Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 27 septembre 2018, le préfet des Vosges demande à la cour d'annuler ce jugement du 25 septembre 2018 par lequel le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Nancy a annulé l'arrêté du 2 août 2018 et a enjoint au préfet des Vosges de réexaminer la situation de M. B...dans un délai de deux mois ainsi que de lui délivrer une autorisation de séjour valable jusqu'à ce qu'il soit à nouveau statué sur sa situation.
Il soutient que :
- lors de son audition par les forces de l'ordre le 2 août 2018, M. B...a été interrogé sur sa situation administrative et a pu faire valoir des observations lors de sa précédente demande de titre de séjour ;
- les autres moyens soulevés par M. B...devant le tribunal ne sont pas fondés.
Vu :
- les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Lambing a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M.B..., né en 1983 de nationalité algérienne, serait entré irrégulièrement en France en 2014 selon ses déclarations. Il a sollicité un certificat de résidence algérien en raison de son état de santé. Par arrêté du 25 janvier 2017, le préfet des Vosges a refusé sa demande et lui a fait obligation de quitter le territoire français. M. B...s'est maintenu irrégulièrement sur le territoire français. Lors d'un différend familial, M. B...a été contrôlé par les forces de police qui ont constaté sa situation irrégulière en France. Par arrêté du 2 août 2018, le préfet des Vosges l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Le préfet des Vosges relève appel du jugement du 25 septembre 2018 par lequel le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Nancy a annulé l'arrêté du 2 août 2018 et a enjoint au préfet des Vosges de réexaminer la situation de M. B...dans un délai de deux mois ainsi que de lui délivrer une autorisation de séjour valable jusqu'à ce qu'il soit à nouveau statué sur sa situation.
Sur le motif d'annulation retenu par le tribunal :
2. Aux termes de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions et organes de l'Union. / Ce droit comporte notamment : / - le droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre (...) ". Il résulte de la jurisprudence de la Cour de Justice de l'Union européenne que cet article s'adresse non pas aux Etats membres mais uniquement aux institutions, organes et organismes de l'Union. Ainsi, le moyen tiré de leur violation par une autorité d'un Etat membre est inopérant. Il résulte, toutefois, également de la jurisprudence de la Cour de Justice que le droit d'être entendu fait partie intégrante du respect des droits de la défense, principe général du droit de l'Union. Il appartient aux Etats membres, dans le cadre de leur autonomie procédurale, de déterminer les conditions dans lesquelles le respect de ce droit est assuré. Ce droit se définit comme celui de toute personne de faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue au cours d'une procédure administrative avant l'adoption de toute décision susceptible d'affecter de manière défavorable ses intérêts. Il ne saurait cependant être interprété en ce sens que l'autorité nationale compétente est tenue, dans tous les cas, d'entendre l'intéressé lorsque celui-ci a déjà eu la possibilité de présenter, de manière utile et effective, son point de vue sur la décision en cause.
3. De plus si, ainsi que la Cour de justice de l'Union européenne l'a jugé dans ses arrêts C-166/13 et C-249/13 des 5 novembre et 11 décembre 2014, le droit d'être entendu préalablement à l'adoption d'une décision de retour implique que l'autorité administrative mette le ressortissant étranger en situation irrégulière à même de présenter, de manière utile et effective, son point de vue sur l'irrégularité du séjour et les motifs qui seraient susceptibles de justifier que l'autorité s'abstienne de prendre à son égard une décision de retour, il n'implique pas que l'administration ait l'obligation de mettre l'intéressé à même de présenter ses observations de façon spécifique sur la décision l'obligeant à quitter le territoire français ou sur les décisions accompagnant cette décision, dès lors qu'il a pu être entendu sur l'irrégularité du séjour ou la perspective de l'éloignement.
4. Pour annuler l'arrêté en litige, le tribunal a jugé qu'il ne ressortait pas des pièces du dossier que préalablement à l'édiction de l'obligation de quitter le territoire français, notifiée par voie administrative, M. B...ait été entendu sur la perspective de son éloignement dès lors que la précédente mesure d'éloignement avait été prise à son encontre dix-huit mois plus tôt.
