Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 26 juillet 2019, la société Hôtel Restaurant Le Cerf d'Or, représentée par Me A..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 12 juin 2019 ;
2°) d'annuler la décision du 17 janvier 2017 par laquelle le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a mis à sa charge une somme totale de 9 164 euros au titre de la contribution spéciale et de la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement de l'étranger dans son pays d'origine ainsi que la décision du 3 avril 2017 rejetant son recours gracieux ;
3°) de mettre à la charge de l'Office français de l'immigration et de l'intégration la somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les dépens.
Elle soutient que :
- elle ignorait l'origine étrangère de la salariée et a été trompée par sa carte d'identité italienne ;
- sa bonne foi et la circonstance qu'elle n'a recruté qu'un salarié justifient de la décharger ;
- elle s'est acquittée des salaires dans le délai de 30 jours et sa bonne foi justifie qu'elle ne verse pas l'indemnité de rupture forfaitaire de 3 mois.
Par un mémoire en défense, enregistré le 3 février 2020, l'Office français de l'immigration et de l'intégration, représenté par Me C..., conclut au rejet de la requête et demande que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la société Hôtel Restaurant Le Cerf d'Or en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code du travail ;
- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. E...,
- et les conclusions de Mme Seibt, rapporteur public.
1. Le 19 mai 2016, à l'occasion d'une enquête menée à l'encontre d'un autre hôtel, les services de police ont constaté que la société Hôtel Restaurant Le Cerf d'Or, à Strasbourg, avait recruté, au cours de la période du 1er janvier au 31 octobre 2013 Mme B... D..., ressortissante marocaine, démunie de tout titre de séjour l'autorisant à travailler en France. A l'issue de la procédure contradictoire, par une décision du 17 janvier 2017, le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a mis à la charge de la société Hôtel Restaurant Le Cerf d'Or la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 du code du travail pour un montant de 7 040 euros et la contribution forfaitaire représentative de frais de réacheminement de l'étranger dans son pays d'origine prévue à l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour un montant de 2 124 euros. Le recours gracieux présenté contre cette décision par la société Hôtel Restaurant Le Cerf d'Or a été rejeté par une décision du 3 avril 2017. Par un jugement du 12 juin 2019, dont la société fait appel, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces deux décisions.
Sur le bien-fondé du jugement :
2. D'une part, aux termes du premier alinéa de l'article L. 8251-1 du code du travail : " Nul ne peut, directement ou indirectement, embaucher, conserver à son service ou employer pour quelque durée que ce soit un étranger non muni du titre l'autorisant à exercer une activité salariée en France. (...)". Aux termes de l'article L. 8253-1 de ce code : " Sans préjudice des poursuites judiciaires pouvant être intentées à son encontre, l'employeur qui a employé un travailleur étranger en méconnaissance des dispositions du premier alinéa de l'article L. 8251-1 acquitte, pour chaque travailleur étranger sans titre de travail, une contribution spéciale. Le montant de cette contribution spéciale est déterminé dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. Il est, au plus, égal à 5 000 fois le taux horaire du minimum garanti prévu à l'article L. 3231-12. Ce montant peut être minoré en cas de non-cumul d'infractions ou en cas de paiement spontané par l'employeur des salaires et indemnités dus au salarié étranger sans titre mentionné à l'article R. 8252-6. Il est alors, au plus, égal à 2 000 fois ce même taux. (...)". Aux termes du premier alinéa de l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sans préjudice des poursuites judiciaires qui pourront être engagées à son encontre et de la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 du code du travail, l'employeur qui aura occupé un travailleur étranger en situation de séjour irrégulier acquittera une contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement de l'étranger dans son pays d'origine. (...) ". Aux termes de l'article R. 8253-2 du code du travail : " I.- Le montant de la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 est égal à 5 000 fois le taux horaire, à la date de la constatation de l'infraction, du minimum garanti prévu à l'article L. 3231-12. / II.- Ce montant est réduit à 2 000 fois le taux horaire du minimum garanti dans l'un ou l'autre des cas suivants : / 1° Lorsque le procès-verbal d'infraction ne mentionne pas d'autre infraction commise à l'occasion de l'emploi du salarié étranger en cause que la méconnaissance des dispositions du premier alinéa de l'article L. 8251-1 ; / 2° Lorsque l'employeur s'est acquitté des salaires et indemnités mentionnés à l'article L. 8252-2 dans les conditions prévues par les articles R. 8252-6 et R. 8252-7. / III.- Dans l'hypothèse mentionnée au 2° du II, le montant de la contribution spéciale est réduit à 1 000 fois le taux horaire du minimum garanti lorsque le procès-verbal d'infraction ne mentionne l'emploi que d'un seul étranger sans titre l'autorisant à exercer une activité salariée en France. (...)".
3. D'autre part, aux termes de l'article L. 5221-8 du code du travail : " L'employeur s'assure auprès des administrations territorialement compétentes de l'existence du titre autorisant l'étranger à exercer une activité salariée en France, sauf si cet étranger est inscrit sur la liste des demandeurs d'emploi tenue par l'institution mentionnée à l'article L. 5312-1 ".
