Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 23 juillet 2020, Mme D... A..., représentée par Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du président du tribunal administratif du 13 novembre 2019 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 2 septembre 2019 par lequel le préfet de la Marne lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de 30 jours et a fixé le pays à destination duquel elle sera éloignée ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Marne de lui délivrer un titre de séjour, sur le fondement des articles L. 313-14 et L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros à verser à son conseil en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- la décision contestée est insuffisamment motivée et ne fait pas apparaître un examen sérieux de sa situation ;
- l'arrêté contesté est entaché d'un vice de procédure dès lors qu'elle n'a pas été entendue, ni mise en mesure de présenter ses observations en vertu de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le tribunal n'a pas répondu au moyen tiré de ce que la décision de rejet de sa demande d'asile par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides n'était pas définitive ;
- le préfet a commis une erreur de droit en estimant qu'elle ne pouvait plus se maintenir sur le territoire français en l'absence de preuve de la notification de l'OFPRA, dans une langue qu'elle comprend, et avec les mentions prévues à l'article R. 723-19 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le préfet a commis une erreur de droit en s'estimant lié par la décision de l'OFPRA ;
- le préfet a commis une erreur de droit et une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en estimant qu'elle ne pouvait prétendre à aucun titre de séjour alors qu'elle encourt des risques en cas de retour dans son pays d'origine ;
- l'arrêté contesté méconnait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
- elle méconnait l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est insuffisamment motivée en ce qu'elle ne fait pas état de sa capacité de voyager et des risques que l'obligation de quitter le territoire pourrait avoir sur sa situation.
Le préfet de la Marne n'a pas produit de mémoire en défense.
Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 14 mai 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. E... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A..., ressortissante guinéenne, née en 1999, est entrée irrégulièrement en France, selon ses déclarations, en 2018, pour solliciter l'asile. Sa demande d'asile a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 25 juin 2019. Par un arrêté du 2 septembre 2019, pris sur le fondement du 6° de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet de la Marne lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Par un jugement du 13 novembre 2019, dont Mme A... fait appel, le président du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Mme A..., après avoir mentionné les articles L. 511-1 (6°), L. 743-1 et L. 743-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, a soutenu en première instance que sa demande d'asile n'avait pas été définitivement refusée, d'autant que celle-ci ne lui avait pas été notifiée. En relevant au point 2 du jugement attaqué, qu'il ressortait du relevé " TelemOfpra " que la décision de l'OFPRA du 25 juin 2019 rejetant la demande d'asile de Mme A... lui avait été notifiée le 29 juin suivant et que, par suite, le moyen tiré du défaut de la notification de cette décision manquait en fait, alors que la requérante n'a pas établi, ni même soutenu qu'elle aurait contesté cette décision devant la Cour nationale du droit d'asile, le président du tribunal a suffisamment répondu à ce moyen.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
3. En premier lieu, la décision contestée, après avoir visé notamment les dispositions du 6° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, mentionne que Mme A... est entrée sur le territoire français, selon ses déclarations, en 2018, que sa demande d'asile a été rejetée par l'OFPRA le 25 juin 2019, qu'elle n'a pas contesté devant la Cour nationale du droit d'asile, qu'elle n'est plus autorisée à demeurer sur le territoire français en application de l'article L. 743-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qu'elle ne justifie pas de liens privés et familiaux stables en France, ni être démunie d'attache dans son pays d'origine. La décision contestée comporte ainsi l'ensemble des considérations de fait et de droit qui en constituent le fondement. Si la requérante fait valoir que le préfet de la Marne n'a pas mentionné d'éléments relatifs aux risques qu'elle encourrait en cas de retour dans son pays d'origine, elle ne justifie pas avoir porté de tels éléments à sa connaissance. Contrairement à ce que soutient la requérante, cette motivation, qui n'est pas stéréotypée, révèle en outre que le préfet a procédé à un examen particulier de sa situation. Par suite, les moyens tirés de l'insuffisance de motivation de la décision litigieuse et du défaut d'examen particulier doivent être écartés.
4. En deuxième lieu, Mme A... se borne à reprendre en appel le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne. Il y a lieu d'écarter ce moyen, par adoption des motifs retenus par le président du tribunal aux points 4 à 8 du jugement attaqué et qui n'appellent aucune précision en appel.
5. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. - L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : / 6° Si la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou si l'étranger ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application des articles L. 743-1 et L. 743-2 , à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité. Lorsque, dans l'hypothèse mentionnée à l'article L. 311-6, un refus de séjour a été opposé à l'étranger, la mesure peut être prise sur le seul fondement du présent 6° ; (...) ".
