Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 5 mars 2019 et le 4 mai 2020, la commune d'Abbans Dessous, représentée par Me C..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Besançon du 15 janvier 2019 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 22 septembre 2016 par lequel le préfet du Doubs a créé la communauté de communes Loue Lison et étendu son périmètre aux communes d'Abbans-Dessous et Abbans-Dessus ;
3°) d'enjoindre au préfet du Doubs de prononcer le rattachement de la commune d'Abbans-Dessous à la communauté d'agglomérations du Grand Besançon en application de l'article L. 911-1 du code de justice administrative ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'arrêté contesté méconnaît les orientations définies au III de l'article L. 5210-1-1 du code général des collectivités territoriales ; cette méconnaissance peut être invoquée nonobstant le caractère définitif du schéma départemental de coopération intercommunale ; le tribunal a examiné à tort ce moyen sur le terrain de l'exception d'illégalité ;
- l'arrêté contesté méconnaît le principe de large concertation des collectivités prévue par la loi du 7 août 2015 ; le maire n'a été entendu ni par le préfet, ni par le rapporteur général de la commission de coopération intercommunale ;
- l'arrêté contesté est entaché d'erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'il méconnaît les orientations de l'article L. 5210-1-1 du code général des collectivités territoriales, en particulier de cohérence spatiale et que l'intégration de la commune à la communauté de communes Loue-Lison a été décidée pour des motifs étrangers aux objectifs définis par cet article ;
- l'arrêté contesté méconnaît le principe d'un périmètre pertinent ;
- l'arrêté contesté conduit à une augmentation de la pression fiscale pour les habitants de la commune.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 2 octobre 2019 et le 17 juin 2020, la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense, enregistré le 30 septembre 2020, la communauté d'agglomération du Grand Besançon, représentée par Me B..., demande à la cour de rejeter la requête et que la somme de 2 400 euros soit mise à la charge de la commune d'Abbans-Dessous en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- son intervention est recevable ;
- les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 2015-991 du 7 août 2015 ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. E...,
- les conclusions de Mme Seibt, rapporteur public,
- et les observations de Me D..., substituant Me C..., pour la commune d'Abbans-Dessous.
1. Par un arrêté du 29 mars 2016, le préfet du Doubs a adopté le schéma de coopération intercommunale (SDCI) du Doubs. Pour la mise en oeuvre de ce schéma, le préfet a ensuite adopté, en application des dispositions transitoires de l'article 35 de la loi du 7 août 2015, un arrêté du 22 septembre 2016 portant création de la communauté de communes Loue-Lison, issue de la fusion des communautés de communes du Pays d'Ornans, d'Amancey Loue-Lison et du canton de Quingey et extension de ce périmètre aux communes d'Abbans-Dessus et d'Abbans-Dessous. La commune d'Abbans-Dessous, après avoir vainement exercé un recours gracieux contre cet arrêté en vue de son rattachement à la communauté d'agglomération du Grand Besançon, a contesté cet arrêté devant le tribunal administratif de Besançon. Par un jugement du 15 janvier 2019, dont la commune d'Abbans-Dessous fait appel, le tribunal a rejeté cette demande.
