Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 24 février 2021, Mme B... A..., représentée par Me Andreini, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2005024 du tribunal administratif de Strasbourg du 26 novembre 2020 ;
2°) d'annuler l'arrêté de la préfète du Bas-Rhin du 10 juin 2020 ;
3°) d'enjoindre à la préfète du Bas-Rhin, dans un délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir, de lui délivrer un titre de séjour et, dans l'intervalle, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ou, subsidiairement, de réexaminer sa situation et, dans l'intervalle, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 500 euros en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, relative à l'aide juridique.
Elle soutient que :
- la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour méconnaît les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision en litige est entachée d'une erreur de droit au regard de ces mêmes dispositions ;
- la décision méconnaît également les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour ;
- eu égard à son impossibilité de voyager sans risque, la décision en litige est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- la décision portant fixation du pays de destination est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français.
Par un mémoire en défense, enregistré le 20 septembre 2021, la préfète du Bas-Rhin conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que les moyens invoqués par Mme A... ne sont pas fondés.
Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 18 février 2021.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Meisse a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B... A... est une ressortissante géorgienne, née le 10 août 1953. Elle a déclaré être entrée en France le 26 novembre 2017 sous couvert de son passeport biométrique. Elle a présenté une demande d'asile, qui a été successivement rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 31 mai 2018, puis par la Cour nationale du droit d'asile le 28 janvier 2019. Le 14 février 2019, elle a sollicité la délivrance d'un titre de séjour en qualité d'étranger malade sur le fondement des dispositions, alors en vigueur, du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Toutefois, à la suite de l'avis défavorable du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 7 août 2019, la préfète du Bas-Rhin, par un arrêté du 10 juin 2020, a refusé de faire droit à sa demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de son éventuelle reconduite d'office à la frontière. Mme A... a saisi le tribunal administratif de Strasbourg d'une demande tendant à l'annulation de l'arrêté préfectoral du 10 juin 2020. Elle relève appel du jugement n° 2005024 du 26 novembre 2020, qui rejette sa demande.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé. (...) ".
3. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. En cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile.
4. Il ressort des pièces du dossier que, pour refuser d'accorder à Mme A... la délivrance d'un titre de séjour en qualité d'étranger malade, la préfète du Bas-Rhin s'est notamment fondée sur l'avis de collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 7 août 2019. Selon cet avis, si l'état de santé de la requérante nécessite une prise en charge médicale, dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, il lui permet néanmoins de voyager sans risque à destination de son pays d'origine, où, eu égard à l'offre de soins et au caractéristiques du système de santé, elle peut bénéficier effectivement d'un traitement approprié à sa pathologie. Mme A... présente un surpoids, une hypertension artérielle, un diabète de type 2, une impotence fonctionnelle du bras gauche, une gonarthrose gauche invalidante, un syndrome d'apnées du sommeil et une insuffisance respiratoire. Elle fait valoir, en outre, que, ayant été traitée d'un cancer du sein gauche en 2018 par mastectomie, elle suit une hormonothérapie. Toutefois, ni le rapport du 30 juin 2020 de l'Organisation suisse d'aide aux réfugiés sur l'accès à divers soins et traitements médicaux en Géorgie, qui ne concerne pas spécifiquement la situation de l'intéressée et les affections dont elle souffre, ni les différentes pièces médicales versées aux débats, qui se bornent à décrire les pathologies et les traitements mis en œuvre, ni les allégations de la requérante sur son impécuniosité ne sont de nature à remettre en cause l'appréciation à laquelle s'est livrée la préfète du Bas-Rhin sur la disponibilité effective du traitement dans le pays d'origine. De même, les circonstances que Mme A... a besoin en permanence d'une assistance respiratoire, qu'elle bénéficie actuellement d'une oxygénothérapie à domicile, qu'elle se déplace à l'aide d'une canne et que son périmètre de marche est limité à quelques minutes ne suffisent pas à démontrer qu'elle serait dans l'impossibilité de voyager sans risque à destination de la Géorgie. Par suite, les moyens tirés de l'erreur de droit et de la méconnaissance des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peuvent qu'être écartés.
5. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
6. Il ressort des pièces du dossier que Mme A... est arrivée en France, le 26 novembre 2017, à l'âge de soixante-quatre ans. La requérante se prévaut de la présence régulière sur le territoire français de sa fille cadette, bénéficiaire de la protection subsidiaire et titulaire d'une carte de résident valable jusqu'au 1er décembre 2029, qui assure son hébergement et la prendrait en charge intégralement. Toutefois, il est constant que cette dernière, entrée en France le 11 septembre 2012 et mère de deux enfants, a constitué sa propre cellule familiale et a vécu séparée de sa mère pendant plusieurs années. En dehors de sa fille et de ses petits-enfants, Mme A... ne justifie d'aucune autre attache familiale ou personnelle, ni d'une intégration particulière, sur le territoire français. Nonobstant le décès de son époux, elle n'établit pas être isolée en Géorgie, où vivent notamment sa sœur et sa fille aînée. La requérante, qui a elle-même indiqué aux services de la préfecture l'existence de ces deux personnes, ne démontre pas que celles-ci auraient disparu depuis plusieurs années. Enfin, contrairement aux allégations de l'intéressée, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'elle aurait perdu toute autonomie en raison de ses nombreuses pathologies, que la présence de sa fille cadette à ses côtés lui serait indispensable ou encore qu'elle serait dans l'impossibilité de bénéficier, le cas échéant, de l'assistance d'une tierce personne en Géorgie. Par suite, il y a lieu d'écarter le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
7. En troisième et dernier lieu, eu égard à ce qui a été dit précédemment, Mme A... n'est pas fondée à soutenir que la préfète du Bas-Rhin aurait commis une erreur manifeste d'appréciation au regard de son pouvoir discrétionnaire de régularisation à titre exceptionnel.
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
8. Compte tenu de ce qui précède, il y a lieu d'écarter les moyens tirés de ce que la décision en litige serait illégale en raison de l'illégalité de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour et de ce qu'elle serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de Mme A....
En ce qui concerne la décision portant fixation du pays de destination :
9. Compte tenu de ce qui a été dit précédemment, le moyen tiré de ce que la décision en litige serait illégale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être écarté.
10. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté de la préfète du Bas-Rhin du 10 juin 2020. Par suite, elle n'est pas davantage fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et ses conclusions à fin d'application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée à la préfète du Bas-Rhin.
N° 21NC00542 5