6. Aux termes de l'article L. 743-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le demandeur d'asile dont l'examen de la demande relève de la compétence de la France et qui a introduit sa demande auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides bénéficie du droit de se maintenir sur le territoire français jusqu'à la notification de la décision de l'office ou, si un recours a été formé, dans le délai prévu à l'article L. 731-2 contre une décision de rejet de l'office, soit jusqu'à la date de la lecture en audience publique de la décision de la Cour nationale du droit d'asile, soit, s'il est statué par ordonnance, jusqu'à la date de la notification de celle-ci. L'attestation délivrée en application de l'article L. 741-1, dès lors que la demande d'asile a été introduite auprès de l'office, vaut autorisation provisoire de séjour et est renouvelable jusqu'à ce que l'office et, le cas échéant, la cour statuent ".
7. Aux termes de l'article R. 723-19 du même code : " I.- La décision du directeur général de l'office est notifiée à l'intéressé par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. (...) III.- La date de notification de la décision de l'office et, le cas échéant, de la Cour nationale du droit d'asile qui figure dans le système d'information de l'office et est communiquée au préfet compétent et au directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration au moyen de traitements informatiques fait foi jusqu'à preuve du contraire. / IV.- La preuve de la notification de la décision du directeur général de l'office peut être apportée par tout moyen ".
8. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier, notamment de l'application " TelemOfpra " produite par le préfet de la Marne, que la demande d'asile de Mme A..., examinée dans le cadre de la procédure normale, a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 25 juin 2019 qui, selon le relevé des informations de la base de donnée " TelemOfpra ", tenue par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, relative à l'état des procédures de demandes d'asile, lui a été notifiée le 29 juin suivant et est revenu à l'office. Mme A... n'apporte aucun élément de nature à remettre en cause l'exactitude des mentions portées sur ce document qui fait foi jusqu'à preuve du contraire en application de l'article R. 723-19 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Ainsi, elle n'est pas fondée à soutenir que la preuve de la notification de la décision de l'OFPRA n'est pas établie, quand bien même le préfet n'a pas produit l'accusé de réception du pli ayant contenu la décision de l'OFPRA, ni sollicité, en application de l'article R. 723-22 du même code, les documents en possession des services de l'OFPRA. Elle n'est pas davantage fondée à soutenir, dès lors qu'elle n'a pas retiré ce pli, qu'il ne comportait pas les mentions prévues à l'article R. 723-19 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile
9. En quatrième lieu, il n'est ni établi, ni même soutenu que la décision de l'OFPRA aurait été contestée devant la Cour nationale du droit d'asile. Par suite, contrairement à ce que soutient la requérante, le préfet de la Marne a pu, sans erreur de droit, estimer qu'en vertu des dispositions précitées de l'article L. 743-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la requérante ne disposait plus du droit de se maintenir sur le territoire français et pouvait donc faire l'objet d'une mesure d'éloignement sur le fondement du 6° de l'article L. 511-1 du même code.
10. En cinquième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier, notamment des motifs de l'arrêté en litige, que le préfet de la Marne, qui a notamment indiqué que la requérante n'avait pas établi être personnellement exposée à des peines ou traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans son pays d'origine, se serait cru lié par la décision de l'OFPRA. Par suite, le moyen tiré de l'erreur de droit doit être écarté.
11. En sixième lieu, aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
12. Il ressort des pièces du dossier que Mme A... est arrivée récemment en France en 2018. Elle ne justifie pas avoir tissé de liens sur le territoire français, ni être dépourvue d'attaches familiales dans son pays d'origine où elle a vécu la majeure partie de sa vie et où demeure encore sa soeur. Dans ces conditions, la décision d'éloignement ne peut être regardée comme ayant porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée eu égard aux buts poursuivis par cette mesure. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
13. En septième lieu, Mme A... ne peut pas utilement se prévaloir à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français du moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors qu'elle n'a pas pour objet de déterminer le pays à destination duquel elle sera renvoyée.
14. En dernier lieu, Mme A... ne peut en tout état de cause utilement se prévaloir des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile à l'encontre de la décision contestée dès lors qu'elle n'a pas sollicité un titre de séjour sur ce fondement et que le préfet, qui n'y était pas tenu, n'a pas examiné d'office sa demande sur un tel fondement.
En ce qui concerne la décision portant fixant le pays de destination :
15. En premier lieu, par adoption des motifs retenus à bon droit par le président du tribunal, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision contestée doit être écarté.
16. En deuxième lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants ".
17. Si Mme A... se prévaut des risques qui pèseraient sur elle en cas de retour en Guinée au motif qu'elle y a été maltraitée par sa tante et son époux, elle n'apporte aucun élément à l'appui de ses allégations alors que, par ailleurs, l'OFPRA a rejeté sa demande d'asile. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ne peut qu'être écarté. Il ne résulte pas davantage des pièces du dossier que le préfet de la Marne aurait commis une erreur manifeste d'appréciation, à ce titre, au regard de la situation de la requérante.
18. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte ainsi que ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent elles aussi être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Me B... pour Mme D... A... en application des dispositions de l'article 6 du décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée pour information au préfet de la Marne.
N° 20NC02100 2