Sur le bien-fondé du jugement :
2. D'une part, aux termes de l'article L. 5210-1-1 du code général des collectivités territoriales, dans sa rédaction applicable au litige : " I. - Dans chaque département, il est établi, au vu d'une évaluation de la cohérence des périmètres et d'un état des lieux de la répartition des compétences des groupements existants et de leur exercice, un schéma départemental de coopération intercommunale prévoyant une couverture intégrale du territoire par des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre et la suppression des enclaves et discontinuités territoriales. / (...) III. - Le schéma prend en compte les orientations suivantes : / 1° La constitution d'établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre regroupant au moins 15 000 habitants ; toutefois, ce seuil est adapté, sans pouvoir être inférieur à 5 000 habitants pour les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre ainsi que pour les projets d'établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre : / a) Dont la densité démographique est inférieure à la moitié de la densité nationale, au sein d'un département dont la densité démographique est inférieure à la densité nationale ; le seuil démographique applicable est alors déterminé en pondérant le nombre de 15 000 habitants par le rapport entre la densité démographique du département auquel appartiennent la majorité des communes du périmètre et la densité nationale ; / b) Dont la densité démographique est inférieure à 30 % de la densité nationale ; / c) Comprenant une moitié au moins de communes situées dans une zone de montagne délimitée en application de l'article 3 de la loi n° 85-30 du 9 janvier 1985 relative au développement et à la protection de la montagne ou regroupant toutes les communes composant un territoire insulaire ; (...) 2° La cohérence spatiale des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre au regard notamment du périmètre des unités urbaines au sens de l'Institut national de la statistique et des études économiques, des bassins de vie et des schémas de cohérence territoriale ; /3° L'accroissement de la solidarité financière et de la solidarité territoriale ; (...)".
3. D'autre part, aux termes de l'article 35 de la loi du 7 août 2015 : " III.- Dès la publication du schéma départemental de coopération intercommunale prévu au II de l'article 33 de la présente loi et jusqu'au 15 juin 2016, le représentant de l'Etat dans le département définit par arrêté, pour la mise en oeuvre du schéma, la fusion d'établissements publics de coopération intercommunale dont l'un au moins est à fiscalité propre. / Le représentant de l'Etat dans le département peut également proposer un périmètre de fusion ne figurant pas dans le schéma, dans les mêmes conditions et sous réserve de respecter les objectifs mentionnés aux I et II de l'article L. 5210-1-1 du code général des collectivités territoriales et de prendre en compte les orientations définies au III du même article L. 5210-1-1, après avis de la commission départementale de la coopération intercommunale. La commission départementale dispose d'un délai d'un mois à compter de sa saisine pour se prononcer. A défaut de délibération dans ce délai, l'avis est réputé favorable. Le projet de périmètre intègre les propositions de modification du périmètre adoptées par la commission départementale dans les conditions de majorité prévues au quatrième alinéa du IV dudit article L. 5210-1-1. /L'arrêté portant projet de fusion dresse la liste des établissements publics de coopération intercommunale appelés à fusionner, ainsi que des communes, appartenant ou non à un autre établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre, incluses dans le périmètre du nouvel établissement public. / Cet arrêté est notifié par le représentant de l'Etat dans le département aux présidents des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre intéressés afin de recueillir l'avis de l'organe délibérant et, concomitamment, au maire de chaque commune incluse dans le projet de périmètre afin de recueillir l'accord de chaque conseil municipal. A compter de la notification de l'arrêté de projet de périmètre, les organes délibérants des établissements publics de coopération intercommunale et les conseils municipaux disposent d'un délai de soixante-quinze jours pour se prononcer. A défaut de délibération dans ce délai, l'avis est réputé favorable. / La fusion est prononcée par arrêté du ou des représentants de l'Etat dans le ou les départements concernés après accord des conseils municipaux des communes incluses dans le projet de périmètre. L'accord des communes doit être exprimé par la moitié au moins des conseils municipaux des communes intéressées, représentant la moitié au moins de la population totale de celles-ci, y compris le conseil municipal de la commune dont la population est la plus nombreuse si cette dernière représente au moins le tiers de la population totale. (...) / La fusion est prononcée par arrêté du ou des représentants de l'Etat dans le ou les départements intéressés, avant le 31 décembre 2016. / L'arrêté de fusion emporte, le cas échéant, retrait des communes des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre dont elles sont membres et qui ne sont pas intégralement inclus dans le périmètre. / L'arrêté de fusion fixe également le nom, le siège et les compétences du nouvel établissement public. (...)".
