Par un jugement n° 1601256,1601257 du 23 janvier 2018, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté les demandes de M. et MmeA..., leur a retiré le bénéfice de l'aide juridictionnelle et les a condamnés à payer une amende pour recours abusif de 1 000 euros.
Procédure devant la cour :
I.) Par une requête, enregistrée le 20 avril 2018 sous le n° 18NC01281, M. A...représenté par MeE..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler la décision du 21 décembre 2015 par lequel le préfet du Bas-Rhin a refusé de l'admettre en France en qualité de demandeur d'asile ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 400 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
Sur la régularité du jugement attaqué :
- le mémoire du préfet du Bas-Rhin ne lui a pas été communiqué ;
Sur la décision du 21 décembre 2015 par laquelle le préfet du Bas-Rhin a refusé de l'admettre en France en qualité de demandeur d'asile :
- le préfet du Bas-Rhin a méconnu l'article R. 741-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le préfet du Bas-Rhin a méconnu l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Sur le retrait de l'aide juridictionnelle et l'infliction d'une amende pour recours abusif :
- par sa requête, il n'a pas poursuivi d'autre but que celui de la préservation de ses intérêts et la défense de ses droits.
II.) Par une requête, enregistrée le 20 avril 2018 sous le n° 18NC01283, Mme A...néeC..., représentée par MeE..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler la décision du 22 décembre 2015 par lequel le préfet du Bas-Rhin a refusé de l'admettre en France en qualité de demandeur d'asile ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 400 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
Sur la régularité du jugement attaqué :
- le mémoire du préfet du Bas-Rhin ne lui a pas été communiqué ;
Sur la décision du 22 décembre 2015 par laquelle le préfet du Bas-Rhin a refusé de l'admettre en France en qualité de demandeur d'asile :
- le préfet du Bas-Rhin a méconnu l'article R. 741-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le préfet du Bas-Rhin a méconnu l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Sur le retrait de l'aide juridictionnelle et l'infliction d'une amende pour recours abusif :
- par sa requête, elle n'a pas poursuivi d'autre but que celui de la préservation de ses intérêts et la défense de ses droits.
M. et Mme A...ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par deux décisions du bureau d'aide juridictionnelle du tribunal de grande instance de Nancy du 20 février 2018.
Par des ordonnances du 17 septembre 2018, la clôture d'instruction a été fixée pour chaque dossier au 8 octobre 2018.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Dhers a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Les requêtes susvisées n° 18NC01281 et 18NC01283 concernent la situation de M. et Mme A...au regard de leur droit au séjour en France et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.
2. M. et Mme A...sont des ressortissants albanais, respectivement nés les 12 mars 1964 et 15 avril 1976. M. A...est entré en France en 2001 pour y solliciter l'asile. Par une décision du 24 décembre 2001, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) a rejeté sa demande d'asile et le requérant a fait l'objet d'une décision l'obligeant à quitter le territoire français du préfet de la Drôme du 5 novembre 2002. M. A...serait revenu en France le 20 mai 2005 pour y déposer une nouvelle demande d'asile qui a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 28 octobre 2005 puis par la Commission des recours des réfugiés le 26 avril 2006. Par une décision du 23 mai 2006, le préfet du Bas-Rhin l'a obligé à quitter le territoire français puis, par une décision du 4 septembre 2006, le préfet du Bas-Rhin a pris un arrêté de reconduite à la frontière à son encontre. M. A...est revenu en France en avril 2007 muni d'un visa de court séjour. Il a déposé une nouvelle demande d'asile le 21 mai 2007 dont il s'est désisté le 11 juin suivant. Par un arrêté du 28 septembre 2007, le préfet du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé son pays de destination. M. A...est revenu en France avec son épouse et leurs trois enfants le 21 mars 2013. M. et Mme A...ont déposé des demandes d'asile le 28 juin 2013. Ces demandes ont été rejetées par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 19 août 2013 et par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) le 9 juillet 2014. Le 27 août 2014, M. et Mme A...ont demandé le réexamen de leurs demandes d'asile. Par deux décisions des 21 et 22 décembre 2015, le préfet du Bas-Rhin a refusé de les admettre au séjour en qualité de demandeurs d'asile au motif que leurs demandes de réexamen constituaient un recours abusif aux procédures d'asile. Les requérants relèvent appel du jugement du 23 janvier 2018 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation de ces décisions, leur a retiré le bénéfice de l'aide juridictionnelle et les a condamnés à payer une amende pour recours abusif de 1 000 euros.
Sur la régularité du jugement attaqué :
3. Aux termes de l'article R. 611-1 du code de justice administrative : " La requête et les mémoires, ainsi que les pièces produites par les parties, sont déposés ou adressés au greffe. La requête, le mémoire complémentaire annoncé dans la requête et le premier mémoire de chaque défendeur sont communiqués aux parties avec les pièces jointes (...) ". Il résulte de ces dispositions, destinées à garantir le caractère contradictoire de l'instruction, que la méconnaissance de l'obligation de communiquer le premier mémoire d'un défendeur est en principe de nature à entacher la procédure d'irrégularité. Il n'en va autrement que dans le cas où il ressort des pièces du dossier que, dans les circonstances de l'espèce, cette méconnaissance n'a pu préjudicier aux droits des parties.
4. Il ressort des pièces des dossiers que le préfet du Bas-Rhin a produit des mémoires en défense qui ont été enregistrés le 5 janvier 2018, soit la veille de la clôture de l'instruction, l'audience s'étant tenue le 9 janvier 2018. Ces mémoires n'ont pas été communiqués à M. et Mme A...et, pour écarter le moyen tiré de la méconnaissance de l'article R. 741-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le tribunal administratif a opposé aux requérants la circonstance qu'un document daté du 18 septembre 2014, émanant de la plateforme d'accueil des demandeurs d'asile du Bas-Rhin, établissait que le guide du demandeur d'asile leur avait été remis. Ce document était uniquement joint aux mémoires du préfet et, par conséquent, en s'abstenant de communiquer ces mémoires, le tribunal administratif de Strasbourg a méconnu le caractère contradictoire de la procédure. Pour ce motif, M. et Mme A...sont fondés à demander l'annulation du jugement attaqué.
5. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de renvoyer les affaires devant le tribunal administratif de Strasbourg pour qu'il statue à nouveau sur les demandes de M. et MmeA....
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
6. Il résulte des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative que l'avocat du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle peut demander au juge de condamner la partie perdante à lui verser la somme correspondant à celle qu'il aurait réclamée à son client, si ce dernier n'avait pas eu l'aide juridictionnelle, à charge pour l'avocat qui poursuit, en cas de condamnation, le recouvrement de la somme qui lui a été allouée par le juge, de renoncer à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée.
7. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme au titre des frais exposés par M. et Mme A...et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 1601256,1601257 du tribunal administratif de Strasbourg du 23 janvier 2018 est annulé.
Article 2 : Les affaires de M. et MmeA..., enregistrées sous les n° 18NC01281 et 18NC01283, sont renvoyées devant le tribunal administratif de Strasbourg.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...A..., à Mme D... A...née C... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Bas-Rhin.
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N° 18NC01281,18NC01283.