités fiscales appliquées à un contribuable au titre des impôts directs, de la taxe sur la valeur ajoutée et des autres taxes sur le chiffre d'affaires, des droits d'enregistrement, de la taxe de publicité foncière et du droit de timbre, la preuve de la mauvaise foi et des manoeuvres frauduleuses incombe à l'administration ".
9. Il résulte de l'instruction que MmeB..., sans profession, n'a déclaré aucun revenu pour les années en litige, omettant sciemment de mentionner dans ses déclarations fiscales les sommes d'un montant de 153 102,54 euros en 2011 et 237 503,93 euros en 2012 prétendument versées par des membres de sa famille. Si la requérante soutient que la tontine et les prêts familiaux revêtent un caractère usuel dans les traditions culturelles asitatiques, cette seule circonstance ne la dispensait pas, eu égard à l'importance des sommes en cause, de faire état de leur perception et de renseigner sur leur caractère imposable. La dissimulation réitérée de ces revenus et d'un de ses comptes bancaires et le refus de répondre à la demande d'éclaircissements de l'administration caractérisent en l'espèce l'intention délibérée d'éluder l'impôt. C'est dès lors à bon droit que l'administration a fait application de la majoration de 40 % prévue par les dispositions précitées.
10. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie tenue aux dépens ou la partie perdante, une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme B...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C...B...et au ministre de l'action et des comptes publics.
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N° 17NC01745