Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 7 juillet 2021, et un mémoire complémentaire, enregistré le 11 janvier 2022, M. B... A..., représenté par Me Chebbale, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2008230 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg du 23 février 2021 ;
2°) d'annuler l'arrêté de la préfète du Bas-Rhin du 2 décembre 2020 ;
3°) d'enjoindre à la préfète du Bas-Rhin, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de cent euros par jour de retard, de lui délivrer un titre de séjour ou, à défaut, de réexaminer sa situation ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 2 500 euros en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n°91-647 du 10 juillet 1991, relative à l'aide juridique.
Il soutient que :
- le jugement de première instance est entaché d'irrégularité dès lors que le magistrat désigné n'a pas statué sur son moyen tiré de ce que la préfète du Bas-Rhin n'aurait pas procédé à un examen particulier de sa situation personnelle et aurait ainsi entaché d'erreur de droit la décision portant obligation de quitter le territoire français ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français a été adoptée à l'issue d'une procédure méconnaissant son droit d'être entendu ;
- la décision en litige est entachée d'une erreur de droit dès lors que la préfète du Bas-Rhin s'est abstenue de procéder à un examen particulier de sa situation personnelle ;
- elle méconnaît les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle est entachée d'une erreur de droit dès lors que, pouvant prétendre à la délivrance de plein d'un titre de séjour, il ne pouvait légalement faire l'objet d'une mesure d'éloignement ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- la décision portant fixation du pays de destination est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;
- la décision en litige méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ainsi que les dispositions du second alinéa de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.
Par un mémoire en défense, enregistré le 11 janvier 2022, la préfète du Bas-Rhin conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que les moyens invoqués par M. A... ne sont pas fondés.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 14 juin 2021.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Meisse a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B... A... est un ressortissant guinéen, né le 7 avril 1997. Il a déclaré être entré irrégulièrement en France le 14 octobre 2018. Le 23 octobre 2018, il a présenté une demande d'asile, qui a été successivement rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 31 mai 2019, puis par la Cour nationale du droit d'asile le 17 septembre 2020. Estimant que le requérant ne bénéficiait plus du droit de se maintenir sur le territoire français, la préfète du Bas-Rhin, par un arrêté du 2 décembre 2020, a retiré son attestation de demande d'asile, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de son éventuelle reconduite d'office à la frontière. M. A... a saisi le tribunal administratif de Strasbourg d'une demande tendant à l'annulation de cet arrêté. Il relève appel du jugement n° 2008230 du 23 février 2021 qui rejette sa demande.
Sur la régularité du jugement :
2. Contrairement aux allégations de M. A..., il ressort des pièces du dossier que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg a suffisamment répondu, au point 3 du jugement contesté, à son moyen tiré de ce que la préfète du Bas-Rhin se serait abstenue de procéder à un examen particulier de sa situation personnelle et aurait ainsi entaché d'erreur de droit la décision portant obligation de quitter le territoire français. Par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que ce jugement serait entaché d'irrégularité pour ce motif.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
3. En premier lieu, lorsqu'il présente une demande d'asile, l'étranger, en raison même de l'accomplissement de cette démarche, qui tend à son maintien régulier sur le territoire français sur ce fondement, ne saurait ignorer que, en cas de rejet de sa demande, il pourra faire l'objet, le cas échéant, d'un refus d'admission au séjour et, lorsque la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire lui a été refusé, d'une mesure d'éloignement du territoire français. Il lui appartient, lors du dépôt de sa demande d'asile, lequel doit en principe faire l'objet d'une présentation personnelle du demandeur en préfecture, d'apporter à l'administration toutes les précisions qu'il juge utiles et notamment celles de nature à permettre à l'administration d'apprécier son droit au séjour au regard d'autres fondements que celui de l'asile. Il lui est loisible, au cours de l'instruction de sa demande, de faire valoir auprès de l'administration toute observation complémentaire utile, au besoin en faisant état d'éléments nouveaux.
