I. Par une requête enregistrée le 8 septembre 2017 sous le n° 17NC02205 et un mémoire en réplique enregistré le 22 mars 2018, le préfet de la Moselle demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 10 août 2017 ;
2°) de rejeter la demande présentée par Mme C...devant les premiers juges.
Il soutient que :
- il n'a commis aucune erreur manifeste d'appréciation dès lors que l'état de santé de Mme C... nécessite des soins dont le défaut ne devrait pas entrainer des conséquences d'une exceptionnelle gravité, que l'intéressée n'a jamais sollicité de titre de séjour en qualité de parent d'un enfant français, qu'elle n'a pas fait état de la nationalité française de sa seconde fille avant l'intervention du refus de séjour et que la reconnaissance de paternité dont bénéficie l'enfant présente un caractère douteux ;
- la circonstance qu'il n'ait pas tenu compte de la présence en France de la fille de Mme C... est sans incidence sur la décision rejetant la demande de titre de séjour présentée sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il n'était pas tenu d'examiner d'office le droit au séjour de Mme C...sur le fondement du 6° de l'article L. 313-11 ;
- il a saisi le procureur de la République après avoir constaté que les empreintes de l'intéressée correspondent, dans le fichier Visabio, à une autre identité que celle figurant sur son passeport congolais ;
- cette circonstance fait obstacle à la délivrance d'un titre de séjour à Mme C...qui a, en contrepartie, été pourvue d'un récépissé valable du 25 avril au 24 octobre 2018.
Par un mémoire en défense enregistré le 13 mars 2018, Mme D...C..., représentée par MeB..., conclut au rejet de la requête, à ce qu'il soit enjoint au préfet de la Moselle, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour, et, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans un délai déterminé, le cas échéant sous astreinte, et à ce qu'une somme de 1 500 euros soit mise à la charge de l'Etat et versée à son conseil en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Elle soutient que :
- le préfet de la Moselle a entaché sa décision de refus de séjour d'une erreur de fait ;
- le préfet a méconnu le 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que sa fille est de nationalité française ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale en conséquence de l'illégalité dont le refus de séjour est entaché ;
- cette mesure d'éloignement est contraire au 6° de l'article L. 511-4 du code précité.
II. Par une requête enregistrée le 8 septembre 2017 sous le n° 17NC02206 et un mémoire en réplique enregistré le 5 avril 2018, le préfet de la Moselle demande à la cour d'ordonner le sursis à l'exécution du jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 10 août 2017.
Il soutient que les moyens invoqués dans la requête susvisée enregistrée sous le n° 17NC02205 sont sérieux et de nature à justifier, outre l'annulation du jugement attaqué, le rejet de la demande présentée par Mme C...devant le tribunal administratif.
Par un mémoire en défense enregistré le 16 mars 2018, Mme D...C..., représentée par MeB..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 1 500 euros soit mise à la charge de l'Etat et versée à son conseil en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Elle fait valoir que les moyens exposés par le préfet ne présentent pas de caractère sérieux et ne sont pas susceptibles d'entrainer l'annulation du jugement attaqué.
III. Par un mémoire enregistré le 29 décembre 2017 au greffe de la cour administrative d'appel de Nancy, Mme D...C..., représentée par MeB..., demande à la cour d'assurer l'exécution du jugement n° 1701821 du 10 août 2017 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a annulé l'arrêté du préfet de la Moselle du 13 février 2017 lui refusant un titre de séjour et a enjoint au préfet de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale. "
Par une ordonnance du 14 mai 2018, la présidente de la cour administrative d'appel de Nancy a ouvert, sous le n° 18NC01440, une procédure juridictionnelle en vue de statuer sur la demande de Mme C... tendant à l'exécution du jugement du tribunal administratif de Strasbourg n° 1701821 du 10 août 2017.
Par un mémoire enregistré le 24 mai 2018, Mme C...fait valoir que le récépissé qui lui a été délivré ne lui permet pas de travailler.
Par des mémoires enregistrés le 17 mai 2018 et le 22 août 2018, le préfet de la Moselle fait valoir que :
- il a saisi le procureur de la République après avoir constaté que les empreintes de Mme C... correspondent, dans le fichier Visabio, à une autre identité que celle figurant sur son passeport congolais ;
- cette circonstance fait obstacle à la délivrance d'un titre de séjour à Mme C...qui a en contrepartie été pourvue d'un récépissé valable du 25 avril au 24 octobre 2018.
Mme C...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par deux décisions du 20 février 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Guérin-Lebacq,
- et les observations de MeA..., pour MmeC....
