Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 9 décembre 2020, Mme D... A..., représentée par Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif du 8 octobre 2020 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 30 juin 2020 par lequel le préfet du Haut-Rhin lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans ;
3°) à titre principal, d'enjoindre au préfet de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;
4°) à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son conseil, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- l'arrêté est entaché d'un défaut d'examen de sa demande d'admission au séjour en qualité de parent d'un enfant malade que le préfet a enregistré comme une demande de protection contre l'éloignement en application du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, son fils souffre d'une leucémie ;
- l'arrêté en litige méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'arrêté en litige méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
- elle doit être annulée en raison de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français.
En ce qui concerne la décision de refus de délai de départ volontaire :
- elle doit être annulée en raison de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français.
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 29 avril 2021, le préfet du Haut-Rhin conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 4 février 2021.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. C... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A..., de nationalité kosovare, née le 2 janvier 1983, est entrée régulièrement en France, en 2018, en vue de solliciter l'asile. A la suite du rejet de sa demande d'asile, examinée dans le cadre de la procédure prioritaire, par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, le préfet du Haut-Rhin lui a notifié, le 11 avril 2019, une obligation de quitter le territoire français. A la suite d'un rendez-vous en préfecture le 3 février 2020, au cours duquel l'intéressée s'est prévalu de l'état de santé de son fils, mineur, le préfet du Haut-Rhin a pris un arrêté, le 30 juin 2020, par lequel il lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans. Par un jugement du 8 octobre 2020, dont Mme A... fait appel, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur le bien-fondé du jugement :
2. Il ressort des pièces du dossier, notamment d'un courriel du 13 décembre 2019, que Mme A... a sollicité son admission au séjour en se prévalant de l'état de santé de son fils cadet, atteint d'une leucémie aiguë lymphoblastique. Il ne ressort ni des dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni d'aucune autre disposition de ce code que la demande d'admission au séjour présentée par un étranger postérieurement à l'édiction d'une obligation de quitter le territoire français, qu'il n'aurait pas exécutée, devrait être regardée comme une demande de protection contre l'éloignement. Par suite, en prononçant une obligation de quitter le territoire français à l'encontre de Mme A..., sans même examiner la demande d'admission au séjour qu'elle avait présentée en qualité de parent d'un enfant malade en application de l'article L. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur, le préfet du Haut-Rhin a entaché sa décision d'une erreur de droit. Mme A... est, par suite, fondée à soutenir que la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être annulée, ainsi que, par voie de conséquence, celles refusant de lui accorder un délai de départ volontaire, fixant le pays de destination et portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans.
3. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que Mme A... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation l'arrêté du préfet du Haut-Rhin du 30 juin 2020.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
4. Eu égard au motif d'annulation retenu, l'exécution du présent arrêt implique seulement qu'il soit enjoint au préfet du Haut-Rhin de réexaminer la situation de Mme A... dans un délai de deux mois suivant la notification du présent arrêt. Il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais de justice :
5. Mme A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, son avocate peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me B..., avocate de Mme A..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me B... de la somme de 1 500 euros.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 8 octobre 2020 et l'arrêté du préfet du Haut-Rhin du 30 juin 2020 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet du Haut-Rhin de réexaminer la situation de Mme A... dans un délai de deux mois suivant la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à Me B... une somme de 1 500 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me B... renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Me B... pour Mme D... A... en application des dispositions de l'article 6 du décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée pour information au préfet du Haut-Rhin.
N° 20NC03569 2