Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 10 décembre 2020, et un mémoire complémentaire, enregistré le 21 septembre 2021, M. B... A..., représenté par Me Gorand, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1902214 du tribunal administratif de Besançon du 13 octobre 2020 ;
2°) d'annuler l'arrêté du maire d'Etueffont du 14 octobre 2019 ;
3°) de condamner la commune d'Etueffont à lui verser la somme totale de 17 000 euros, sauf à parfaire, augmentée des intérêts au taux légal à compter de la date de réception de sa demande préalable d'indemnisation, en réparation des préjudices subis du fait de sa révocation ;
4°) d'enjoindre à la commune d'Etueffont, dans un délai de quinze jours à compter de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de cent euros par jour de retard, à titre principal, de le réintégrer dans ses fonctions avec effets rétroactifs à la date de la décision à annuler et, notamment, d'en tirer toutes les conséquences statutaires et financières, à titre subsidiaire, de procéder à un nouvel examen de sa situation ;
5°) de mettre à la charge de la commune d'Etueffont la somme de 6 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- sa requête, qui comporte une critique du jugement attaqué, est recevable ;
- l'arrêté du 14 octobre 2019 est insuffisamment motivé ;
- l'arrêté en litige est entaché d'erreur de fait et d'erreur d'appréciation, eu égard au caractère non-fautif des faits reprochés et au caractère disproportionné de la sanction infligée, et de détournement de pouvoir ;
- outre le préjudice financier lié à la perte de son emploi, les conditions dans lesquelles sa révocation a été prononcée lui ont causé un préjudice moral considérable ;
- il est fondé à réclamer la somme totale de 17 000 euros en réparation de ce préjudice financier et de ce préjudice moral.
Par un mémoire en défense, enregistré le 10 février 2021, la commune d'Etueffont, représentée par Me Maetz, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge du requérant de la somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que la requête n'est pas recevable en l'absence de critique du jugement attaqué et que les moyens invoqués par M. A... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- le décret n° 89-677 du 18 septembre 1989 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Meisse,
- les conclusions de M. Barteaux, rapporteur public,
- et les observations de Me Akli pour M. A... et de Me Picoche pour la commune d'Etueffont.
Une note en délibéré, présentée pour M. A... par Me Gorand et Me Akli, a été enregistrée le 10 février 2022.
Considérant ce qui suit :
1. Entré dans la fonction publique le 29 mars 2004 et ayant atteint le grade d'adjoint administratif territorial principal de première classe, M. B... A... exerçait les fonctions de secrétaire général de la commune d'Etueffont (Territoire de Belfort) depuis le 1er octobre 2011. Reprochant notamment au requérant d'avoir, le 3 juin 2019, agressé physiquement et verbalement un conseiller municipal, qui l'avait convoqué à un entretien prévu le même jour, le maire de cette commune a suspendu l'intéressé à titre conservatoire pour une durée de quatre mois par un arrêté du 17 juin 2019, dont la légalité a été confirmée par un jugement n° 1901441 du tribunal administratif de Besançon du 13 octobre 2020, puis a engagé à son encontre, par un courrier du 2 septembre 2019, une procédure disciplinaire en vue, le cas échéant, de le révoquer. A la suite de l'avis favorable à une telle mesure, émis par le conseil de discipline le 11 octobre 2019, le maire, par un arrêté du 14 octobre 2019, a infligé à M. A... la sanction de la révocation et a prononcé sa radiation des cadres de la fonction publique. Après avoir adressé à la commune d'Etueffont, le 12 décembre 2019, une demande préalable d'indemnisation, qui s'est heurtée au silence de l'administration, le requérant a saisi, dès le lendemain, le tribunal administratif de Besançon d'une demande tendant, d'une part, à l'annulation de l'arrêté du 14 octobre 2019, d'autre part, à la condamnation de la collectivité à lui verser la somme totale de 10 500 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis du fait de l'illégalité de la sanction disciplinaire contestée. Il relève appel du jugement n° 1902214 du 13 octobre 2020 qui rejette sa demande.
Sur le bien-fondé du jugement :
2. En premier lieu, aux termes de l'article 19 de la loi du 13 juillet 1983, portant droits et obligations des fonctionnaires, alors en vigueur : " (...) Aucune sanction disciplinaire autre que celles classées dans le premier groupe par les dispositions statutaires relatives aux fonctions publiques de l'Etat, territoriale et hospitalière ne peut être prononcée sans consultation préalable d'un organisme siégeant en conseil de discipline dans lequel le personnel est représenté. L'avis de cet organisme de même que la décision prononçant une sanction disciplinaire doivent être motivés. ". Aux termes de l'article L. 100-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Le présent code régit les relations entre le public et l'administration en l'absence de dispositions spéciales applicables. Sauf dispositions contraires du présent code, celui-ci est applicable aux relations entre l'administration et ses agents. ". Aux termes de l'article L. 211-2 du même code : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : (...) 2° Infligent une sanction ; (...) ". Aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision. ".