Considérant ce qui suit :
1. MmeC..., ressortissante de la République démocratique du Congo née le 20 juin 1990, déclare être entrée irrégulièrement en France le 28 février 2014 pour solliciter la reconnaissance du statut de réfugié. Sa demande d'asile a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) du 28 janvier 2015, confirmée par une décision de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) du 19 octobre 2015. Par un courrier du 14 décembre 2015, Mme C...a sollicité la délivrance d'un titre de séjour en faisant état, à titre principal, des soins rendus nécessaires par son état de santé et, à titre subsidiaire, des considérations humanitaires tenant à sa situation personnelle. Par un arrêté du 13 février 2017, le préfet de la Moselle a refusé de lui délivrer le titre de séjour sollicité, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourrait être renvoyée. Par un jugement du 10 août 2017, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé cet arrêté et enjoint au préfet de la Moselle de délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " à MmeC.... Par trois requêtes qu'il y a lieu de joindre pour statuer par un seul arrêt, le préfet relève appel de ce jugement et demande à la cour d'en ordonner le sursis à l'exécution dans l'attente qu'elle se prononce sur cet appel, tandis que Mme C...demande l'exécution du jugement attaqué.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne l'annulation de la décision de refus de séjour :
2. Aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2 (...) ".
3. Dans son courrier du 14 décembre 2015 adressé au préfet de la Moselle, Mme C...a demandé un titre de séjour sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile tout en sollicitant, dans l'hypothèse où ce titre de séjour ne pourrait lui être accordé, son admission au séjour en raison des considérations humanitaires tenant à sa situation personnelle. L'intéressée devait donc être regardée comme ayant demandé à titre subsidiaire un titre de séjour sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. A cet égard, le préfet a été informé, par deux courriers des 1er et 11 juillet 2016, que Mme C... réside en France en compagnie de ses deux filles mineures, dont l'une dispose de la nationalité française. Or, il ne ressort pas des pièces des dossiers, notamment des termes de la décision de refus de séjour intervenue le 13 février 2017, que le préfet de la Moselle aurait procédé à un examen de la situation de Mme C...au regard des dispositions de l'article L. 313-14 en tenant compte de la présence en France de ses deux enfants. L'absence d'un tel examen entache d'illégalité la décision de refus de séjour, ainsi que le soutenait Mme C... devant les premiers juges. Le préfet ne saurait dès lors utilement se prévaloir en appel de ce qu'un défaut de soins ne devrait pas entrainer des conséquences d'une exceptionnelle gravité pour MmeC..., de ce que celle-ci n'a jamais présenté de demande de titre de séjour en qualité de parent d'enfant français ou encore de ce que la nationalité française de la fille de l'intéressée résulte d'une reconnaissance de paternité frauduleuse. Il s'ensuit que le préfet de la Moselle n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé son arrêté du 13 février 2017.
En ce qui concerne l'injonction faite au préfet de délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " :
4. En application du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit " à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à la condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. ". Relevant que Mme C...est parent d'un enfant français, le tribunal administratif de Strasbourg a enjoint au préfet de la Moselle de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ".
5. Toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier, ainsi que le préfet de la Moselle le soutient en appel, que Mme C... aurait présenté une demande de titre de séjour sur le fondement du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. La décision du 13 février 2017 rejetant la demande de l'intéressée ne saurait donc avoir pour objet ou pour effet de lui refuser un titre de séjour sur ce fondement. Par conséquent, l'annulation de cette même décision n'implique pas nécessairement, pour son exécution, qu'un titre de séjour soit délivré à Mme C... sur le fondement du 6° de l'article L. 313-11. Il s'ensuit que le préfet de la Moselle est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif lui a enjoint de délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " à MmeC....
6. Mme C...a demandé devant le tribunal administratif, à titre subsidiaire, qu'il soit enjoint à l'administration de réexaminer sa situation dans un délai déterminé, au besoin sous astreinte. Eu égard à l'irrégularité dont l'arrêté contesté est entaché, tiré d'un défaut d'examen de la situation de MmeC..., il y a lieu d'enjoindre au préfet de la Moselle de procéder à cet examen dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt. Il n'y a pas lieu d'assortir cette mesure d'une astreinte.
Sur les conclusions à fin de sursis :
7. Le présent arrêt statue sur les conclusions aux fins d'annulation du jugement attaqué. Il n'y a donc pas lieu de statuer sur les conclusions à fin de sursis à exécution présentées par le préfet de la Moselle.
Sur la demande d'exécution présentée par MmeC... :
8. Il résulte de ce qui a été dit aux points 4 à 6 que la demande présentée par Mme C... tendant à obtenir l'exécution du jugement attaqué ne peut qu'être rejetée.
Sur les conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
9. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme dont Mme C...demande le versement sur le fondement des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
D E C I D E :
Article 1er : L'article 2 du jugement du tribunal administratif de Strasbourg n° 1701821 du 10 août 2017 est annulé.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Moselle de procéder à un nouvel examen de la situation de Mme C...dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : Le surplus de la requête n° 17NC02205 du préfet de la Moselle est rejeté.
Article 4 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 17NC02206 du préfet de la Moselle.
Article 5 : Les conclusions de Mme C...enregistrées sous le n° 18NC01440 tendant à obtenir l'exécution du jugement du tribunal administratif de Strasbourg n° 1701821 du 10 août 2017, ainsi que ses conclusions présentées sur le fondement des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sont rejetées.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à Mme D...C....
Copie en sera adressée au préfet de la Moselle.
6
N° 17NC02205, 17NC02206, 18NC01440