Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 8 août 2019, M. C... E... D..., représenté par la SCP Levi-Cyferman et Cyferman, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1901435 du 28 mai 2019 du magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Nancy ;
2°) d'annuler l'arrêté contesté ;
3°) d'enjoindre au préfet de Meurthe-et-Moselle de l'autoriser à déposer sa demande d'asile en France et de lui délivrer une attestation de demandeur d'asile en procédure normale ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à la SCP Levi-Cyferman et Cyferman en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le tribunal n'a pas répondu à ses moyens tirés de la motivation insuffisante de la décision et du défaut d'examen particulier de sa situation ;
- la décision contestée est insuffisamment motivée ;
- le préfet n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation ;
- la décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article 17 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013.
Par une lettre du 5 mars 2020, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt est susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office tiré de ce qu'il n'y a plus lieu de statuer sur la requête compte tenu de l'expiration du délai de six mois courant à compter de l'acceptation du transfert par l'Etat requis, interrompu jusqu'à la date de notification du jugement par lequel le tribunal administratif a statué au principal, ce qui rendrait la France responsable des demandes de protection internationale de M. D....
Par un mémoire en défense, enregistré le 11 mars 2020, le préfet de Meurthe-et-Moselle conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- il y a toujours lieu de statuer, dès lors que le délai de transfert de M. D... a été porté à 18 mois jusqu'au 28 novembre 2020, à la suite d'une déclaration de fuite notifiée aux autorités italiennes le 6 juin 2019 ;
- aucun des moyens soulevés par le requérant n'est fondé.
Par un mémoire, enregistré le 13 mars 2020, M. D... conclut, à titre principal, au non-lieu à statuer, maintient ses conclusions susvisées tendant à l'application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, et ne présente plus qu'à titre subsidiaire ses conclusions à fin d'annulation et d'injonction susvisées.
Il soutient qu'il n'est pas en fuite et, que par suite, le délai de transfert a expiré.
Vu les autres pièces du dossier.
Par une décision du 9 juillet 2019, M. D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
Vu :
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de M. A... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
Sur le non-lieu à statuer :
1. Aux termes du paragraphe 1 de l'article 29 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, le transfert du demandeur vers l'Etat membre responsable de l'examen de sa demande d'asile doit s'effectuer " dès qu'il est matériellement possible et, au plus tard, dans un délai de six mois à compter de l'acceptation par un autre Etat membre de la requête aux fins de la prise en charge ou de reprise en charge de la personne concernée ou de la décision définitive sur le recours ou la révision lorsque l'effet suspensif est accordé conformément à l'article 27, paragraphe 3 ". Aux termes du paragraphe 2 du même article : " Si le transfert n'est pas exécuté dans le délai de six mois, l'Etat membre responsable est libéré de son obligation de prendre en charge ou de reprendre en charge la personne concernée et la responsabilité est alors transférée à l'Etat membre requérant. Ce délai peut être porté à un an au maximum s'il n'a pas pu être procédé au transfert en raison d'un emprisonnement de la personne concernée ou à dix-huit mois au maximum si la personne concernée prend la fuite ".
2. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sous réserve du second alinéa de l'article L. 742-1, l'étranger dont l'examen de la demande d'asile relève de la responsabilité d'un autre Etat peut faire l'objet d'un transfert vers l'Etat responsable de cet examen ". Aux termes du I de l'article L. 742-4 de ce code : " L'étranger qui a fait l'objet d'une décision de transfert mentionnée à l'article L. 742-3 peut, dans le délai de quinze jours à compter de la notification de cette décision, en demander l'annulation au président du tribunal administratif. / Le président ou le magistrat qu'il désigne à cette fin (...) statue dans un délai de quinze jours à compter de sa saisine (...) ". Aux termes du second alinéa de l'article L. 742-5 du même code : " La décision de transfert ne peut faire l'objet d'une exécution d'office ni avant l'expiration d'un délai de quinze jours ou, si une décision de placement en rétention prise en application de l'article L. 551-1 ou d'assignation à résidence prise en application de l'article L. 561-2 a été notifiée avec la décision de transfert, avant l'expiration d'un délai de quarante-huit heures, ni avant que le tribunal administratif ait statué, s'il a été saisi ". L'article L. 742-6 du même code prévoit enfin que : " Si la décision de transfert est annulée, il est immédiatement mis fin aux mesures de surveillance prévues au livre V. L'autorité administrative statue à nouveau sur le cas de l'intéressé ".
