Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 16 mai 2018, MmeB..., représentée par Me D..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 8 mars 2018 du tribunal administratif de Besançon ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Jura du 8 décembre 2017 ;
3°) d'enjoindre au préfet du Jura de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt, à défaut de réexaminer sa situation dans le même délai ;
4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 1 500 euros, à verser à son conseil, en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- l'arrêté attaqué a été pris aux termes d'une procédure irrégulière dès lors que l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ne comporte pas l'identité du médecin rapporteur ; elle a été ainsi privée d'une garantie dès lors que le préfet n'a pu vérifier que ce dernier n'a pas siégé au sein du collège ayant rendu l'avis ;
- il méconnaît les dispositions de l'article L. 313-11 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il est entaché d'erreur manifeste dans l'appréciation des circonstances exceptionnelles invoquées ;
- il méconnaît les dispositions des articles 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Par un mémoire en défense enregistré le 20 juillet 2018, le préfet du Jura conclut au rejet de la requête ;
Il fait valoir qu'aucun des moyens soulevés par Mme B...n'est fondé ;
Mme B...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du bureau d'aide juridictionnelle de Nancy du 17 avril 2018.
Vu :
- les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Bauer.
1. MmeB..., ressortissante albanaise née le 5 septembre 1977, est entrée en France irrégulièrement, selon ses déclarations, le 27 juin 2016, avec son mari et ses deux enfants, pour solliciter l'octroi du statut de réfugiée. Sa demande d'asile a été rejetée par décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 23 novembre 2016, confirmée par décision de la Cour nationale du droit d'asile du 15 mars 2017. Le 14 avril 2017, l'intéressée a sollicité la délivrance d'un titre de séjour pour raisons médicales. Par arrêté du 8 décembre 2017, le préfet du Jura a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français et a fixé le pays de renvoi. Mme B...relève appel du jugement du 8 mars 2018 par lequel le tribunal administratif de Besançon a rejeté ses conclusions à fins d'annulation de ces décisions.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (...) ". Aux termes de l'article R. 313-22 du même code : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. Les orientations générales mentionnées à la quatrième phrase du 11° de l'article L. 313-11 sont fixées par arrêté du ministre chargé de la santé. ". Aux termes de l'article R. 313-23 du même code, dans sa rédaction applicable au litige : " Le rapport médical visé à l'article R. 313-22 est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à partir d'un certificat médical établi par le médecin qui le suit habituellement ou par un médecin praticien hospitalier inscrits au tableau de l'ordre, dans les conditions prévues par l'arrêté mentionné au deuxième alinéa de l'article R. 313-22 (...) Le collège à compétence nationale, composé de trois médecins, émet un avis dans les conditions de l'arrêté mentionné au premier alinéa du présent article (...) ". Aux termes de l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Au vu du rapport médical mentionné à l'article 3, un collège de médecins désigné pour chaque dossier dans les conditions prévues à l'article 5 émet un avis, conformément au modèle figurant à l'annexe C du présent arrêté, précisant : a) si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; b) si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; c) si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont le ressortissant étranger est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; d) la durée prévisible du traitement. Dans le cas où le ressortissant étranger pourrait bénéficier effectivement d'un traitement approprié, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, le collège indique, au vu des éléments du dossier du demandeur, si l'état de santé de ce dernier lui permet de voyager sans risque vers ce pays. Cet avis mentionne les éléments de procédure. (...) ".
3. Il ne résulte d'aucune de ces dispositions, non plus que d'aucun principe, que l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration devrait porter mention du nom du médecin qui a établi le rapport médical, prévu par l'article R. 313 22, qui est transmis au collège de médecins de l'Office. Si l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 indique que l'avis mentionne " les éléments de procédure ", cette mention renvoie, ainsi qu'il résulte du modèle d'avis figurant à l'annexe C de l'arrêté, rendu obligatoire par cet article 6, à l'indication que l'étranger a été, ou non, convoqué par le médecin ou par le collège, à celle que des examens complémentaires ont été, ou non, demandés et à celle que l'étranger a été conduit, ou non, à justifier de son identité. Par suite, le moyen tiré de ce que le nom du médecin ayant rédigé le rapport médical transmis au collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ne figure pas sur l'avis rendu par ce collège le 28 novembre 2017 doit être écarté comme inopérant.
4. En deuxième lieu, Mme B...soutient qu'elle souffre d'un syndrome anxio-dépressif réactionnel pour lequel elle bénéficie en France d'un traitement psychotrope. Dans son avis du 28 novembre 2017, le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a estimé que si l'état de santé de la requérante nécessitait une prise en charge médicale, son défaut ne devrait toutefois pas entraîner de conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'elle pouvait voyager sans risques. Aucun des certificats médicaux, muets sur ce point, ne permettent d'infirmer cette appréciation ni celle du préfet quant à la gravité d'une éventuelle interruption du traitement, alors au demeurant qu'il n'est pas établi ni même allégué que Mme B...ne pourrait bénéficier, le cas échéant, d'une prise en charge médicale appropriée à son état dans son pays d'origine. Il s'ensuit que le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées de l'article L. 313-11 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
5. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2. (...) ".
6. Si l'intéressée se prévaut de circonstances exceptionnelles résultant des violences conjugales dont elle serait victime, la seule production d'un certificat, établi sur la seule foi de ses déclarations, et de rapport médicaux constatant la présence de cicatrices, dont certaines anciennes, compatibles avec de telles violences, ne suffit pas à attester leur réalité, non plus que les témoignages émanant de proches qui sont insuffisamment probants, en l'absence notamment de production de tout dépôt de plainte correspondant aux faits allégués. Le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation doit, par suite, être écarté.
7. En quatrième lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". L'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose par ailleurs que : " un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées où qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ". Ces dispositions combinées font obstacle à ce que puisse être légalement désigné comme pays de destination d'un étranger faisant l'objet d'une mesure d'éloignement un Etat pour lequel il existe des motifs sérieux et avérés de croire que l'intéressé s'y trouverait exposé à un risque réel pour sa personne, soit du fait des autorités de cet Etat, soit même du fait de personnes ou de groupes de personnes ne relevant pas des autorités publiques, dès lors que, dans ce dernier cas, les autorités de l'Etat de destination ne sont pas en mesure de parer à un tel risque par une protection appropriée.
8. Ainsi qu'il vient d'être indiqué, la requérante, qui ne produit aucun élément justifiant de la réalité et de l'origine des violences alléguées, ne démontre pas la réalité des risques encourus en cas de retour dans son pays d'origine. Ainsi le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées des articles L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés doit être écarté.
9. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande en annulation.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
10. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions tendant à l'annulation des arrêtés attaqués, n'implique aucune mesure particulière d'exécution. Par suite, les conclusions susvisées ne peuvent être accueillies.
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
11. Il résulte des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative que l'avocat du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle peut demander au juge de condamner la partie perdante à lui verser la somme correspondant à celle qu'il aurait réclamée à son client, si ce dernier n'avait pas eu l'aide juridictionnelle, à charge pour l'avocat qui poursuit, en cas de condamnation, le recouvrement de la somme qui lui a été allouée par le juge, de renoncer à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée.
12. L'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, ne saurait être condamné à verser à l'avocat de Mme B...une somme en application de ces dispositions.
D E C I D E :
Article 1er : La requête susvisée présentée par Mme B...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à MmeC... B...née A...et au ministre de l'intérieur.
Une copie du présent arrêt sera adressée au préfet du Jura.
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N° 18NC01493