Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 12 mars 2020, Mme C... D..., représentée par Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1802263 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 7 janvier 2020 ;
2°) d'annuler l'arrêté et la décision contestés ;
3°) d'enjoindre au recteur de l'académie de Reims de retirer de son dossier administratif les inspections et avis émis irrégulièrement, de la titulariser en qualité de professeur des écoles à compter du 1er septembre 2016 et jusqu'à sa titularisation en qualité de professeur du second degré, et de reconstituer sa carrière en conséquence ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à lui verser en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la délibération du jury académique est irrégulière dès lors que : l'avis de la directrice de l'école supérieure du professorat et de l'éducation, au vu duquel le jury académique s'est prononcé, ne constitue pas l'avis de l'autorité en charge de la formation du stagiaire requis par les dispositions du 2° de l'article 5 de l'arrêté du 22 août 2014 fixant les modalités de stage, d'évaluation et de titularisation des professeurs des écoles stagiaires, et il est entaché d'erreur de fait et de discrimination, dès lors qu'elle n'a pas été informée de la formation qui lui était prescrite au titre de l'année scolaire 2015-2016, qu'il n'a pas été tenu compte de sa maternité et de ses problèmes de santé pendant cette année scolaire, pour lesquels elle n'a bénéficié d'aucun aménagement ; le jury académique n'a pas évalué ses compétences professionnelles sur le fondement du référentiel prévu par l'arrêté du 12 mai 2010 fixant les modalités d'évaluation et de titularisation des professeurs des écoles stagiaires, qui lui était applicable ; elle n'a pas bénéficié, lors de sa deuxième année de stage, des mêmes conditions que lors de sa première année, en méconnaissance des dispositions de la note de service n° 2016-070 du 26 avril 2016 ;
- la décision de licenciement est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation et constitue une discrimination liée à sa maternité, compte tenu des conditions dans lesquelles elle a effectué la période de prolongation de son stage, notamment l'hostilité de son directeur d'école, l'insuffisance de son tutorat, des conditions dans lesquelles elle a été inspectée le 26 avril 2016, au lendemain de son retour après avoir été absente depuis le 7 septembre 2015 en raison de son état de santé.
Par un mémoire en défense, enregistré le 21 juillet 2020, le recteur de l'académie de Reims conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par la requérante n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le décret n° 90-680 du 1er août 1990 relatif au statut particulier des professeurs des écoles ;
- le décret n° 2013-768 du 23 août 2013 relatif au recrutement et à la formation initiale de certains personnels enseignants, d'éducation et d'orientation relevant du ministre de l'éducation nationale ;
- l'arrêté du 12 mai 2010 fixant les modalités d'évaluation et de titularisation des professeurs des écoles stagiaires ;
- l'arrêté du 22 août 2014 fixant les modalités de stage, d'évaluation et de titularisation des professeurs des écoles stagiaires ;
- l'arrêté du 1er juillet 2013 relatif au référentiel des compétences professionnelles des métiers du professorat et de l'éducation ;
- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. A...,
- les conclusions de Mme Seibt, rapporteur public,
- et les observations de Me B... pour Mme D....
Une note en délibéré, présentée pour Mme D..., a été enregistrée le 24 mars 2021.
Considérant ce qui suit :
1. Mme D... a été nommée professeur des écoles stagiaire à compter du 1er septembre 2013. Le jury académique n'ayant pas proposé de la titulariser à l'issue de sa première année de stage, le recteur de l'académie de Reims l'a autorisée, par un arrêté du 29 août 2014, à effectuer une seconde année de stage. Compte tenu des absences de l'intéressée pour raisons de santé lors de l'année 2014-2015 et afin de compléter cette seconde année de stage, une prolongation de 23 jours, à compter du 1er septembre 2015, lui a été accordée par un arrêté du 8 juillet 2015. Le jury académique ayant, le 4 juillet 2016, estimé qu'elle n'était pas apte à être titularisée, le recteur de l'académie de Reims, par un arrêté du 5 juillet 2016, a prononcé son licenciement à compter du 1er septembre 2016. Par un jugement du 13 février 2019 le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a annulé cette décision en raison de l'irrégularité de la délibération du jury académique du 4 juillet 2016, adoptée en l'absence de l'avis obligatoire de l'autorité chargée de la formation de Mme D.... Après avoir, comme le lui avait ordonné le tribunal, réexaminé la situation de l'intéressée et sur le fondement d'une nouvelle délibération du jury académique du 6 avril 2018, le recteur, par un arrêté du 26 avril 2018, a une nouvelle fois prononcé le licenciement de Mme D... à compter du 1er septembre 2016.
