Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 2 octobre 2018, Mme B...C..., représentée par MeA..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 15 mars 2018 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 19 octobre 2017 par lequel le préfet de la Marne a rejeté sa demande de renouvellement d'un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination ;
2°) d'annuler cet arrêté du 19 octobre 2017 ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Marne de lui délivrer une carte de séjour à compter de l'arrêt à intervenir sous astreinte de cent euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros à verser à son conseil en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
Sur la régularité du jugement :
- c'est à tort que le tribunal a fait droit à la demande de substitution de la base légale du préfet de la Marne.
Sur la légalité de l'arrêté :
- la décision est entachée d'un vice de compétence de l'auteur de l'acte ;
- la décision est insuffisamment motivée et est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation ;
- son droit à être entendu, principe général du droit de l'Union européenne énoncé à l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, a été méconnu ;
- elle justifie du caractère réel et sérieux de ses études ainsi que des circonstances qui ne lui ont pas permis de valider ses examens ;
- le préfet a commis une erreur de droit au regard des stipulations de l'article 8 la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle ne pouvait faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire puisqu'elle disposait d'un récépissé valide à la date de l'arrêté contesté ;
- le préfet n'établit pas qu'elle serait admissible dans son pays d'origine ou dans un autre pays.
Par un mémoire en défense, enregistré le 7 décembre 2018, le préfet de la Marne conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par Mme C...ne sont pas fondés.
Par lettre du 27 décembre 2018, la cour a informé les parties, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de ce que les moyens soulevés en appel arguant d'un vice de compétence, d'un défaut de motivation et d'un défaut d'examen particulier de sa situation, ainsi que de la méconnaissance de son droit à être entendu préalablement à l'édiction de l'arrêté contesté, fondés sur une cause juridique distincte de celle dont relevaient les moyens soulevés en première instance, constituent une demande nouvelle irrecevable en appel.
Mme C...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 23 août 2018.
Vu :
- les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention franco-ivoirienne relative à la circulation et au séjour des personnes, signée à Abidjan le 21 septembre 1992 ;
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Lambing a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme C..., née en 1989 de nationalité ivoirienne, est entrée régulièrement en France le 4 septembre 2014 munie d'un visa long séjour en qualité d'étudiant. Elle a bénéficié d'un titre de séjour portant la mention " étudiant " jusqu'au 24 août 2017. Par arrêté du 19 octobre 2017, le préfet de la Marne a rejeté sa demande de renouvellement d'un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Mme C... relève appel du jugement du 15 mars 2018 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté du 19 octobre 2017.
Sur la régularité du jugement :
2. Les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile relatives aux différents titres de séjour qui peuvent être délivrés aux étrangers en général et aux conditions de leur délivrance s'appliquent, ainsi que le rappelle l'article L. 111-2 du même code, " sous réserve des conventions internationales ". Aux termes de l'article 9 de la convention franco-ivoirienne du 21 septembre 1992 relative à la circulation et au séjour des personnes : " Les ressortissants de chacun des Etats contractants désireux de poursuivre des études supérieures ou d'effectuer un stage de formation de niveau supérieur sur le territoire de l'autre Etat doivent, outre le visa de long séjour prévu à l'article 4, justifier d'une attestation d'inscription ou de préinscription dans l'établissement d'enseignement choisi, ou d'une attestation d'accueil de l'établissement où s'effectue le stage, ainsi que, dans tous les cas, de moyens d'existence suffisants. Les intéressés reçoivent un titre de séjour temporaire portant la mention " étudiant ". Ce titre de séjour est renouvelé annuellement sur justification de la poursuite effective des études ou du stage et de la possession de moyens d'existence suffisants. Ces dispositions ne font pas obstacle à la possibilité d'effectuer dans l'autre Etat d'autres types d'études ou de stages de formation dans les conditions prévues par la législation applicable ". Aux termes de l'article 10 de cette convention : " Pour tout séjour sur le territoire français devant excéder trois mois, les ressortissants ivoiriens doivent posséder un titre de séjour. (...) Ces titres de séjour sont délivrés conformément à la législation de l'Etat d'accueil ". En outre, l'article 14 de la même convention stipule que : " Les points non traités par la convention en matière d'entrée et de séjour des étrangers sont régis par les législations respectives des deux États ". Aux termes de l'article L. 313-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I.-La carte de séjour temporaire accordée à l'étranger qui établit qu'il suit en France un enseignement ou qu'il y fait des études et qui justifie qu'il dispose de moyens d'existence suffisants porte la mention " étudiant ". (...) ".
3. Il résulte des stipulations précitées de l'article 14 de la convention franco-ivoirienne que l'article L. 313-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'est pas applicable aux ressortissants ivoiriens désireux de poursuivre leurs études en France, dont la situation est régie par l'article 9 de cette convention. Lorsqu'il constate que la décision contestée devant lui aurait pu être prise, en vertu du même pouvoir d'appréciation, sur le fondement d'un autre texte que celui dont la méconnaissance est invoquée, le juge de l'excès de pouvoir peut substituer ce fondement à celui qui a servi de base légale à la décision attaquée, sous réserve que l'intéressé ait disposé des garanties dont est assortie l'application du texte sur le fondement duquel la décision aurait dû être prononcée. Une telle substitution relevant de l'office du juge, celui-ci peut y procéder de sa propre initiative, au vu des pièces du dossier, mais sous réserve, dans ce cas, d'avoir au préalable mis les parties à même de présenter des observations sur ce point.