4. Il ne ressort pas des pièces du dossier que M. A... n'aurait pas été entendu lors du dépôt en préfecture de sa demande d'asile, ni qu'il aurait été empêché, au cours de l'instruction de cette demande, de faire valoir auprès de l'administration tous les éléments jugés utiles à la compréhension de sa situation personnelle, notamment au regard de son état de santé. La circonstance que la préfète du Bas-Rhin aurait, le 22 décembre 2020, retourné son courrier du 19 décembre dans lequel il sollicite son admission au séjour en qualité d'étranger malade, au motif que les demandes de titres doivent être présentées de façon dématérialisée sur le site internet de la préfecture, est sans incidence sur la légalité de la décision en litige. Par suite, alors que le requérant ne pouvait raisonnablement ignorer que, en cas de rejet de sa demande d'asile, il perdrait le droit de se maintenir sur le territoire français et pourra alors faire l'objet d'une mesure d'éloignement, le moyen tiré de la méconnaissance du droit d'être entendu ne peut qu'être écarté.
5. En deuxième lieu, il ne ressort, ni des motifs de la décision en litige, ni d'aucune des autres pièces du dossier, que la préfète du Bas-Rhin se serait abstenue, compte tenu des éléments portés à sa connaissance, de procéder à un examen particulier de la situation personnelle de M. A.... Par suite et alors que la préfète a pris en considération les risques de mauvais traitements en cas de retour en Guinée, le requérant n'est pas fondé à soutenir que la mesure d'éloignement contestée serait entachée d'une erreur de droit pour ce motif.
6. En troisième lieu, la circonstance que la préfète du Bas-Rhin aurait, dans une décision du 21 mai 2021, interprété à tort son courrier du 19 décembre 2020 comme une demande de protection contre l'éloignement, alors qu'il s'agissait en réalité d'une demande d'admission au séjour en qualité d'étranger malade, est sans incidence sur la légalité de la décision en litige.
7. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; (...) ".
8. M. A... fait valoir qu'il souffre de complications urologiques depuis plusieurs années. Toutefois, en se bornant à produire deux documents généraux sur la situation sanitaire de la Guinée et un certificat médical du 5 février 2021, qui indique que " ce patient présente une atteinte de santé dont l'absence de soins serait dangereuse pour lui et nécessite un suivi spécialisé en milieu hospitalier universitaire ", il n'établit pas remplir les conditions pour bénéficier des dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Au surplus, le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, consulté par la préfète du Bas-Rhin à la suite du courrier du requérant du 19 décembre 2020, a estimé, dans son avis du 29 mars 2021, que l'état de santé de l'intéressé nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peut qu'être écarté.
9. En cinquième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. A... pourrait prétendre à la délivrance de plein droit d'un titre de séjour au titre de la vie privée et familiale. Par suite, il n'est pas fondé à soutenir qu'il ne pouvait légalement faire l'objet d'une mesure d'éloignement.
10. En sixième et dernier lieu, M. A... ne saurait utilement se prévaloir à l'encontre de la mesure d'éloignement contestée, qui n'implique pas par elle-même un retour dans son pays d'origine, les risques de persécutions ou de mauvais traitements en Guinée. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision en litige serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ne peut qu'être écarté.
En ce qui concerne la décision portant fixation du pays de destination :
11. En premier lieu, compte tenu de ce qui précède, il y a lieu d'écarter les moyens tirés respectivement de ce que la décision en litige serait illégale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français et de ce qu'elle serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.
12. En second lieu, aux termes des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". Aux termes du second alinéa de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur : " Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. ".
13. Si M. A... fait valoir que, en raison de ses engagements politiques, il risque d'être exposé, en cas de retour en Guinée, à des traitements prohibés par l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et par le second alinéa de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il n'apporte, en dehors de son propre récit, aucun élément au soutien de ses allégations. Par suite, alors que, au demeurant, la demande d'asile de l'intéressé a été successivement rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et par la Cour nationale du droit d'asile, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations et des dispositions en cause doit être écarté.
14. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté de la préfète du Bas-Rhin du 2 décembre 2020, ni à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte et ses conclusions à fin d'application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée à la préfète du Bas-Rhin.
N° 21NC01976 2