2. Mme D... relève appel du jugement du 7 janvier 2020 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté et de la décision de rejet du recours gracieux formé contre ce dernier.
Sur la légalité des décisions contestées :
En ce qui concerne le moyen tiré de l'irrégularité de la délibération du jury académique du 6 avril 2018, sur laquelle sont fondées les décisions contestées :
3. En premier lieu, aux termes de l'article 5 de l'arrêté du 22 août 2014 susvisé : " Le jury se prononce sur le fondement du référentiel de compétences prévu par l'arrêté du 1er juillet 2013 susvisé, après avoir pris connaissance des avis suivants : (...) / 2° L'avis de l'autorité en charge de la formation du stagiaire ".
4. D'une part, la requérante soutient que l'avis du 21 février 2018, au vu duquel le jury académique s'est prononcé, ne constitue pas un avis de l'autorité en charge de la formation du stagiaire au sens des dispositions précitées, dès lors que la directrice de l'école supérieure du professorat et de l'éducation, qui l'a émis, s'est bornée à reprendre exactement la précédente délibération du jury académique du 4 juillet 2016. Toutefois, l'avis du 21 février 2018 ne se réfère pas à cette délibération du 4 juillet 2016, mais au " résultat du jury du 7 juillet 2016 ", dont le recteur explique, sans que la requérante ne le contredise, qu'il s'agit du jury de formation, organe interne à l'école supérieure du professorat et de l'éducation et sans lien avec le jury académique. Au surplus, le contenu de l'avis du 21 février 2018, constatant que l'intéressée n'a pas complété sa formation dans le cadre de la session 2 du diplôme universitaire Pratiques d'Enseignement et Didactique d'Approfondissement (DU PEDA 1er degré), est sans rapport avec celui de la délibération du jury académique du 4 juillet 2016, relatif l'insuffisance de ses compétences professionnelles.
5. D'autre part, Mme D... soutient que l'avis du 21 février 2018 est entaché de contradiction, d'erreur de fait et de discrimination. Il ressort des pièces du dossier qu'au titre de l'année 2015-2016, la commission académique avait prescrit à Mme D... de suivre la formation du DU PEDA 1er degré. Il est constant qu'elle n'a pas obtenu ce diplôme à l'issue de cette année et n'a ainsi pas satisfait à cette prescription. L'avis du 21 février 2018, qui constate son échec, n'est donc pas entaché d'erreur de fait à cet égard et ne contredit pas l'avis favorable précédemment émis par la directrice de l'école supérieure du professorat et de l'éducation à l'issue de sa première année de stage, puisque cet avis portait sur la formation prescrite à l'intéressée au titre de cette année-ci, relative à un diplôme universitaire de master " métiers de l'enseignement, de l'éducation et de la formation " de 1er degré, distinct du DU PEDA 1er degré. Par ailleurs, si la requérante conteste avoir reçu le courrier du 9 septembre 2015 par lequel le recteur l'a informée de la prescription de la commission académique, et n'avoir pas été informée de l'existence même du DU PEDA 1er degré, selon elle nouvellement créé le 1er septembre 2015, il ressort des pièces du dossier, notamment du relevé de notes et résultats de la session 2 de l'année universitaire 2015-2016, qu'elle s'était inscrite à ce diplôme.
6. En revanche, alors que Mme D... a fait l'objet de congés de maladie successifs et continus pendant la période du 7 septembre 2015 au 22 avril 2016, essentiellement en raison d'une grossesse pathologique et de suites de couches pathologiques, et qu'elle n'a ainsi, du fait de son état de santé et en l'absence d'aménagement de la formation prescrite qui impliquait sa présence, pas été à même de la suivre, il ne ressort pas des pièces du dossier que la directrice de l'école supérieure du professorat et de l'éducation aurait, pour émettre son avis, tenu compte de ces circonstances. Toutefois, cet avis ne liait nullement le jury académique. En outre, il ne ressort pas des pièces du dossier que cet avis ait exercé la moindre influence sur l'appréciation du jury qui, le 6 avril 2018, a maintenu son évaluation initiale du 4 juillet 2016 fondée sur l'insuffisance des compétences professionnelles de l'intéressée et son absence de progrès en dépit de la prolongation de son stage, dès lors que ces considérations suffisaient par elles-mêmes, et indépendamment de ses formations, à justifier qu'il ne l'estime pas apte à être titularisée.