5. Il ressort des pièces du dossier, et notamment du procès-verbal d'audition de M. B... du 2 août 2018 à 9h40, produit pour la première fois en appel par le préfet des Vosges, que l'intéressé a été entendu par la police nationale au sujet de sa situation irrégulière sur le territoire français et plus particulièrement à propos de la précédente mesure d'éloignement qui lui a été notifiée en janvier 2017. M. B...a pu exprimer son souhait de demeurer en France afin d'y être soigné et a mentionné la présence en France de sa soeur chez qui il vit. L'arrêté contesté a été notifié à M. B... par les forces de police le 2 août 2018 à 15h50. Il s'ensuit que préalablement à l'édiction de l'arrêté contesté, M. B...a pu présenter les observations qu'il estimait utiles sur sa situation. Par ailleurs, n'ayant pas déféré à la mesure d'éloignement dont il avait précédemment fait l'objet et se trouvant en situation irrégulière, il ne pouvait ignorer qu'il pouvait faire l'objet de nouvelles mesures d'éloignement. Il n'apporte, enfin, pas d'élément de nature à établir qu'il n'a pas pu, préalablement à l'édiction de la décision litigieuse et notamment lors de son audition par les services de police, présenter des observations. Par suite, c'est à tort que le tribunal s'est fondé sur le motif que M. B...a été privé de son droit à être entendu garanti par le droit de l'Union pour annuler l'arrêté en litige.
6. Toutefois, il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. B...devant le tribunal administratif et le cas échéant devant la cour.
Sur les autres moyens soulevés par M. B...devant le tribunal administratif et devant la cour :
7. En premier lieu, en vertu d'un arrêté du préfet des Vosges du 27 mars 2018 régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture des Vosges le 29 mars 2018, M. A...D..., adjoint au chef du bureau des étrangers, était titulaire d'une délégation de signature " aux fins de signature (...) des arrêtés portant reconduite à la frontière pris en application des articles L. 511-1 I (1°, 2°, 3°, 4°, 5°, 6 °, 7° et 8°), L. 511-1 II (...) ". Par suite, contrairement à ce que soutient le requérant, M. D... était bien compétent pour signer l'arrêté attaqué. En outre, il ressort des pièces du dossier que l'arrêté contesté a bien été signé par M. D....
8. En second lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : / (...) 5) au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus ".
9. M. B...soutient qu'il vit auprès de sa tante de nationalité française à qui il apporte son soutien au quotidien. Il fait valoir également qu'il est parfaitement intégré en France. Il ressort des pièces du dossier que la présence en France de l'intéressé n'est établie que moins de deux ans avant l'édiction de l'arrêté en litige, à compter du 4 novembre 2016, date à laquelle il a été reçu par les services de la préfecture pour déposer un titre de séjour. Il a déjà fait l'objet d'une précédente mesure d'éloignement le 25 janvier 2017 qu'il n'a pas exécutée. Si M. B...est hébergé chez sa soeur, comme cela ressort des procès-verbaux établis par les forces de police lors de leur intervention le 1er août 2018 au domicile de cette dernière en raison de différends familiaux, l'intéressé ne justifie pas que sa présence est absolument nécessaire auprès de sa tante. Il n'est par ailleurs pas dépourvu d'attaches en Algérie où il a vécu jusqu'à l'âge de 33 ans et où vivent encore sa mère et son frère comme il l'a déclaré dans le procès-verbal d'audition du 2 août 2018. Par suite, dans les circonstances de l'espèce, compte tenu notamment des conditions de séjour de l'intéressé sur le territoire national, il ne ressort pas des pièces du dossier que la décision litigieuse a porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. Les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et celles de l'article 6 de l'accord franco-algérien n'ont ainsi pas été méconnues.
10. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet des Vosges est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement contesté, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Nancy a annulé l'arrêté du 2 août 2018 et a enjoint au préfet des Vosges de réexaminer la situation de M. B...dans un délai de deux mois ainsi que de lui délivrer une autorisation de séjour valable jusqu'à ce qu'il soit à nouveau statué sur sa situation.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nancy du 25 septembre 2018 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. B...devant le tribunal administratif de Nancy est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B...et au ministre de l'intérieur.
Une copie du présent arrêt sera adressée au préfet des Vosges.
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N° 18NC02621