Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 14 juin 2018, M.B..., représenté par Me Gaffuri, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 15 mai 2018 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de l'Aube du 15 janvier 2018 ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Aube de lui délivrer un titre de séjour, à défaut de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 2 000 euros, à verser à son conseil, en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
Sur la décision de refus de titre de séjour :
- la décision attaquée est insuffisamment motivée ;
- le préfet n'a pas procédé à un examen de sa situation personnelle ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 313-11 4° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- cette décision doit être annulée en conséquence de l'illégalité du refus de titre de séjour ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
- elle est insuffisamment motivée.
Par un mémoire en défense enregistré le 28 décembre 2018, le préfet de l'Aube conclut au rejet de la requête ;
Il fait valoir qu'aucun des moyens soulevés par M. B...n'est fondé ;
M. B...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du bureau d'aide juridictionnelle de Nancy du 23 août 2018.
Vu :
- les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Bauer.
Considérant ce qui suit :
1. M.B..., ressortissant sénégalais né le 8 janvier 1982, est entré en France, selon ses déclarations, sous couvert de son passeport revêtu d'un visa de court séjour, le 13 mars 2013. A la suite de son mariage le 24 septembre 2016 avec une ressortissante française, il a sollicité la délivrance d'un titre de séjour en qualité de conjoint de français le 29 juin 2017. Par un arrêté du 15 janvier 2018, le préfet de l'Aube a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Le requérant relève appel du jugement du 15 mai 2018 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté ses conclusions à fin d'annulation de ces décisions.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". L'article L.313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit par ailleurs que la carte de séjour temporaire vie privée et familiale est délivrée de plein droit à "A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ; ".
3. Il n'est pas contesté, que M. B...réside avec son épouse de nationalité française depuis le mois de janvier 2016. Il ressort par ailleurs de l'échographie en date du 1er février 2018 produite au dossier qu'à la date de l'arrêté attaqué, son épouse était enceinte de sept semaines et que le terme de sa grossesse était prévu pour le mois de septembre 2018. Cette dernière étant par ailleurs déjà mère de six enfants, elle a besoin du soutien et de l'assistance de son époux pendant sa grossesse. L'intéressé dispose par ailleurs d'une promesse d'embauche dans un chantier d'insertion, sous réserve de la régularisation de sa situation, et justifie de la qualité de son intégration par l'encadrement, à titre bénévole, depuis 2017, des jeunes de l'école de football de sa commune en qualité de dirigeant. Ainsi, M. B... est fondé à soutenir que l'arrêté attaqué a porté, dans les circonstances particulières de l'espèce, une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale, et méconnaît ainsi les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il doit, par suite, être annulé.
4. Il résulte de tout ce qui précède et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens soulevés, que M. B...est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande en annulation.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
5. Eu égard aux motifs de l'annulation des décisions attaquées, il y a lieu d'enjoindre au préfet de l'Aube de délivrer à l'intéressé un titre de séjour dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, sous réserve d'un changement de circonstances de fait et de droit depuis l'édiction de l'arrêté attaqué.
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
6. Il résulte des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative que l'avocat du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle peut demander au juge de condamner la partie perdante à lui verser la somme correspondant à celle qu'il aurait réclamée à son client, si ce dernier n'avait pas eu l'aide juridictionnelle, à charge pour l'avocat qui poursuit, en cas de condamnation, le recouvrement de la somme qui lui a été allouée par le juge, de renoncer à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée.
7. Il y a lieu, en application des dispositions précitées, de mettre à la charge de l'Etat, une somme de 1 000 euros à verser à Me Gaffuri, avocat de M.B..., sous réserve qu'elle renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 1800331 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 15 mai 2018 est annulé.
Article 2 : L'arrêté du 15 janvier 2018 par lequel le préfet de l'Aube a refusé à M. B... la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination, est annulé.
Article 3 : Il est enjoint au préfet de l'Aube de délivrer à l'intéressé un titre de séjour dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, sous réserve d'un changement de circonstances de fait et de droit depuis l'édiction de l'arrêté attaqué
Article 4 : L'Etat versera à Me Gaffuri, avocat de M.B..., une somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve qu'elle renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...C...B...et au ministre de l'intérieur.
Une copie du présent arrêt sera adressée au préfet de l'Aube.
2
N° 18NC01727