7. En deuxième lieu, aux termes de l'article 5 de l'arrêté du 22 août 2014 susvisé : " Le jury se prononce sur le fondement du référentiel de compétences prévu par l'arrêté du 1er juillet 2013 susvisé ". Selon l'article 1er de cet arrêté : " Les modalités de stage des professeurs des écoles stagiaires ainsi que leurs modalités d'évaluation et de titularisation sont fixées par le présent arrêté, sous réserve des dispositions de l'article 12 ci-dessous ". Cet article 12 dispose : " Les arrêtés du 28 juillet 1999 et du 9 mai 2007 susvisés demeurent applicables aux seuls professeurs des écoles du corps de l'Etat créé pour la Polynésie française régis par le décret du 23 décembre 2003 susvisé ". Selon l'article 13 du même arrêté : " L'arrêté du 12 mai 2010 fixant les modalités d'évaluation et de titularisation des professeurs des écoles stagiaires demeure applicable aux stagiaires lauréats des concours organisés dans le cadre du décret du 27 décembre 2012 susvisé ", ledit décret n° 2012-1477 du 27 décembre 2012 fixant des modalités exceptionnelles de recrutement dans certains corps enseignants et d'éducation relevant du ministre chargé de l'éducation nationale. Enfin, l'article 14 du même arrêté dispose : " Les dispositions du présent arrêté entrent en vigueur à compter de la rentrée scolaire 2014 ". Il résulte de la combinaison de ces dispositions qu'à compter de la rentrée scolaire 2014, il appartenait au jury académique, pour évaluer l'aptitude des stagiaires à être titularisés, de se prononcer sur le fondement du référentiel de compétences prévu par l'arrêté du 1" juillet 2013 susvisé, sauf en ce qui concerne les professeurs des écoles du corps de l'Etat créé pour la Polynésie française régis par le décret du 23 décembre 2003 et les stagiaires lauréats des concours organisés dans le cadre du décret du 27 décembre 2012.
8. Il ne ressort pas des pièces du dossier et n'est d'ailleurs pas soutenu que Mme D..., dont le stage a été prolongé après la rentrée scolaire 2014, entrait dans l'une ou l'autre de ces catégories, en particulier celle des stagiaires lauréats des concours organisés dans le cadre du décret du 27 décembre 2012, auxquels l'arrêté du 12 mai 2010 susvisé demeurait applicable. Quant à la note de service n° 2016-070 du ministre de l'éducation nationale du 26 avril 2016 relative aux modalités d'évaluation du stage et de titularisation des personnels enseignants et d'éducation de l'enseignement public, dont la requérante se prévaut également, en ce qu'elle prévoit que les stagiaires en situation de prolongation de stage durant l'année scolaire 2015-2016 " suivent leur stage dans les conditions identiques à celles de la première année et sont évalués au regard des dispositions fixées par les arrêtés du 12 mai 2010 ", il ressort de ses termes mêmes que ces dispositions qui figurent au point 1.1 de son I, ne s'appliquent qu'aux stagiaires lauréats de la session de concours 2014 exceptionnelle accomplissant leur année de stage. A supposer que ces dispositions aient une portée normative, Mme D... ne peut, en tout état de cause, pas utilement s'en prévaloir puisqu'elle n'entre pas non plus dans cette catégorie-ci de stagiaires.
9. Il résulte de ce qui précède que Mme D... n'est pas fondée à soutenir que le jury académique a entaché sa délibération d'irrégularité en se prononçant sur le fondement du référentiel prévu par l'arrêté du 1er juillet 2013 et non de celui prévu par l'arrêté du 12 mai 2010.
10. En dernier lieu, pour la même raison que celle indiquée au point 9, Mme D... ne peut pas utilement se prévaloir de la méconnaissance des dispositions de la note de service n° 2016-070 du 26 avril 2016 au motif que ses conditions de stage durant l'année scolaire 2015-2016 n'auraient pas été identiques à celles de sa première année de stage.
