Mme B...C...née D...a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler l'arrêté du 8 décembre 2017 par lequel le préfet du Jura a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.
Par un jugement n° 1702233 du 6 mars 2018, le président du tribunal administratif de Besançon a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour :
I.) Par une requête, enregistrée le 22 juin 2018 sous le n° 18NC01798, M.C..., représenté par MeE..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1702232 du président du tribunal administratif de Besançon du 6 mars 2018 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 8 décembre 2017 par lequel le préfet du Jura l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi ;
3°) d'enjoindre, à titre principal, au préfet du Jura de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt et de lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler dans un délai de huit jours à compter de la notification du présent arrêt ;
4°) d'enjoindre, à titre subsidiaire, au préfet du Jura de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt et de lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au bénéfice de son conseil en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
Sur l'obligation de quitter le territoire français :
- la décision contestée est contraire aux stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
Sur la fixation du pays de renvoi :
- l'illégalité de la précédente décision prive de base légale la décision fixant le pays de destination.
Par un mémoire en défense, enregistré le 25 septembre 2018, le préfet du Jura conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.
II.) Par une requête, enregistrée le 22 juin 2018 sous le numéro 18NC01799, Mme C..., représentée par MeE..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1702233 du président tribunal administratif de Besançon du 6 mars 2018 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 8 décembre 2017 par lequel le préfet du Jura a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi ;
3°) d'enjoindre, à titre principal, au préfet du Jura de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt et de lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler dans un délai de huit jours à compter de la notification du présent arrêt ;
4°) d'enjoindre, à titre subsidiaire, au préfet du Jura de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt et de lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au bénéfice de son conseil en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
Sur le refus de titre de séjour :
- le nom du médecin ayant rédigé le rapport médical transmis au collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) ne figure pas sur l'avis rendu par ce collège ;
- le préfet du Jura a méconnu les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, puisqu'elle souffre de troubles psychiatriques nécessitant une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour elle des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui ne peut être assurée dans son pays d'origine ;
Sur l'obligation de quitter le territoire français :
- c'est à tort que la décision attaquée a été édictée sur le fondement du 6° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; elle aurait dû être prise sur le fondement du 3° de ces dispositions.
Par un mémoire en défense, enregistré le 25 septembre 2018, le préfet du Jura conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.
M. et Mme C...ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par deux décisions du bureau d'aide juridictionnelle du tribunal de grande instance de Nancy du 24 mai 2018.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Dhers a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Les requêtes susvisées n° 17NC01798 et 17NC01799 concernent la situation de M. et Mme C...au regard de leur droit au séjour en France et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.
2. M. et MmeC..., ressortissants kosovars nés respectivement les 12 août 1986 et 5 octobre 1993, ont déclaré être entrés en France le 31 août 2015. Ils ont déposé des demandes d'asile qui ont été rejetées par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 30 septembre 2016 et par la Cour nationale du droit d'asile le 2 mars 2017. Mme C...a demandé le 24 mai 2017 au préfet du Jura de lui délivrer un titre de séjour pour raisons de santé. Par un arrêté du 8 décembre 2017, le préfet du Jura a refusé de lui délivrer un tel titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé son pays de destination. Par un arrêté du même jour, le préfet du Jura a fait obligation à M. C...de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé son pays de destination. Les requérants relèvent appel des deux jugements du 6 mars 2018 par lesquels le président du tribunal administratif de Besançon a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation de ces arrêtés.
