Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 19 août 2015 et un mémoire complémentaire, enregistré le 27 mai 2016, M.A..., représenté par Me Dole, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 3 mars 2015 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Bas-Rhin du 4 septembre 2014 ;
3°) d'enjoindre au préfet du Bas-Rhin, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou " salarié " ou, subsidiairement, une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler et de procéder au réexamen de sa situation ;
4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 1 200 euros, à verser à son conseil, en application des articles L.761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
Sur la décision portant refus de titre de séjour :
- cette décision n'est pas suffisamment motivée ;
- la décision méconnaît l'article 3 paragraphe 321 de l'accord franco-sénégalais du 23 septembre 2006 ;
- si les premiers juges ont substitué au motif retenu par l'administration et tiré de la situation de l'emploi un autre motif tiré de l'inadéquation entre le poste proposé et les compétences du requérant, ce dernier motif manque en fait dès lors que le préfet a commis une erreur de fait quant à l'emploi occupé ;
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- cette décision a été prise en méconnaissance de son droit d'être entendu qu'il tient de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- elle doit être annulée en conséquence de l'illégalité du refus de titre de séjour ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
Sur la décision fixant le délai de départ volontaire :
- cette décision doit être annulée en conséquence de l'illégalité du refus de titre de séjour et de l'obligation de quitter le territoire français.
Par un mémoire en défense enregistré le 26 mai 2016, le préfet du Bas-Rhin conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
M. A...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du bureau d'aide juridictionnelle de Nancy du 23 juillet 2015.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.
Vu :
- les autres pièces du dossier.
Vu :
- l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République sénégalaise relatif à la gestion concertée des flux migratoires, signé le 23 septembre 2006, et l'avenant à cet accord, signé le 25 février 2008 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Di Candia, premier conseiller ;
- et les observations de M. A...lui-même.
1. Considérant que M.A..., ressortissant sénégalais, est entré régulièrement en France le 28 octobre 2006 ; qu'il a, en dernier lieu, bénéficié d'une carte de séjour temporaire, délivrée sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, valable jusqu'au 20 mars 2014 ; que, par courrier du 7 février 2014, il a sollicité la délivrance d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou, à défaut, le renouvellement de sa carte de séjour temporaire ; que, par arrêté du 4 septembre 2014, le préfet du Bas-Rhin a refusé de faire droit à ses demandes, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné ; que M. A... relève appel du jugement du 3 mars 2015 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ;
Sur la légalité de l'arrêté du 4 septembre 2014 :
2. Considérant que les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile relatives aux titres de séjour qui peuvent être délivrés aux étrangers et aux conditions de délivrance de ces titres s'appliquent, ainsi que le rappelle l'article L. 111-2 du même code, " sous réserve des conventions internationales " ; qu'en ce qui concerne les ressortissants sénégalais, s'appliquent les stipulations de la convention du 1er août 1995 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Sénégal relative à la circulation et au séjour des personnes ainsi que celles de l'accord du 23 septembre 2006 relatif à la gestion concertée des flux migratoires, telles que modifiées par un avenant signé le 25 février 2008 ; qu'aux termes du sous-paragraphe 321 de l'accord modifié du 23 septembre 2006 : " (...) La carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", d'une durée de douze mois renouvelable, ou celle portant la mention " travailleur temporaire " sont délivrées, sans que soit prise en compte la situation de l'emploi, au ressortissant sénégalais titulaire d'un contrat de travail visé par l'Autorité française compétente, pour exercer une activité salariée dans l'un des métiers énumérés à l'annexe IV (...) " ; qu'au nombre des métiers énumérés à cette annexe figure la catégorie des " intervenants auprès d'enfants " dans le domaine des services aux particuliers et aux collectivités " ; qu'aux termes de l'article R. 5221-20 du code du travail : " Pour accorder ou refuser l'une des autorisations de travail mentionnées à l'article R. 5221-11, le préfet prend en compte les éléments d'appréciation suivants : (...) 2° L'adéquation entre la qualification, l'expérience, les diplômes ou titres de l'étranger et les caractéristiques de l'emploi auquel il postule (...) " ;
3. Considérant que pour refuser à M. A...le titre de séjour qu'il sollicitait, le préfet du Bas-Rhin a estimé que celui-ci ne possédait pas de diplôme d'État d'éducateur technique spécialisé et ne justifiait pas d'une expérience professionnelle dans ce domaine ; qu'il s'est fondé à cet effet sur un référentiel professionnel annexé à l'arrêté du 18 mai 2009 relatif au diplôme d'État d'éducateur technique spécialisé déterminant les conditions de certification et de formation nécessaire pour exercer le métier d'éducateur technique spécialisé en France ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier qu'à l'appui de sa demande de titre de séjour, le requérant a produit un contrat de travail à durée déterminée conclu le 15 janvier 2014 avec l'association Oberholz pour occuper non pas un poste d'éducateur technique spécialisé mais un poste d'enseignant technique dans le centre éducatif fermé de Saverne ; que si le directeur de ce centre a attesté, le 17 janvier 2016, que M. A...avait été embauché en qualité d'éducateur technique, il a, dès le 19 janvier 2016, délivré une seconde attestation précisant que M. A...avait été embauché en qualité d'enseignant technique, et non d'éducateur spécialisé ; que M. A...produit des bulletins de paie, couvrant la période du 16 janvier au 31 août 2014, correspondant à un emploi d'enseignant technique ; que, dans ces conditions, le métier invoqué par M. A...au soutien de sa demande de titre de séjour mention " salarié " doit être regardé comme celui d'enseignant technique, et non d'éducateur technique spécialisé ; que, dès lors, M. A...est fondé à soutenir que le préfet du Bas-Rhin a commis une erreur de fait en examinant l'adéquation entre la qualification, l'expérience, les diplômes ou titres de l'étranger et les caractéristiques de l'emploi auquel M. A...postulait ;
4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. A...est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet du Bas-Rhin du 4 septembre 2014 ;
Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :
5. Considérant que l'exécution du présent arrêt implique seulement que la demande de M. A...soit réexaminée ; qu'il y a lieu, par suite, d'enjoindre au préfet du Bas-Rhin de procéder à ce réexamen dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt ; que, durant cette période d'instruction, M. A...sera muni d'une autorisation provisoire de séjour en application des dispositions de l'article L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte ;
Sur les conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
6. Considérant que M. A...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Dole, avocat de M.A..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, de mettre à la charge de ce dernier le versement à Me Dole de la somme de 1 500 euros ;
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 1406656 du tribunal administratif de Strasbourg du 3 mars 2015, ainsi que l'arrêté du préfet du Bas-Rhin du 4 septembre 2014 refusant la délivrance d'un titre de séjour à M.A..., lui faisant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays à destination duquel il pourra être éloigné, sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet du Bas-Rhin de procéder au réexamen de la demande de M. A...dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et de délivrer à l'intéressé une autorisation provisoire de séjour durant ce réexamen.
Article 3 : L'État versera à Me Dole une somme de 1 500 (mille cinq cents) euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Dole renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...C...A...et au ministre de l'intérieur.
Une copie du présent arrêt sera adressée au préfet du Bas-Rhin.
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N°15NC01856