Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 14 avril 2020 et le 15 juin 2020, M. D... A..., représenté par Me C..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Besançon du 28 janvier 2020 ;
2) d'annuler l'arrêté du 2 août 2019 par lequel le préfet du Doubs lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit ;
3°) d'enjoindre au préfet, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir, et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour assortie d'une autorisation de travailler dans un délai de huit jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) d'enjoindre au préfet, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir, et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour assortie d'une autorisation de travailler ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- la décision contestée a été prise au terme d'une procédure irrégulière dès lors que la preuve de l'habilitation de la personne qui a procédé à la consultation du traitement d'antécédents judiciaires (dit " TAJ ") n'est pas rapportée par le préfet ; il appartenait au tribunal de vérifier cette habilitation ;
- la décision contestée méconnaît les dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; il participe à l'entretien et à l'éducation de son fils ; l'attestation produite par la mère de l'enfant permet d'établir des faits antérieurs à la décision contestée ;
- la commission du titre de séjour aurait dû être saisie, compte tenu de son droit à un titre de séjour sur le fondement des dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision contestée méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision contestée méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant.
Par un mémoire enregistré le 11 juin 2020, le préfet du Doubs conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 14 mai 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à NewYork le 26 janvier 1990 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. B... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant sénégalais, né en 1983, est entré en France, selon ses déclarations, en 2010. Le 16 janvier 2018, il a présenté une demande de titre de séjour en se prévalant de sa qualité de père d'un enfant français. Par un arrêté du 2 août 2019, le préfet du Doubs a refusé de lui délivrer le titre de séjour sollicité, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit. Par un jugement du 28 janvier 2020, dont M. A... fait appel, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Aux termes du paragraphe 1er de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait (...) des tribunaux, des autorités administratives (...), l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant. Elles sont applicables non seulement aux décisions qui ont pour objet de régler la situation personnelle d'enfants mineurs mais aussi à celles qui ont pour effet d'affecter, de manière suffisamment directe et certaine, leur situation.
3. Il ressort des pièces du dossier que M. A..., qui a déclaré être hébergé tantôt dans le Doubs, tantôt à Marseille, a sollicité la délivrance d'un titre de séjour en se prévalant de sa qualité de parent de l'enfant, de nationalité française, Ibrahim, né le 30 septembre 2017, atteint d'un syndrome de Down qui nécessite un suivi médical et paramédical régulier, qu'il a eu avec une ressortissante française. S'il est exact que le requérant ne réside pas avec la mère de l'enfant, il établit contribuer, dans la mesure de ses moyens dès lors qu'il n'est pas autorisé à travailler, à l'entretien et à l'éducation de son fils. Les attestations de la mère de l'enfant et des professionnels de santé, notamment du directeur de l'ADAPEI du Doubs, établissent que M. A... participe à l'éducation de son fils, notamment en prenant une part active à son accompagnement en service d'éducation spéciale et de soins à domicile et, d'une manière plus générale, en étant présent lors des consultations médicales, y compris lorsqu'il réside à Marseille. Il ressort, par ailleurs, d'un certificat médical que, compte tenu de la pathologie de son fils, la présence de M. A... à ses côtés est indispensable pour assurer un soutien familial et une aide éducative. Si le requérant a été condamné en 2018, à la suite d'une médiation pénale, à une amende de 300 euros, qu'il justifie avoir réglée, pour des faits de détention frauduleuse de faux documents administratifs constituant un droit, une identité ou une qualité ou accordant une autorisation et qu'il avait déjà été interpellé pour des faits similaires en 2010, ces circonstances ne suffisent pas à faire regarder sa présence comme constituant une menace à l'ordre public. Dans ces conditions, en refusant de délivrer un titre de séjour à M. A... alors que cette décision a pour effet de priver l'enfant, âgé d'environ deux ans à la date de l'arrêté contesté, de la présence de son père, le préfet du Doubs a méconnu les stipulations précitées de l'article 31 de la convention internationale des droits de l'enfant.
4. Il s'ensuit, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. A... est fondé à demander, pour ce motif, l'annulation de la décision portant refus de titre de séjour, ainsi que, par voie de conséquence, celle des décisions portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination.
5. Il résulte de tout ce qui précède que A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
6. Le présent arrêt, qui annule l'arrêté du préfet du Doubs du 2 août 2019, implique nécessairement que le préfet délivre à M. A... une carte de séjour portant la mention " vie privée et familiale " et, dans cette attente, une autorisation provisoire de séjour, assortie d'une autorisation de travailler. Il y a lieu, à cet effet, d'impartir au préfet du Doubs des délais d'un mois et de huit jours à compter de la notification du présent arrêt pour délivrer respectivement la carte de séjour et l'autorisation provisoire de séjour.
Sur les frais de l'instance :
7. M. A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocate peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me C..., avocate de M. A..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me C... de la somme de 1 200 euros.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Besançon du 28 janvier 2020 est annulé.
Article 2 : L'arrêté du 2 août 2019 du préfet du Doubs est annulé.
Article 3 : Il est enjoint au préfet du Doubs de délivrer à M. A... une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour assortie d'une autorisation de travailler, dans un délai de huit jours suivant la notification du présent arrêt.
Article 4 : L'Etat versera à Me C... une somme de 1 200 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me C... renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A... est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée pour information au préfet du Doubs.
N° 20NC00916 2