Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 16 mai 2018, le préfet de la Haute-Saône demande à la cour d'annuler ce jugement du 17 avril 2018 du tribunal administratif de Nancy.
Il soutient que le principe du contradictoire a été respecté dans les faits ; lors de son audition et de sa garde à vue, l'intéressée s'est vue notifier l'arrêté contesté et ses droits dont elle a pris acte ; elle a expressément refusé de recevoir les informations en lien avec la procédure dont elle faisait l'objet ; enfin elle a été informée de la possibilité de former un recours.
Vu :
- les autres pièces du dossier.
Vu :
- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Bauer.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B...C...A..., ressortissante angolaise née le 25 août 1995, se disant Magali Kalonda née à Kinshasa le 24 août 2001, est entrée en France irrégulièrement, selon ses déclarations, en juillet 2017 et s'est présentée le 30 janvier 2018 aux services de l'aide sociale à l'enfance pour être prise en charge en tant que mineure isolée. Elle a bénéficié à ce titre d'une ordonnance de placement provisoire du procureur de la république du 6 février 2018. Toutefois, le rapport d'examen technique et documentaire réalisé par la cellule contre la fraude documentaire et à l'identité le 14 février 2018, dans le cadre de l'enquête réalisée, a révélé que l'acte de naissance produit était un faux. En application de l'article 61-1 du code de procédure pénale, l'intéressée a été convoquée le 8 mars 2018 devant les services de police et placée en garde à vue. Après avoir reconnu les faits reprochés, elle a fait l'objet d'une procédure judiciaire pour faux et usage de faux documents administratifs et déclaration mensongère à une administration publique. Après avoir été avisé de ces éléments, le préfet de la Haute-Saône a édicté à son encontre un arrêté du 9 mars 2018 lui faisant obligation de quitter le territoire français sans délai, fixant le pays de destination et prononçant à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans. Par un jugement du 17 avril 2018, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Nancy a annulé cet arrêté. Le préfet de la Haute-Saône relève appel de ce jugement.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Si, aux termes de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions et organes de l'Union. / Ce droit comporte notamment : / - le droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre ; (...) ", il résulte de la jurisprudence de la Cour de Justice de l'Union européenne que cet article s'adresse non pas aux Etats membres mais uniquement aux institutions, organes et organismes de l'Union. Ainsi, le moyen tiré de leur violation par une autorité d'un Etat membre est inopérant.
3. Toutefois, il résulte également de la jurisprudence de la Cour de Justice, notamment de ses arrêts C-166/13 et C-249/13 des 5 novembre et 11 décembre 2014, que le droit d'être entendu fait partie intégrante du respect des droits de la défense, principe général du droit de l'Union. Il appartient aux Etats membres, dans le cadre de leur autonomie procédurale, de déterminer les conditions dans lesquelles le respect de ce droit est assuré. Ce droit se définit comme celui de toute personne de faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue au cours d'une procédure administrative avant l'adoption de toute décision susceptible d'affecter de manière défavorable ses intérêts. Le droit d'être entendu implique que l'autorité préfectorale, avant de prendre à l'encontre d'un étranger une décision portant obligation de quitter le territoire français, mette l'intéressé à même de présenter ses observations écrites et lui permette, sur sa demande, de faire valoir des observations orales, de telle sorte qu'il puisse faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue sur la mesure envisagée avant qu'elle n'intervienne.
4. Il ressort des pièces du dossier qu'après avoir répondu à sa convocation devant les services de police de Montbéliard, Mme A...a été placée en garde à vue à compter du 8 mars 2018 à 10h40 pour être entendue dans le seul cadre de la procédure judiciaire ouverte à son encontre pour faux et usage de faux en raison de la présentation d'un acte de naissance falsifié. Si les différents procès-verbaux de police échangés entre les services de police et la préfecture font état de l'imminence de l'édiction d'une mesure d'éloignement, il ne ressort pas des pièces du dossier, et en particulier des procès-verbaux de ses auditions établis le 8 mars 2018 et, en dernier lieu, le lendemain à 8h30 que la requérante en ait été préalablement avisée avant la notification de l'obligation de quitter le territoire français le 9 mars 2018 à 10h10, alors que l'édiction d'une mesure d'éloignement ne pouvait être déduite de la mise en oeuvre de la procédure pénale dont elle faisait par ailleurs l'objet. Il s'ensuit que la requérante est fondée à soutenir que son droit d'être entendue préalablement à l'intervention de la décision litigieuse a été méconnu.
5. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de la Haute-Saône n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Nancy a annulé l'arrêté litigieux.
D E C I D E :
Article 1er : La requête susvisée présentée par le préfet de la Haute-Saône est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à Mme B...C...A....
Une copie du présent arrêt sera adressée au préfet de la Haute-Saône.
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N° 18NC01499