En ce qui concerne les moyens tirés de l'erreur manifeste d'appréciation et de la discrimination, soulevés à l'encontre de la décision de licenciement :
11. Aux termes de l'article 10 du décret du 1er août 1990 susvisé : " Les professeurs stagiaires accomplissent un stage d'un an. (...) Les modalités du stage et les conditions de son évaluation par un jury sont arrêtées par le ministre chargé de l'éducation ". Selon l'article 12 de ce décret : " A l'issue du stage, les professeurs des écoles stagiaires sont titularisés par le directeur académique des services de l'éducation nationale agissant sur délégation du recteur d'académie du département dans le ressort duquel le stage est accompli, sur proposition du jury prévu à l'article 10. La titularisation confère le certificat d'aptitude au professorat des écoles ". Selon l'article 13 de ce décret : " Les stagiaires qui n'ont pas été titularisés peuvent être autorisés à accomplir une nouvelle année de stage. Ceux qui ne sont pas autorisés à renouveler le stage ou qui, à l'issue de la seconde année de stage, n'ont pas été titularisés, sont soit licenciés, soit réintégrés dans leur corps ou cadre d'emplois d'origine s'ils avaient la qualité de fonctionnaire ". Par ailleurs, aux termes de l'article 8 de l'arrêté du 22 août 2014 susvisé : " Après délibération, le jury établit la liste des fonctionnaires stagiaires qu'il estime aptes à être titularisés. En outre, l'avis défavorable à la titularisation concernant un stagiaire qui effectue une première année de stage doit être complété par un avis sur l'intérêt, au regard de l'aptitude professionnelle, d'autoriser le stagiaire à effectuer une seconde et dernière année de stage. (...) ". Et selon l'article 9 de cet arrêté : " Le recteur prononce la titularisation des stagiaires estimés aptes par le jury ". Il résulte de la combinaison de ces dispositions que le recteur, à qui il n'appartient pas de porter une appréciation complémentaire à celle du jury académique sur les mérites de l'intéressé et les conditions dans lesquelles son stage s'est déroulé, est tenu de prononcer le licenciement d'un professeur des écoles stagiaire ne figurant pas, à l'issue de sa seconde année de stage, sur la liste des stagiaires déclarés aptes à être titularisés établie par le jury académique, et n'ayant pas eu auparavant la qualité de fonctionnaire.
12. Par sa délibération du 6 avril 2018, le jury académique a refusé de déclarer Mme D... apte à être titularisée à l'issue de la seconde année de son stage. Il résulte de ce qui a été dit précédemment que l'illégalité de cette délibération n'est pas établie. Par conséquent, alors que Mme D... n'avait pas auparavant la qualité de fonctionnaire, le recteur avait compétence liée pour prononcer son licenciement. Il s'ensuit que les moyens tirés de ce que la décision de licenciement serait entachée d'erreur manifeste d'appréciation au regard des mérites de la requérante, des conditions de son stage et des circonstances dans lesquelles elle a été évaluée et revêtirait un caractère discriminatoire au regard de sa maternité ne peuvent qu'être écartés comme inopérants.
13. Au surplus, l'irrégularité des conditions de stage de la requérante n'est pas établie, l'hostilité du directeur de son école et la partialité d'une de ses tutrices, qu'elle allègue, ne l'étant pas, et l'inspection dont elle a fait l'objet le 26 avril 2016 ne pouvant, du seul fait qu'elle est intervenue au lendemain de son retour après avoir été absente depuis le 7 septembre 2015, être regardée comme révélant une discrimination en raison de sa maternité, dès lors que sa seconde année de stage n'avait été prolongée que de 23 jours à compter du 1er septembre 2015, et qu'il ne restait ainsi, à son retour, que quelques jours pour effectuer cette inspection. Par ailleurs, l'appréciation portée sur les aptitudes professionnelles de la requérante n'apparaît pas entachée d'une erreur manifeste, les différentes évaluations dont elle a fait l'objet, de même que son audition par le jury académique, mettant en évidence notamment ses insuffisances pédagogiques face à un public de très jeunes enfants et son absence de progrès à cet égard durant ses deux années de stage. La circonstance que Mme D... ait, entretemps, été nommée et titularisée en qualité de professeure certifiée n'est pas de nature à remettre en cause cette appréciation, qui est indissociable de la tranche d'âge des élèves auxquels elle a vocation à dispenser ses enseignements.
14. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions à fin d'annulation de Mme D..., ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et d'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ne peuvent qu'être rejetées.
D E C I D E :
Article 1 : La requête de Mme D... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Me B... pour Mme C... D... en application des dispositions de l'article 6 du décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 et au ministre de l'éducation nationale.
Copie en sera adressée au recteur de l'académie de Reims.
N° 20NC00650 2