4. La décision de refus de renouvellement de titre de séjour " étudiant " contestée trouve son fondement légal dans les stipulations de l'article 9 de la convention franco-ivoirienne susvisée relatif à l'admission au séjour des étudiants. Par suite, c'est à bon droit que les premiers juges ont substitué ces stipulations à celles du I de l'article L. 313-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que cette substitution de base légale n'a pas pour effet de priver Mme C... d'une garantie et que l'administration dispose du même pouvoir d'appréciation pour appliquer l'un ou l'autre de ces deux textes, et, enfin, que les parties ont été informées par lettre du greffe du tribunal de ce que ce dernier était susceptible de procéder d'office à cette substitution de base légale et ont été mises en mesure de produire leurs observations sur ce point. Il s'ensuit que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que le tribunal a entaché son jugement d'irrégularité en faisant droit à la demande de substitution de base légale formulée par le préfet.
Sur la légalité de l'arrêté pris dans son ensemble :
5. Devant le tribunal administratif, Mme C... n'avait soulevé que des moyens tirés de l'illégalité interne de l'arrêté attaqué. Si devant la cour, elle soutient en outre que cet arrêté serait entaché d'un vice de compétence, d'un défaut de motivation et d'un défaut d'examen particulier de sa situation, et méconnaîtrait son droit à être entendu préalablement à son édiction, ces moyens, fondés sur une cause juridique distincte, constituent une demande nouvelle irrecevable en appel.
Sur la légalité de la décision refusant le renouvellement de son titre de séjour :
6. En premier lieu, pour refuser de renouveler le titre de séjour de Mme C..., le préfet de la Marne s'est fondé sur l'absence de poursuite d'études sérieuses de l'intéressée au motif qu'à l'issue de trois années universitaires en France, elle n'avait pu valider aucune année. Il ressort des pièces du dossier que Mme C... s'est inscrite au cours de l'année universitaire 2014/2015 en première année de master droit privé à l'université de Reims Champagne-Ardenne. Elle a été ajournée avec une moyenne de 7,175 sur 20 et elle n'a pu valider aucune unité d'enseignement. A l'issue de son redoublement en 2015/2016, la requérante a été à nouveau ajournée avec une moyenne de 8,994 sur 20 et elle n'a pu valider seulement quatre unités d'enseignement sur les dix que comprennent la première année de master. En 2016/2017, lors de son second redoublement, Mme C... a pu obtenir une moyenne de 9,535 sur 20 en validant une nouvelle unité d'enseignement. Mme C... n'a ainsi pas démontré la poursuite effective de ses études. Pour expliquer ses échecs, la requérante se prévaut du décès de sa grand-mère le 6 septembre 2015 et celui de son fiancé le 4 mai 2017, à la suite duquel elle aurait subi une dépression. Cependant, elle n'établit pas la réalité des incidences de son état de santé sur sa scolarité. Les attestations de ses proches ne suffisent pas à démontrer que ses échecs peuvent être imputés à ces circonstances, d'autant que Mme C... avait déjà échoué à deux reprises avant le décès de son fiancé. Par suite, le préfet de la Marne n'a pas commis ni d'erreur de droit ni d'erreur d'appréciation au regard des dispositions de l'article 9 de la convention franco-ivoirienne en refusant de renouveler le titre de séjour du requérant en raison de ses échecs répétés au cours des trois années précédentes et de son absence de progression dans ses études.
7. En deuxième lieu, le moyen tiré de ce que le préfet a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme est dépourvu des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé. Ce moyen doit être par suite écarté.
Sur la légalité de la décision l'obligeant à quitter le territoire français :
8. En premier lieu, aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. - L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne (...) lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) 3° Si (...) le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger (...) ".
9. Mme C...soutient que la possession d'un récépissé de dépôt d'une demande de titre de séjour faisait obstacle à ce qu'une mesure d'éloignement soit prise à son encontre. Cependant, dès lors que sa demande de renouvellement de titre de séjour lui était refusée, le préfet était fondé à l'obliger à quitter le territoire français sur le fondement du 3° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, même avant la fin du délai de validité de son récépissé.
10. En second lieu, le moyen tiré de ce que le préfet a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme est dépourvu des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé. Ce moyen doit être par suite écarté.
Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :
11. Aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droits d'asile : " L'étranger qui fait l'objet d'une mesure d'éloignement est éloigné : 1° A destination du pays dont il a la nationalité, sauf si l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou la Cour nationale du droit d'asile lui a reconnu le statut de réfugié ou lui a accordé le bénéfice de la protection subsidiaire ou s'il n'a pas encore été statué sur sa demande d'asile ; 2° Ou, en application d'un accord ou arrangement de réadmission communautaire ou bilatéral, à destination du pays qui lui a délivré un document de voyage en cours de validité ; 3° Ou, avec son accord, à destination d'un autre pays dans lequel il est légalement admissible. / Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ".
12. Il est constant que Mme C...a la nationalité ivoirienne. Dès lors, le préfet de la Marne pouvait légalement, en application du 1° de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, décider son éloignement à destination de la Côte-d'Ivoire, sans que l'intéressée puisse utilement se prévaloir de la circonstance qu'elle n'y serait pas admissible. Au demeurant, la requérante n'établit ni même n'allègue qu'elle ne serait pas légalement admissible dans son pays d'origine. Par suite, la requérante n'est pas fondée à soutenir que le préfet n'établit pas qu'elle serait admissible dans son pays d'origine ou dans un autre pays.
13. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement contesté, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande. Il y a lieu de rejeter, par voie de conséquence, les conclusions aux fins d'injonction et celles tendant à l'application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... C...et au ministre de l'intérieur.
Une copie du présent arrêt sera adressée au préfet de la Marne.
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N° 18NC02684