4. En premier lieu, d'une part, la commune d'Abbans-Dessous, qui ne peut plus exciper de l'illégalité de l'arrêté du 29 mars 2016 portant adoption du schéma départemental de coopération intercommunale en raison de son caractère définitif, ne peut utilement se prévaloir directement, à l'encontre de l'arrêté du 22 septembre 2016, de la méconnaissance des règles de consultation des collectivités territoriales énoncées à l'article 33 de la loi du 7 août 2015. D'autre part, il ressort des pièces du dossier que l'arrêté portant projet de périmètre d'un établissement public à fiscalité propre, par fusion des communautés de communes du pays d'Ornans, d'Amancey Loue-Lison et du canton de Quingey et l'extension de ce périmètre aux communes d'Abbans-Dessous et d'Abbans-Dessus a été transmis, conformément aux dispositions de l'article 35 de la loi du 7 août 2015, par le préfet du Doubs aux maires des communes concernées, dont la commune d'Abbans-Dessous, afin de recueillir l'accord de leurs conseils municipaux. Il est par ailleurs constant que les conseils municipaux de ces communes, représentant 58 % de la population totale de celles-ci, se sont prononcés en faveur du projet, permettant ainsi au préfet de prononcer la fusion, sans autre modalité de concertation. A cet égard, contrairement à ce que soutient la requérante, ni l'article 35 de la loi du 7 août 2015, ni aucune autre disposition n'imposent d'entendre le maire des communes intéressées. Il s'ensuit, en l'absence de toute autre disposition concernant la participation des collectivités à l'adoption de l'arrêté portant projet de fusion, que la commune d'Abbans-Dessous n'est pas fondée à soutenir que l'arrêté du 22 septembre 2016 a été adopté en méconnaissance du principe de participation des collectivités territoriales.
5. En deuxième lieu, la commune d'Abbans-Dessous ne peut pas utilement se prévaloir directement, à l'encontre de l'arrêté du 22 septembre 2016, de l'insuffisante évaluation de la cohérence du périmètre de rattachement à la communauté de communes Loue-Lison, dès lors que l'insuffisance de cette évaluation, prévue au I de l'article L. 5210-1-1 du code général des collectivités territoriales, a trait à la procédure d'élaboration du schéma départemental de coopération intercommunale, lequel est, ainsi qu'il a été dit au point 4, devenu définitif.
6. En troisième lieu, la commune d'Abbans-Dessous soutient que l'arrêté contesté du 22 septembre 2016 portant création de la communauté de communes de Loue-Lison, en tant qu'il étend son périmètre à son territoire, méconnait l'objectif de pertinence du périmètre prescrit par les dispositions du I de l'article L. 5210-1-1 du code général des collectivités territoriales et les orientations définies au III du même article, notamment la cohérence spatiale des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre et l'accroissement de la solidarité financière et de la solidarité territoriale.
7. Toutefois, s'il ressort des pièces du dossier que la commune d'Abbans-Dessous appartient à plusieurs syndicats intercommunaux à vocation multiple ou à vocation unique composés de communes membres de la communauté d'agglomération du Grand Besançon et qu'elle n'avait développé aucune coopération avec les communes membres de la communauté de communes Loue-Lison, ces circonstances ne sont pas de nature à établir que le préfet du Doubs aurait commis une erreur manifeste d'appréciation en fixant le périmètre de la nouvelle communauté de communes. De la même manière, la circonstance que le siège du nouvel établissement public serait éloigné de son territoire n'est pas de nature à démontrer une telle erreur.
8. Si la commune d'Abbans-Dessous fait valoir que sa population travaille majoritairement à Besançon et bénéficie des services marchands et non marchands de l'agglomération bisontine, il ressort des pièces du dossier que d'autres communes membres de la communauté de communes Loue-Lison relèvent également du bassin de vie de Besançon. De même, la majorité des communes intégrées à la communauté de communes Loue-Lison appartiennent au bassin d'emploi de Besançon, compte tenu de l'attractivité de cette commune. En outre, la commune d'Abbans-Dessous n'est pas dépourvue de liens de rattachement avec les communes appartenant à la nouvelle communauté de communes dès lors que ses habitants fréquentent un collège, une maison médicale et des commerces situés sur le territoire de la commune de Quingey, distante de 8 kilomètres.
