Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 28 juin 2019, la société Capio Clinique Saint Vincent, représentée par Me D..., doit être regardée comme demandant à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1701199 du tribunal administratif de Besançon du 30 avril 2019 en tant qu'il a annulé la décision de la ministre du travail du 5 mai 2017 ;
2°) de rejeter la demande présentée en première instance par M. B... en tant qu'elle tend à l'annulation de la décision de la ministre du 5 mai 2017 ;
3°) de mettre à la charge de M. B... la somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les faits reprochés à M. B..., qui constituent un manquement caractérisé aux règles de sécurité, sont matériellement établis, imputables au salarié, fautifs et d'une gravité suffisante pour justifier une mesure de licenciement.
La requête a été régulièrement communiquée à M. B... et à la ministre du travail du travail, de l'emploi et de l'insertion, qui n'ont pas défendu dans la présente instance.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code du travail ;
- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. A...,
- et les conclusions de Mme Seibt, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La société Capio Clinique Saint Vincent est un établissement médico-chirurgical appartenant au groupe suédois Capio. Elle employait, depuis le 18 février 2013, M. E... B... en qualité de brancardier, d'abord sur la base de contrats à durée déterminée puis, à compter du 22 mars 2014, sur la base d'un contrat à durée indéterminée. Elu délégué du personnel suppléant le 23 juin 2015, ce dernier y bénéficiait de la qualité de salarié protégé. Lui reprochant d'avoir gravement manqué aux règles de sécurité, la société Capio Clinique Saint Vincent a sollicité, par courriers des 28 juillet et 5 août 2016, l'autorisation de licencier son salarié pour motif disciplinaire. Par une décision du 12 octobre 2016, l'inspecteur du travail de l'unité de contrôle Doubs Centre a refusé de faire droit à cette demande au motif que les faits reprochés n'étaient pas suffisamment graves pour justifier une telle mesure de licenciement. Sans attendre l'issue de son recours gracieux du 10 novembre 2016, qui a finalement été rejeté le 30 novembre 2016, la requérante a formé un recours hiérarchique contre cette décision par un courrier du 29 novembre 2016, reçu le lendemain. Et, par une nouvelle décision du 5 mai 2017, la ministre du travail, de l'emploi de la formation professionnelle et du dialogue social, d'une part, a retiré la décision implicite de rejet du recours hiérarchique intervenue le 31 mars 2017, d'autre part, a annulé la décision de l'inspecteur du travail du 12 octobre 2016, enfin a autorisé le licenciement de M. B... pour motif disciplinaire. Licencié le 30 mai 2017, le requérant a saisi le tribunal administratif de Besançon d'une demande tendant à l'annulation de la décision ministérielle du 5 mai 2017 et à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 20 000 euros en réparation du préjudice qu'il estime avoir subi du fait de l'illégalité fautive de cette décision. La société Capio Clinique Saint-Vincent doit être regardée comme relevant appel du jugement n° 1701199 du 30 avril 2019 en tant qu'il annule la décision de la ministre du travail du 5 mai 2017.
Sur le bien-fondé du jugement :
2. D'une part, aux termes du premier alinéa de l'article L. 4122-1 du code du travail dispose à cet égard : " Conformément aux instructions qui lui sont données par l'employeur, dans les conditions prévues au règlement intérieur pour les entreprises tenues d'en élaborer un, il incombe à chaque travailleur de prendre soin, en fonction de sa formation et selon ses possibilités, de sa santé et de sa sécurité ainsi que de celles des autres personnes concernées par ses actes ou ses omissions au travail. ".
3. D'autre part, en vertu des dispositions pertinentes du code du travail, les salariés légalement investis de fonctions représentatives bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle. Lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé. Dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail et, le cas échéant, au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi.
4. Il ressort des pièces du dossier que, le 2 juin 2016, entre 12 et 13 heures, alors qu'il se trouvait en salle de pause avec six autres brancardiers, M. C... a étalé sur une table en formica stratifiée une ligne de solution hydro-alcoolique d'une longueur de soixante centimètres environ et, pour faire " comme dans les bars avec l'alcool ", y a mis volontairement le feu au moyen d'un briquet. Tandis qu'une collègue présente éteignait ce feu à l'aide d'une bouteille d'eau, l'intéressé, après avoir vainement tenté d'étouffer les flammes avec un chiffon, a traversé un couloir de circulation avec le chiffon, qui s'est enflammé, pour aller le jeter dans les lavabos des vestiaires situés à proximité. Eu égard à l'obligation pesant sur les salariés, dûment rappelée par les dispositions du premier alinéa de l'article L. 4122-1 du code du travail, de respecter les règles de sécurité, spécialement au sein d'un établissement de santé, tel la clinique Saint Vincent, les faits reprochés à l'intéressé, dont il a reconnu l'imputabilité et la matérialité notamment lors de son entretien préalable du 21 juin 2016, sont constitutifs d'une faute de nature à justifier le prononcé d'une sanction disciplinaire. Toutefois, bien que M. B... a cherché à minimiser la nature exacte de l'incident auprès du chef d'équipe de sécurité incendie, venu s'enquérir, vers 13 heures, de la cause de l'odeur de brûlé flottant dans les couloirs, et auprès de sa supérieure hiérarchique, en indiquant avoir simplement mis le feu à un papier, que la salle de pause des brancardiers se trouve non loin du bloc opératoire et d'une cage d'ascenseur et que le couloir traversé par le salarié est susceptible d'être emprunté par les malades et les visiteurs, il ressort des pièces du dossier que l'incendie a été rapidement circonscrit et qu'il n'a entraîné ni le déclenchement de l'alarme incendie, ni de dégradations matérielles, ni la mise en danger des personnes et des biens, ni, enfin, de perturbations dans le fonctionnement de l'établissement. En outre, contrairement aux allégations de la requérante, il résulte des extraits d'images de vidéosurveillance versées au dossier que, à l'exception d'une collègue apparemment remontée contre M. B..., les autres personnes présentes sont sorties du local pour aller reprendre leur service sans manifester le moindre signe de panique ou de mécontentement. Par suite et alors qu'il n'est pas contesté que l'intéressé n'avait fait l'objet jusqu'alors d'aucune sanction disciplinaire, ni d'aucun reproche de la part de sa hiérarchie, de ses collègues ou des patients, les faits qui lui sont reprochés ne sont pas, dans les circonstances de l'espèce, d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement.
5. Il résulte de ce qui précède que la société Capio Clinique Saint-Vincent n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a annulé, pour ce motif, la décision de la ministre du travail du 5 mai 2017. Par voie de conséquence, elle n'est pas davantage fondée à solliciter le rejet de la demande de première instance en tant qu'elle tend à l'annulation de cette décision, ni la mise à la charge de M. B... de la somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1er : La requête présentée par la société Capio Clinique Saint-Vincent est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SCP Fromont-Briens pour la société Capio Saint-Vincent et à la SCP Coda pour M. E... B... en application des dispositions de l'article 6 du décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 et à la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion.
N° 19NC02045 2