Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 6 octobre 2015, MmeA..., représentée par
MeC..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler cet arrêté ;
3°) d'enjoindre au préfet de Meurthe-et-Moselle de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et de procéder dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir à un nouvel examen de sa situation ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement au conseil de la requérante d'une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- la décision de refus de séjour et l'obligation de quitter le territoire français ne sont pas suffisamment motivées ;
- la décision du préfet de ne pas lui accorder un délai de départ volontaire n'est pas motivée ;
- elle n'a pas été en mesure de présenter des observations préalables ;
- le préfet a porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le préfet aurait donc dû lui délivrer la carte de séjour temporaire prévue au 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le préfet a commis une erreur de fait et une erreur de droit en ne lui accordant pas un délai de départ volontaire ;
- le préfet a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences des décisions contestées sur sa situation personnelle ;
- le préfet a commis une erreur manifeste en estimant qu'elle ne faisait valoir aucun motif exceptionnel ni aucune considération humanitaire au sens de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile
- le préfet s'est cru à tort en situation de compétence liée pour refuser de lui délivrer le titre de séjour prévu au 2° de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Un mémoire a été déposé par le préfet de Meurthe-et-Moselle le 30 mai 2016, postérieurement à la clôture automatique de l'instruction, trois jours francs avant l'audience.
Le bénéfice de l'aide juridictionnelle a été refusé à Mme E...par une décision en date du 26 mai 2016.
Vu :
- les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le traité sur l'Union européenne ;
- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les Etats membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 79-587 du 10 juillet 1979 dont les dispositions ont été reprises par le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Etienvre.
1. Considérant que Mme B...A..., ressortissante marocaine, née le 1er janvier 1952, relève appel du jugement du 8 septembre 2015 par lequel le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de Meurthe-et-Moselle du 9 avril 2015 portant refus de séjour, obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination ;
Sur les conclusions aux fins d'annulation :
2. Considérant, en premier lieu, que la décision de refus de séjour comporte de manière très précise et non stéréotypée l'ensemble des considérations de droit et de fait sur lesquelles le préfet s'est fondé ; que dès lors que le refus de titre de séjour est lui-même motivé et que les dispositions législatives qui permettent de l'assortir d'une obligation de quitter le territoire français ont été rappelées, la motivation de l'obligation de quitter le territoire se confond avec celle de la décision de refus de séjour ; que l'arrêté en litige mentionne l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'ainsi qu'il a été dit précédemment, la décision portant refus de titre de séjour est suffisamment motivée ; qu'il suit de là que la requérante, qui ne peut utilement se prévaloir directement, à l'appui de son recours, des objectifs fixés par l'article 12 de la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008 dès lors qu'à la date de la décision contestée, ce texte avait été transposé en droit interne par la loi n° 2011-672 du 16 juin 2011, n'est pas fondée à soutenir que l'obligation de quitter le territoire français n'est pas motivée ; qu'enfin, contrairement à ce que Mme A...soutient, le préfet a assorti l'obligation de quitter le territoire française d'un délai de départ volontaire de trente jours ; qu'elle n'est dès lors pas fondée à soutenir que la décision du préfet de ne pas lui accorder un délai de départ volontaire n'est pas motivée ;
3. Considérant, en deuxième lieu, que si, aux termes de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions et organes de l'Union. / Ce droit comporte notamment : / - le droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre (...) ", il résulte de la jurisprudence de la Cour de Justice de l'Union européenne que cet article s'adresse non pas aux Etats membres mais uniquement aux institutions, organes et organismes de l'Union ; qu'ainsi, le moyen tiré de leur violation par une autorité d'un Etat membre est inopérant ;
4. Considérant, toutefois, qu'il résulte également de la jurisprudence de la Cour de Justice que le droit d'être entendu fait partie intégrante du respect des droits de la défense, principe général du droit de l'Union ; qu'il appartient aux Etats membres, dans le cadre de leur autonomie procédurale, de déterminer les conditions dans lesquelles le respect de ce droit est assuré ; que ce droit se définit comme celui de toute personne de faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue au cours d'une procédure administrative avant l'adoption de toute décision susceptible d'affecter de manière défavorable ses intérêts ; qu'il ne saurait cependant être interprété en ce sens que l'autorité nationale compétente est tenue, dans tous les cas, d'entendre l'intéressé lorsque celui-ci a déjà eu la possibilité de présenter, de manière utile et effective, son point de vue sur la décision en cause ;
5. Considérant que le droit d'être entendu implique que l'autorité préfectorale, avant de prendre à l'encontre d'un étranger une décision portant obligation de quitter le territoire français, mette l'intéressé à même de présenter ses observations écrites et lui permette, sur sa demande, de faire valoir des observations orales, de telle sorte qu'il puisse faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue sur la mesure envisagée avant qu'elle n'intervienne ; que, toutefois, dans le cas prévu au 3° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, où la décision faisant obligation de quitter le territoire français est prise concomitamment au refus de délivrance d'un titre de séjour, l'obligation de quitter le territoire français découle nécessairement du refus de titre de séjour ; que le droit d'être entendu n'implique alors pas que l'administration ait l'obligation de mettre l'intéressé à même de présenter ses observations de façon spécifique sur la décision l'obligeant à quitter le territoire français, dès lors qu'il a pu être entendu avant que n'intervienne la décision refusant de lui délivrer un titre de séjour ;