9. L'appartenance de la commune d'Abbans-Dessous au schéma de cohérence territoriale de Besançon ne démontre pas nécessairement, contrairement à ce que soutient la requérante, l'absence de pertinence du périmètre retenu, ni l'incohérence spatiale de l'établissement public auquel elle est intégrée dès lors que cet élément n'intervient que parmi d'autres pour satisfaire aux objectifs fixés au I de l'article L. 5210-1-1 du code général des collectivités territoriales dans le respect des orientations définies au III du même article. En outre, il ressort des pièces du dossier que le schéma de cohérence territoriale de l'agglomération bisontine s'étend au-delà du périmètre de la communauté d'agglomération du Grand Besançon.
10. Par ailleurs, ni la circonstance que la commune d'Abbans-Dessous se situerait dans le même bassin versant que les communes avoisinantes, ni son positionnement sur l'axe de la route départementale 105 entre deux communes intégrées à la communauté d'agglomération du Grand Besançon ne sont de nature à démontrer l'incohérence spatiale du périmètre arrêté par le préfet dès lors que ce périmètre constitue un ensemble continu et sans enclave, constitué de communes rurales, et que pour l'établir, le préfet du Doubs a cherché à créer un espace répondant au critère de seuil défini au 1° du III de l'article L. 5210-1-1 du code général des collectivités territoriales et capable de développer des projets communs, tout en contenant l'extension du périmètre de la communauté d'agglomération du Grand Besançon, déjà étendu à 15 nouvelles communes.
11. Si la commune d'Abbans-Dessous fait encore valoir qu'elle n'appartient pas au site Natura 2000 et qu'elle n'est traversée ni par la Loue, ni par le Lison, ces circonstances ne sont pas davantage de nature à établir l'erreur manifeste portée par le préfet du Doubs sur le périmètre de la nouvelle communauté de communes dès lors que cette caractéristique ne lui est pas spécifique.
12. Enfin, s'il ressort des pièces du dossier que l'arrêté en litige aura pour conséquence d'accroitre la pression fiscale sur les habitants de la commune d'Abbans-Dessous, alors que son intégration à la communauté d'agglomération du Grand Besançon aurait entraîné une diminution de celle-ci, cette circonstance ne suffit pas à établir une méconnaissance de l'orientation relative à la solidarité financière au sein de l'établissement public de coopération lui-même. Si la requérante fait aussi valoir que l'orientation de solidarité financière est compromise par la réorganisation des différents services notamment d'assainissement et de collecte et traitements des déchets ménagers, cette crainte n'est étayée par aucun élément probant.
13. Par suite, l'ensemble de ces circonstances ne suffit pas à caractériser une erreur manifeste d'appréciation au regard des objectifs mentionnés aux I de l'article L. 5210-1-1 du code général des collectivités territoriales dans le respect des orientations définies au III du même article.
14. Il résulte de tout ce qui précède que la commune d'Abbans-Dessous n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
15. Le présent arrêt, qui rejette la requête de la commune d'Abbans-Dessous, n'appelle aucune mesure d'exécution. Dès lors, ses conclusions à fin d'injonction doivent être rejetées.
Sur les frais de l'instance :
16. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la commune d'Abbans-Dessous demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il n'y pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune d'Abbans-Dessous la somme que la communauté d'agglomération du Grand Besançon demande au même titre.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la commune d'Abbans-Dessous est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par la communauté d'agglomération du Grand Besançon sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune d'Abbans-Dessous, à la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, à la communauté d'agglomération du Grand Besançon et à la communauté de communes Loue-Lison.
N° 19NC00674 2