Sur la décision du 8 décembre 2017 par laquelle le préfet du Jura a refusé de délivrer un titre de séjour à Mme C...:
3. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (...) ". Aux termes de l'article R. 313-22 du même code : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. Les orientations générales mentionnées à la quatrième phrase du 11° de l'article L. 313-11 sont fixées par arrêté du ministre chargé de la santé ". Aux termes de l'article R. 313-23 du même code, dans sa rédaction applicable au litige : " Le rapport médical visé à l'article R. 313-22 est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à partir d'un certificat médical établi par le médecin qui le suit habituellement ou par un médecin praticien hospitalier inscrits au tableau de l'ordre, dans les conditions prévues par l'arrêté mentionné au deuxième alinéa de l'article R. 313-22 (...) Le collège à compétence nationale, composé de trois médecins, émet un avis dans les conditions de l'arrêté mentionné au premier alinéa du présent article (...) ". Aux termes de l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Au vu du rapport médical mentionné à l'article 3, un collège de médecins désigné pour chaque dossier dans les conditions prévues à l'article 5 émet un avis, conformément au modèle figurant à l'annexe C du présent arrêté, précisant : a) si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; b) si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; c) si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont le ressortissant étranger est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; d) la durée prévisible du traitement. Dans le cas où le ressortissant étranger pourrait bénéficier effectivement d'un traitement approprié, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, le collège indique, au vu des éléments du dossier du demandeur, si l'état de santé de ce dernier lui permet de voyager sans risque vers ce pays. Cet avis mentionne les éléments de procédure (...) ".
4. En premier lieu, il ne résulte d'aucune de ces dispositions, non plus que d'aucun principe, que l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration devrait porter mention du nom du médecin qui a établi le rapport médical, prévu par l'article R. 313-22, qui est transmis au collège de médecins de l'Office. Si l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 indique que l'avis mentionne " les éléments de procédure ", cette mention renvoie, ainsi qu'il résulte du modèle d'avis figurant à l'annexe C de l'arrêté, rendu obligatoire par cet article 6, à l'indication que l'étranger a été, ou non, convoqué par le médecin ou par le collège, à celle que des examens complémentaires ont été, ou non, demandés et à celle que l'étranger a été conduit, ou non, à justifier de son identité. Par suite, le moyen tiré de ce que le nom du médecin ayant rédigé le rapport médical transmis au collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ne figure pas sur l'avis rendu par ce collège le 2 décembre 2017 doit être écarté comme inopérant.
5. En second lieu, Mme C...fait valoir qu'elle souffre de troubles psychiatriques nécessitant une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour elle des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui ne peut être assurée dans son pays d'origine. Elle soutient, en particulier, que la cyamémazine et la pipérazine ne sont pas disponibles au Kosovo et qu'elle ne peut pas, pour des raisons financières, accéder aux soins qui y sont disponibles. Dans son avis rendu le 2 décembre 2017, le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a estimé que l'état de santé de la requérante nécessitait une prise en charge dont le défaut ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Il ne ressort pas des certificats médicaux produits par la requérante, rédigés en termes généraux, qu'un arrêt des traitements qui lui sont administrés emporterait des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé. Par suite, et pour ce seul motif, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
Sur les décisions du 8 décembre 2017 obligeant M. et Mme C...à quitter le territoire français :
6. En premier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République (...) ".
7. M. C...soutient que la décision par laquelle le préfet du Jura l'a obligé à quitter le territoire français est contraire aux stipulations précitées en raison de l'état de santé de son épouse qui justifie qu'un titre de séjour lui soit délivré sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Pour les motifs exposés au point 5, un tel moyen ne peut qu'être écarté. Pour ces mêmes motifs, le moyen tiré de ce que le préfet du Jura aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle du requérant doit être également écarté.
8. En second lieu, Mme C...soutient que le préfet du Jura ne pouvait l'obliger à quitter le territoire français sur le fondement du 6° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile au motif qu'elle avait déposé une demande de titre de séjour. Un tel moyen ne peut qu'être écarté, dès lors que par sa décision, devenue définitive, du 2 mars 2017, la Cour nationale du droit d'asile a rejeté son recours formé contre la décision du 30 septembre 2016 par laquelle l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a refusé de lui accorder le statut de réfugiée.
Sur la décision du 8 décembre 2017 fixant le pays de renvoi de M.C... :
9. Pour les motifs exposés au point 7, le moyen tiré, par voie d'exception, de l'illégalité de la décision obligeant M. C...à quitter le territoire doit être écarté.
10. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme C...ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par les jugements attaqués, le président du tribunal administratif de Besançon a rejeté leurs demandes. Par voie de conséquence, leurs conclusions aux fins d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : Les requêtes de M. et Mme C...sont rejetées.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...C..., à Mme B...C...née D...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Jura.
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N° 18NC01798,18NC01799