3. Par ces dispositions législatives combinées, le législateur a entendu imposer à l'autorité qui prononce une sanction disciplinaire de préciser elle-même, dans sa décision, les griefs qu'elle entend retenir à l'encontre du fonctionnaire intéressé, de sorte que ce dernier puisse, à la seule lecture de la décision qui lui est notifiée, connaître les motifs de la sanction qui le frappe. La volonté du législateur n'est pas respectée lorsque la décision prononçant la sanction ne comporte, par elle-même, aucun motif et se borne à se référer à l'avis, même conforme, d'un organisme purement consultatif.
4. Il ressort des pièces du dossier que l'arrêté litigieux énonce, dans ses visas, les textes dont il fait application. De même, il indique, dans ses motifs, que, le 3 juin 2019, M. A... a agressé un conseil municipal délégué, dont le nom est d'ailleurs mentionné dans les visas, et qu'il " a fait preuve, de manière répétée, d'un comportement agressif témoignant une insubordination caractérisée ", laquelle " s'est accompagnée de violences verbales tant à l'égard d'élus que de collègues, voire d'usagers ou visiteurs de la mairie ". Enfin, il en conclut que " les rapports conflictuels de M. A... à l'égard de ses interlocuteurs entravent la bonne marche des services et rend impossible son maintien dans les effectifs de la commune ". Dans ces conditions, alors même que, en dehors de l'agression du 3 juin 2019, la date de survenance des autres faits reprochés à l'intéressé et l'identité des personnes victimes de ses violences verbales ne sont pas précisées, l'arrêté en litige est suffisamment motivé en droit et en fait. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation manque en fait et il ne peut, dès lors, qu'être écarté.
5. En deuxième lieu, aux termes du premier alinéa de l'article 29 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, alors en vigueur : " Toute faute commise par un fonctionnaire dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions l'expose à une sanction disciplinaire sans préjudice, le cas échéant, des peines prévues par la loi pénale. ". Aux termes du premier alinéa de l'article 89 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, alors en vigueur : " Les sanctions disciplinaires sont réparties en quatre groupes : (...) Quatrième groupe : (...) la révocation. ".
6. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.
7. Pour justifier la révocation de M. A..., le maire d'Etueffont a retenu que l'intéressé avait, le 3 juin 2019, agressé physiquement et verbalement un conseiller municipal délégué et que, plus généralement, il avait fait preuve, de manière répétée, d'un comportement agressif et conflictuel entravant la bonne marche des services et se traduisant par une insubordination caractérisée et des violences verbales à l'égard d'élus, d'agents ou même de personnes extérieures à la collectivité.
8. D'une part il ressort des pièces du dossier que, le 3 juin 2019 à 9 heures, le requérant s'est emporté de façon particulièrement véhémente à l'encontre du conseiller municipal délégué à la gestion du personnel et l'a poussé brutalement à l'extérieur de son bureau, en lui claquant la porte au nez à trois reprises, alors que celui-ci était venu le voir pour le convaincre de se rendre à l'entretien pour lequel il l'avait convoqué le même jour afin de remédier à la forte dégradation de ses relations avec le maire et les membres du conseil municipal depuis le début de l'année. M. A... a conservé une attitude agressive et menaçante lorsque cet élu est retourné dans son bureau, une dizaine de minutes plus tard, accompagné du deuxième adjoint, pour tenter de le raisonner. En se bornant à faire valoir qu'il n'a pas agressé physiquement le conseiller municipal délégué à la gestion du personnel, mais s'est contenté de poser les mains sur son torse, et à produire un courrier daté du 3 juin 2019 adressé au procureur de la République de Belfort pour se plaindre de l'agression dont il s'estime lui-même victime, M. A... ne conteste pas sérieusement la matérialité des faits qui lui sont reprochés et qui doivent être regardés comme suffisamment établis au vu du dépôt de plainte effectué une heure après les événements par le conseiller municipal délégué dans les locaux de la gendarmerie de Giromagny (Territoire de Belfort) et des témoignages précis et concordants de ce même conseiller, du deuxième adjoint et de l'assistante de M. A..., dont le bureau est contigu au sien.
