Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 29 juillet 2020 et 19 mars 2021, M. D... B..., représenté par Me C..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1908346 du tribunal administratif de Strasbourg du 12 février 2020 ;
2°) d'annuler l'arrêté contesté ;
3°) d'enjoindre à la préfète du Bas-Rhin de lui délivrer un titre de séjour ou, à défaut, de réexaminer sa situation et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour, dans un délai de 15 jours à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son avocate en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- le refus de séjour méconnaît les dispositions de l'article L. 313-11-11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- l'obligation de quitter le territoire français est illégale du fait de l'illégalité du refus de séjour ;
- elle est entachée d'une erreur de droit, dès lors qu'il peut prétendre de plein droit à la délivrance d'un titre de séjour ;
- elle méconnaît l'article L. 511-4-10° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision fixant le pays de destination méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Par un mémoire en défense, enregistré le 19 mars 2021, la préfète du Bas-Rhin conclut au rejet de la requête.
Elle soutient qu'aucun des moyens soulevés par le requérant n'est fondé.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 9 juin 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de M. A... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
Sur la légalité du refus de séjour :
1. En premier lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié (...) ".
2. Il ressort des pièces du dossier que M. B... souffre d'une névrose post-traumatique associée à un état dépressif secondaire. Par un avis du 17 juillet 2019, le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a estimé que son état de santé nécessite une prise en charge médicale, dont le défaut ne devrait toutefois pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Cet avis, que le préfet s'est approprié, fait présumer que l'état de santé du requérant n'est pas de nature à justifier son admission au séjour sur le fondement des dispositions précitées. La circonstance que le rapport médical au vu duquel cet avis a été émis contredise sur plusieurs points le certificat médical que le médecin traitant de l'intéressé a adressé à l'Office français de l'immigration et de l'intégration n'est pas, par elle-même, suffisante pour en remettre en cause le bien-fondé. En outre, il ressort des pièces du dossier, en particulier des mentions de l'avis, que le médecin de l'office auteur de ce rapport médical ne s'est pas borné, comme le fait valoir M. B..., à se baser sur ce certificat médical, mais l'a convoqué pour procéder lui-même à son examen. Dans ces conditions, en l'absence de tout autre élément permettant d'établir que, contrairement à ce qu'a retenu le préfet, un défaut de prise en charge médicale pourrait avoir pour le requérant des conséquences d'une exceptionnelle gravité, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées ne peut qu'être écarté.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
4. M. B..., ressortissant nigérien né en 1990, est entré en France le 26 décembre 2016 et y résidait donc depuis moins de trois ans à la date de la décision contestée. Célibataire et sans enfant à charge, il n'y possède aucune attache familiale, et ne fait valoir d'autre attache personnelle que son inscription dans un club de football depuis plusieurs années. Par ailleurs, il n'est pas dépourvu de toute attache dans son pays d'origine, où il a vécu jusqu'à l'âge de 26 ans. S'il soutient qu'il a quitté le Niger à la suite d'un conflit familial et ne peut envisager, en raison de ce même conflit, d'y mener une vie privée et familiale normale, il n'apporte aucun élément concret à l'appui de ses allégations, et en tout état de cause la décision contestée n'a pas pour objet ou pour effet de le contraindre à retourner vivre avec les membres de sa famille avec lesquels il dit être en conflit. Enfin, la plainte avec constitution de partie civile qu'il allègue avoir déposée à la suite d'une agression dont il aurait été victime ne saurait être de nature à justifier son maintien sur le territoire français sur le fondement des stipulations précitées. Dans ces conditions, il n'est pas fondé à soutenir que le préfet a porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels il a refusé de l'admettre au séjour, ni par suite que cette décision est intervenue en méconnaissance des stipulations précitées.
5. En troisième lieu, pour les mêmes raisons que celles indiquées au point précédent et au point 2, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation ne peut qu'être écarté.
Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :
6. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que l'obligation de quitter le territoire français est illégale du fait de l'illégalité du refus de séjour.
7. En deuxième lieu, il résulte de ce qui a été dit aux points 2 et 4 qu'il ne remplit pas les conditions lui permettant de prétendre à la délivrance de plein droit d'un titre de séjour sur le fondement des 7° et 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le préfet n'a donc pas, à ces égards, commis une erreur de droit en décidant de l'obliger à quitter le territoire français.
8. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 511-4 du même code : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans le pays de renvoi ".
9. Pour les mêmes raisons que celles indiquées au point 2, le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions ne peut qu'être écarté.
10. En quatrième lieu, pour les mêmes raisons que celles indiquées au point 4, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
11. En cinquième lieu, pour les mêmes raisons que celles indiquées au point précédent et au point 2, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation ne peut qu'être écarté.
Sur la décision fixant le pays de destination :
12. Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des traitements inhumains ou dégradants ". Aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ".
13. M. B... fait valoir le conflit qui l'oppose à ses deux demi-frères, à l'origine selon lui de son départ pour la France, et ses craintes de les voir s'en prendre à lui en cas de retour au Niger. Toutefois, il n'apporte aucun élément concret pour établir la réalité du conflit et des menaces qu'il allègue. Au surplus, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il serait contraint de vivre auprès de ses demi-frères en cas de retour dans son pays d'origine. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations et dispositions précitées doit être écarté.
14. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions à fin d'annulation de M. B..., ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction, d'astreinte et d'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, ne peuvent qu'être rejetées.
D E C I D E :
Article 1 : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Me C... pour M. D... B... en application des dispositions de l'article 6 du décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée à la préfète du Bas-Rhin.
N° 20NC02172 2