4. Il résulte des dispositions précitées de l'article L. 8253-1 du code du travail et de l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que les contributions qu'ils prévoient ont pour objet de sanctionner les faits d'emploi d'un travailleur étranger séjournant irrégulièrement sur le territoire français ou démuni de titre l'autorisant à exercer une activité salariée, sans qu'un élément intentionnel soit nécessaire à la caractérisation du manquement. Toutefois, un employeur ne saurait être sanctionné sur le fondement de ces dispositions, qui assurent la transposition des articles 3, 4 et 5 de la directive 2009/52/CE du Parlement européen et du Conseil du 18 juin 2009 prévoyant des normes minimales concernant les sanctions et les mesures à l'encontre des employeurs de ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, lorsque tout à la fois, d'une part, il s'est acquitté des obligations qui lui incombent en vertu de l'article L. 5221-8 du code du travail et, d'autre part, il n'était pas en mesure de savoir que les documents qui lui étaient présentés revêtaient un caractère frauduleux ou procédaient d'une usurpation d'identité. En outre, lorsqu'un salarié s'est prévalu lors de son embauche de la nationalité française ou de sa qualité de ressortissant d'un Etat pour lequel une autorisation de travail n'est pas exigée, l'employeur ne peut être sanctionné s'il s'est assuré que ce salarié disposait d'un document d'identité de nature à en justifier et s'il n'était pas en mesure de savoir que ce document revêtait un caractère frauduleux ou procédait d'une usurpation d'identité.
5. Il résulte de l'instruction, notamment des procès-verbaux d'audition de la salariée et des co-gérants de la société Hôtel Restaurant Le Cerf d'Or, que lors de son embauche, Mme D... a présenté une carte d'identité italienne mentionnant sa nationalité marocaine, ainsi qu'un titre de séjour délivré par les autorités italiennes et valable jusqu'au 7 février 2017. Si la requérante fait valoir que Mme D... lui aurait laissé croire qu'elle était italienne, les mentions de ces documents, bien que rédigées en langue italienne, permettaient aisément d'identifier sa nationalité marocaine. Au demeurant, dans un courriel qu'elle a envoyé postérieurement à l'embauche de cette salariée, la requérante faisait elle-même état de sa nationalité marocaine. Si d'autres hôtels ont cru, comme la requérante, que Mme D... pouvait travailler en France, cette circonstance n'est pas de nature à justifier qu'elle se soit dispensée de toute vérification. Il incombait, dès lors, à la société Hôtel Restaurant Le Cerf d'Or de vérifier auprès des autorités compétentes que Mme D... disposait d'un titre de séjour l'autorisant à travailler en France en application des dispositions de l'article L. 5221-8 du code du travail.
6. Il est constant que le directeur de l'OFII a appliqué à la société requérante le taux réduit de 2 000 fois le taux horaire du minimum garanti dès lors que le procès-verbal d'infraction ne mentionnait pas d'autre infraction que celle de l'emploi d'un salarié étranger en méconnaissance des dispositions de l'article L. 8251-1 du code du travail. Si la société Hôtel Restaurant Le Cerf d'Or fait également valoir qu'elle a versé les salaires dus à la salariée, elle ne conteste pas ne pas avoir versé l'indemnité de rupture prévue par l'article L. 8252-2 du même code dans le délai de 30 jours prévu par l'article L. 8252-4. Si la requérante fait également valoir que le montant de " l'indemnité minimum légale, telle qu'elle est prévue, aboutirait au paiement d'une somme bien supérieure à la somme de 3 mois prévaux aux dispositions du code du travail ", elle n'assortit pas ce moyen des précisions permettant à la cour d'en apprécier le bien-fondé. Dès lors, la société Hôtel Restaurant Le Cerf d'Or, qui ne peut utilement se prévaloir de sa bonne foi, n'est fondée à solliciter ni la décharge des sommes en litige, ni que le montant de la contribution spéciale laissée à sa charge soit ramené à 1 000 fois le taux horaire du minimum garanti.
7. Il résulte de tout ce qui précède que la société Hôtel Restaurant Le Cerf d'Or n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.
Sur les dépens et les frais liés à l'instance :
8. D'une part, la présente instance n'a pas donné lieu à des dépens. Par suite, les conclusions présentées sur le fondement de l'article R. 761-1 du code de justice administrative par la société Hôtel Restaurant Le Cerf d'Or doivent être rejetées.
9. D'autre part, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la société Hôtel Restaurant Le Cerf d'Or demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Hôtel Restaurant Le Cerf d'Or la somme que demande l'Office français de l'immigration et de l'intégration au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la société Hôtel Restaurant Le Cerf d'Or est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par l'Office français de l'immigration et de l'intégration sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SCP Alexandre-Levy-Kahn pour la société Hôtel Restaurant Le Cerf d'Or en application des dispositions de l'article 6 du décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 et à l'Office français de l'immigration et de l'intégration.
N° 19NC02400 2