6. Considérant que lorsqu'il sollicite la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour, l'étranger, en raison même de l'accomplissement de cette démarche qui tend à son maintien régulier sur le territoire français, ne saurait ignorer qu'en cas de refus, il pourra faire l'objet d'une mesure d'éloignement ; qu'à l'occasion du dépôt de sa demande, il est conduit à préciser à l'administration les motifs pour lesquels il demande que lui soit délivré un titre de séjour et à produire tous éléments susceptibles de venir au soutien de cette demande ; qu'il lui appartient, lors du dépôt de cette demande, lequel doit en principe faire l'objet d'une présentation personnelle du demandeur en préfecture, d'apporter à l'administration toutes les précisions qu'il juge utiles ; qu'il lui est loisible, au cours de l'instruction de sa demande, de faire valoir auprès de l'administration toute observation complémentaire utile, au besoin en faisant état d'éléments nouveaux ; que le droit de l'intéressé d'être entendu, ainsi satisfait avant que n'intervienne le refus de titre de séjour, n'impose pas à l'autorité administrative de mettre l'intéressé à même de réitérer ses observations ou de présenter de nouvelles observations, de façon spécifique, sur l'obligation de quitter le territoire français qui est prise concomitamment et en conséquence du refus de titre de séjour ;
7. Considérant, dès lors, que la seule circonstance que le préfet qui refuse la délivrance ou le renouvellement du titre de séjour sollicité par l'étranger en assortissant cette décision d'une obligation de quitter le territoire français n'a pas, préalablement à l'édiction de la mesure d'éloignement, de sa propre initiative, expressément informé l'étranger qu'en cas de rejet de sa demande de titre de séjour, il serait susceptible d'être contraint de quitter le territoire français en l'invitant à formuler ses observations sur cette éventualité, n'est pas de nature à permettre de regarder l'étranger comme ayant été privé de son droit à être entendu, notamment énoncé au paragraphe 2 de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ; qu'il y a lieu, en conséquence, en l'espèce, eu égard notamment aux éléments d'information dont a pu bénéficier le requérant lors de l'instruction de sa demande d'admission au séjour, d'écarter ce moyen ;
8. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ; qu'aux termes du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l 'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l' étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d' existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République (...) " ;
9. Considérant que Mme A...soutient que le préfet a porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale dès lors qu'elle vit en France depuis 2006 auprès de son fils, M. G...H...; qu'elle ne donne toutefois aucune précision sur le nombre d'enfants qu'elle a eu avec M. D...H...puis avec son second mari, M. F...et ne justifie pas, en conséquence, qu'elle ne dispose pas d'attaches familiales au Maroc ; que si elle produit par ailleurs de nombreux documents afin de justifier de sa présence en France depuis 2006, les attestations versées au dossier établies pour les besoins de la cause et relatives à l'année 2005 sont d'une force probante insuffisante ; que s'agissant des autres documents produits, pour l'essentiel d'ordre médical, ils ne sont pas non plus suffisants dès lors qu'ils ne recouvrent pas l'intégralité de la période en cause ; que, dans ces conditions, le préfet n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'il s'ensuit également que Mme A...n'est pas davantage fondée à soutenir que le préfet devait lui délivrer la carte de séjour temporaire prévue au 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
10. Considérant, en quatrième lieu, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet ait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences des décisions contestées sur la situation personnelle de l'intéressée et en estimant que celle-ci ne faisait pas valoir de motifs exceptionnels ou de considérations humanitaires au sens de l'article
L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
11. Considérant, en cinquième lieu, que, comme il a été dit au point 2, le préfet a assorti l'obligation de quitter le territoire français d'un délai de départ volontaire ; que
Mme A...n'est donc pas fondée à soutenir que le préfet a commis une erreur de fait et une erreur de droit en ne lui accordant pas un délai de départ volontaire ;
12. Considérant, en sixième lieu, qu'aux termes de l'article L. 314-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si la présence de l'étranger constitue une menace pour l'ordre public, la carte de résident est délivrée de plein droit, sous réserve de la régularité du séjour : (...) 2° A l'enfant étranger d'un ressortissant de nationalité française si cet enfant est âgé de dix-huit à vingt et un ans ou dans les conditions prévues à l'article L. 311-3 ou s'il est à la charge de ses parents ainsi qu'aux ascendants d'un tel ressortissant et de son conjoint qui sont à sa charge, sous réserve qu'ils produisent un visa pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois (...) " ;
13. Considérant qu'il est constant que Mme A...ne satisfaisait pas à la condition de production d'un visa de long séjour susmentionnée ; qu'elle ne peut, en conséquence, soutenir que c'est à tort que le préfet, qui a par ailleurs examiné si Mme A...ne pouvait pas en bénéficier dans le cadre de son pouvoir discrétionnaire de régularisation, ne lui a pas délivré la carte de résident prévue au 2° de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
14. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme A...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy, qui n'a pas omis de répondre à un moyen opérant, a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions aux fins d'injonction :
15. Considérant le présent arrêt, qui rejette les conclusions tendant à l'annulation des décisions contestées, n'implique aucune mesure particulière d'exécution ; que, par suite, les conclusions aux fins d'injonction présentées par Mme A...ne peuvent être accueillies ;
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
16. Considérant que l'État, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, ne saurait être condamné à verser à l'avocat de Mme A...la somme que celle-ci demande en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
D É C I D E :
Article 1er : La requête de Mme A...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B...A...et au ministre de l'intérieur.
Une copie du présent arrêt sera adressée au préfet de Meurthe-et-Moselle.
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N° 15NC02091