Par un jugement n° 1800273, 1800274 du 15 mars 2018, le président du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté leurs demandes.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 2 octobre 2018, M. et MmeB..., représentés par Me A..., demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler les arrêtés précités du 29 janvier 2018 ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Marne de leur délivrer une carte de séjour temporaire sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sous une astreinte de 100 euros par jour de retard à compter du présent arrêt ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros au bénéfice de son conseil en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Ils soutiennent que :
Sur les décisions de refus de séjour :
- elles sont insuffisamment motivées ;
- elles méconnaissent l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le préfet de la Marne s'est estimé lié par les décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et de la Cour nationale du droit d'asile ;
- les décisions contestées sont contraires aux stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- les décisions contestées sont contraires à l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le préfet de la Marne a méconnu les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Sur les décisions obligeant M. et Mme B...à quitter le territoire français :
- le préfet de la Marne a méconnu les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Sur les décisions fixant le pays de renvoi :
- elles sont contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 16 janvier 2019, le préfet de la Marne conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.
M. et Mme B...ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par deux décisions du bureau d'aide juridictionnelle du tribunal de grande instance de Nancy du 23 août 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale de New York du 26 janvier 1990 relative aux droits de l'enfant ;
- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. C...Dhers a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. et MmeB..., ressortissants congolais (République démocratique du Congo) nés respectivement les 13 septembre 1979 et 3 mai 1982, ont déclaré être entrés en France le 9 novembre 2015. Ils ont déposé des demandes d'asile qui ont été rejetées par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides les 27 juin et 26 juillet 2017 et par la Cour nationale du droit d'asile le 19 novembre 2017. Par deux arrêtés du 29 janvier 2018, le préfet de la Marne leur a refusé la délivrance d'un titre de séjour en qualité de réfugiés, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé leur pays de destination. Les requérants relèvent appel du jugement du 15 mars 2018 par lequel le président du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation de ces arrêtés.
Sur les décisions portant refus de délivrance d'un titre de séjour :
2. En premier lieu, les décisions contestées comportent les éléments de droit et de fait qui en constituent le fondement. M. et Mme B...ne sont dès lors pas fondés à soutenir qu'elles sont entachées d'un défaut de motivation.
3. En deuxième lieu, si, aux termes de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions et organes de l'Union. Ce droit comporte notamment : - le droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre (...) ", il résulte de la jurisprudence de la Cour de Justice de l'Union européenne que cet article s'adresse non pas aux Etats membres mais uniquement aux institutions, organes et organismes de l'Union. Ainsi, le moyen, tel qu'il est articulé, tiré de sa violation par une autorité d'un Etat membre est inopérant.
4. En troisième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier, et en particulier de la motivation des décisions contestées, que le préfet de la Marne se serait estimé lié par les décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et de la Cour nationale du droit d'asile.
5. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
6. M. et Mme B...font valoir qu'ils sont entrés en France le 9 novembre 2015, que leur fille y est née le 4 novembre 2016 et qu'ils sont insérés dans la société française. Cependant, eu égard à l'entrée récente des requérants en France, au jeune âge de leur fille à la date des décisions contestées et au fait que les requérants ne justifient pas de circonstances s'opposant à ce que leur cellule familiale se reconstitue en République démocratique du Congo, le préfet de la Marne n'a pas porté à leur droit au respect de leur vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels ces décisions ont été prises. Il s'ensuit que le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées doit être écarté.
7. En cinquième lieu, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté pour les motifs exposés au point précédent.
8. En sixième lieu, il est constant que M. et Mme B...n'ont pas demandé un titre de séjour sur le fondement du 11° de l'article L. 313-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et il ressort des mentions des décisions litigieuses que le préfet de la Marne n'a pas statué sur ce fondement. Si le requérant a formulé une telle demande le 9 février 2018, cette circonstance est postérieure à l'édiction de l'arrêté qu'il conteste. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions doit être écarté comme inopérant.
9. En septième lieu, à supposer que M. et Mme B...aient entendu faire valoir que les décisions contestées sont contraires aux stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale de New York du 26 janvier 1990 relatives aux droits de l'enfant, un tel moyen ne peut qu'être écarté pour les motifs exposés au point 6.
10. En huitième lieu, les stipulations de l'article 9 de la convention des droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ne créent seulement des obligations qu'entre Etats. Par suite, si M. et Mme B...ont entendu se prévaloir de ces stipulations, un tel moyen ne peut qu'être écarté comme inopérant.
Sur les décisions obligeant M. et Mme B...à quitter le territoire français :
11. Aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...)10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié (...) ".
12. S'il ressort de certificats médicaux versés au dossier que M. B...est atteint d'une maladie chronique du foie et que Mme B...souffre d'un stress post-traumatique, ces documents ne permettent pas d'établir que les requérants ne pourraient bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans leur pays d'origine. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées doit être écarté.
Sur les décisions fixant le pays de renvoi :
13. Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".
14. S'ils font valoir qu'ils seraient menacés par les autorités congolaises en raison de l'implication de M. B...au sein de l'association " Ungudi " qui a pour objet de sensibiliser la population sur les promesses électorales non tenues par le président congolais, les requérants, dont les demandes d'asile ont, au demeurant, été rejetées par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et par la Cour nationale du droit d'asile ne produisent aucun document de nature à établir le bien-fondé de leurs affirmations. Ainsi, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées ne peut qu'être écarté.
15. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme B...ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le président du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté leurs demandes. Par voie de conséquence, leurs conclusions aux fins d'injonction sous astreinte ainsi que celles présentées sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. et Mme B...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D...B...néeF..., à M. E...B...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Marne.
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N° 18NC02683