9. D'autre part, il ressort des nombreuses attestations, ainsi que des courriers et courriels versés aux débats par la commune d'Etueffont que le requérant, depuis sa prise de fonctions en qualité de secrétaire général, a fait montre en diverses occasions d'un tempérament ombrageux, caractérisé par des sautes d'humeur fréquentes, des accès de colère, une attitude parfois menaçante, insultante, méprisante ou discourtoise, un refus d'obéir ou de communiquer, et d'une incapacité à se maîtriser en cas de contrariété et à se remettre en cause. Ce comportement a eu pour effet de ternir l'image de la collectivité auprès de certains partenaires extérieurs, ainsi qu'il résulte notamment des témoignages du directeur du centre de gestion de la fonction publique territoriale de Belfort, du directeur d'un bureau d'études, d'un président d'association ou encore d'un prestataire en charge de l'entretien et du dépannage de la photocopieuse. Il a également contribué à dégrader les conditions de travail au sein des services municipaux et à altérer l'état de santé des collaboratrices directes de M. A..., deux d'entre elles ayant indiqué avoir, pour cette raison, quitté leurs fonctions à la faveur d'une mutation. Enfin, ce comportement a entraîné une perte de confiance à l'égard du secrétaire général de la part du maire et des élus. En particulier, les relations entre ces derniers et M. A... se sont fortement dégradées à compter du mois de janvier 2019 à la suite de la non-inscription de l'intéressé sur la liste d'aptitude aux fonctions du cadre d'emploi des rédacteurs territoriaux et du rejet implicite de sa demande de protection fonctionnelle. Il n'est pas contesté que le requérant a cessé, depuis lors, de communiquer avec le maire, qu'il ne lui a pas remis en temps utile les documents budgétaires sollicités pour permettre la tenue du débat d'orientation budgétaire initialement fixé au 30 mars 2019, ni permis d'en prendre connaissance en verrouillant l'accès au service informatique de la commune par un code connu de lui seul, qu'il a refusé, à quatre reprises, de déférer aux propositions de rendez-vous, puis à la convocation du conseiller municipal délégué à la gestion du personnel, enfin, qu'il a cherché à faire pression sur les élus en les menaçant d'un retrait de fonctions le 8 avril 2019, puis d'une grève de la faim le 30 août 2019.
10. Pour contester le grief d'entrave à la bonne marche des services par un comportement agressif, une insubordination caractérisée et des violences verbales, retenu à son encontre par l'autorité disciplinaire, M. A..., qui admet avoir des relations conflictuelles avec certaines personnes en raison du manque de considération à son égard ressenti depuis le début de l'année 2019, se borne à produire quelques échanges cordiaux de messages téléphoniques avec son assistante entre 2017 et 2019 et une attestation très favorable d'un ancien responsable du personnel d'une entreprise sous les ordres duquel il a travaillé entre 1990 et 1995. Le requérant fait également valoir qu'il a contribué à l'organisation du pot de départ de l'une des deux anciennes collaboratrices le mettant en cause, qu'il n'a jamais fait l'objet d'observations ou de rappels à l'ordre de sa hiérarchie sur sa manière de servir, qu'il a été soutenu par le maire en exercice lorsqu'il s'est porté candidat en 2012 et 2018 en vue d'une promotion interne au cadre d'emploi de rédacteur territorial ou lorsqu'il a envisagé en 2015 une éventuelle mutation pour convenance personnelle au sein d'une autre collectivité, enfin, qu'il a été nommé, par arrêté du 26 avril 2019, au grade d'adjoint administratif territorial principal de 1ère classe à compter du 1er janvier 2019 et qu'il a bénéficié, depuis le 1er octobre 2011, de plusieurs avancements d'échelon et de grade. Toutefois, ces différents éléments ne sont pas de nature à remettre en cause la matérialité des faits qui lui sont reprochés et qui doivent être regardés comme suffisamment établis au vu des pièces du dossier.
11. Alors même que M. A... n'a pas d'antécédents disciplinaires, le maire d'Etueffont, eu égard à la nature des fonctions exercées par l'agent et aux responsabilités et obligations qui en découlent, ainsi qu'à la gravité et à la réitération des fautes commises, n'a pas commis d'erreur d'appréciation en lui infligeant la sanction du quatrième groupe de la révocation. Par suite, les moyens tirés respectivement de l'erreur de fait et du caractère disproportionné de la sanction infligée doivent être écartés.
12. En troisième lieu, M. A... fait valoir que la commune d'Etueffont aurait monté un complot pour se débarrasser de lui et que sa révocation constituerait une mesure de rétorsion après l'exercice, au mois de février 2019, de son droit d'alerte concernant des irrégularités dans la gestion des marchés publics de la collectivité. Toutefois, le détournement de pouvoir ainsi allégué n'étant pas établi, ce moyen ne peut être accueilli.
13. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de
non-recevoir opposée par la commune d'Etueffont, que M. A... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté du maire du 14 octobre 2019 et à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'indemnisation et ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte doivent être rejetées.
Sur les frais de justice :
14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de la commune d'Etueffont, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme réclamée par M. A... au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par la défenderesse en application de ces mêmes dispositions.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par la commune d'Etueffont en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et à la commune d'Etueffont.
N° 20NC03576 2