3. Il résulte de la combinaison de ces dispositions que l'introduction d'un recours devant le tribunal administratif contre la décision de transfert a pour effet d'interrompre le délai de six mois fixé à l'article 29 du règlement (UE) n° 604/2013, qui court à compter de l'acceptation du transfert par l'Etat requis, et qui recommence à courir intégralement à compter du jugement du tribunal administratif statuant au principal sur cette demande, quel que soit le sens de sa décision. Ni un appel ni le sursis à exécution du jugement accordé par le juge d'appel sur une demande présentée en application de l'article R. 811-15 du code de justice administrative n'ont pour effet d'interrompre ce nouveau délai. Son expiration a pour conséquence qu'en application des dispositions du paragraphe 2 de l'article 29 du règlement précité, l'Etat requérant devient responsable de l'examen de la demande de protection internationale.
4. Il ressort des pièces du dossier que l'arrêté du 20 mai 2019 par lequel le préfet de Meurthe-et-Moselle a ordonné le transfert de M. D... aux autorités italiennes est intervenu moins de six mois après la décision implicite d'accord née du silence gardé par ces dernières à la suite de leur saisine du 26 novembre 2018 par les autorités françaises. Ce délai a été interrompu par la demande d'annulation introduite par M. D... contre cet arrêté devant le tribunal administratif de Nancy le 20 mai 2019. Un nouveau délai de six mois a recommencé à courir à compter de la notification à l'administration, le 29 mai 2019, du jugement du 28 mai 2019 par lequel le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Nancy a rejeté la demande de M. D....
5. Le préfet de Meurthe-et-Moselle fait valoir qu'une déclaration de fuite a été faite aux autorités italiennes le 6 juin 2019, avant l'expiration de ce délai de six mois, lequel a été ainsi porté à dix-huit mois. Toutefois, cette déclaration ne suffit pas, par elle-même, à établir que M. D... a effectivement pris la fuite au sens des dispositions du paragraphe 2 de l'article 29 du règlement précité, ce que l'intéressé conteste. En l'absence, au dossier, de tout élément concret de nature à corroborer les allégations du préfet, le délai de transfert ne peut être regardé comme ayant été prolongé et a, par conséquent, expiré le 29 novembre 2019. La France étant, à compter du 30 novembre 2019, devenue responsable de l'examen de la demande de protection de M. D..., le litige relatif à l'arrêté du 20 mai 2019 par lequel le préfet de Meurthe-et-Moselle a ordonné son transfert aux autorités italiennes a perdu son objet.
6. Par suite, il n'y pas lieu de statuer sur les conclusions du requérant tendant à l'annulation du jugement du 28 mai 2019 et de l'arrêté du 20 mai 2019, ni par voie de conséquence sur ses conclusions à fin d'injonction.
Sur les frais de l'instance :
7. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de l'Etat la somme que demande la SCP Levi-Cyferman et Cyferman, avocat de M. D..., au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
D E C I D E :
Article 1 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de M. D... dirigées contre le jugement du tribunal administratif de Nancy du 28 mai 2019 et contre l'arrêté du préfet de Meurthe-et-Moselle du 20 mai 2019, ainsi que sur ses conclusions aux fins d'injonction.
Article 2 : Les conclusions présentées par M. D... sur le fondement des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... E... D... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de Meurthe-et-Moselle.
N° 19NC02581 2