Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 15 janvier 2018, M.B..., représenté par Me Abdelli, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Besançon du 21 septembre 2017 ;
2°) d'annuler cette décision du préfet du Jura du 9 février 2017 ;
3°) d'enjoindre au préfet du Jura de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de cinquante euros par jour de retard, ou, à défaut, de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de cinquante euros par jour de retard et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour durant ce réexamen ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros au titre de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative, à verser à Me Abdelli en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Il soutient que :
- le préfet a méconnu les dispositions de l'article L 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le préfet a entaché sa décision d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation familiale et personnelle.
Par un mémoire en défense, enregistré le 29 juin 2018, le préfet du Jura conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par le requérant n'est fondé.
M. B...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 28 novembre 2017.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme Haudier a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M.B..., ressortissant de la République démocratique du Congo né le 10 janvier 1997, est entré irrégulièrement en France au cours du mois de juin 2013, alors qu'il était mineur, accompagné de son frère cadet né le 25 novembre 1998. Il a été pris en charge par les services de l'aide sociale à l'enfance. A sa majorité, il s'est vu délivrer un titre de séjour portant la mention " étudiant " valable jusqu'au 16 août 2016. Il relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 9 février 2017 par laquelle le préfet du Jura a refusé de renouveler ce titre de jour.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Lorsqu'il est saisi d'une demande de délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'une des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il est loisible au préfet d'examiner d'office si l'intéressé peut prétendre à une autorisation sur le fondement d'une autre disposition de ce code. Il peut, en outre, exercer le pouvoir discrétionnaire qui lui appartient, dès lors qu'aucune disposition expresse ne le lui interdit, de régulariser la situation d'un étranger en lui délivrant le titre qu'il demande ou un autre titre, compte tenu de l'ensemble des éléments de sa situation personnelle, dont il justifierait.
3. Il ressort des pièces du dossier et notamment des écritures du préfet du Jura en première instance que si M. B...a sollicité le renouvellement de son titre de séjour et a, le 8 août 2016, déposé personnellement aux services de la préfecture plusieurs pièces telles qu'une copie de son passeport, un justificatif de domicile, un relevé de note, un certificat de travail et des justificatifs de salaires, une attestation de stage ainsi que les pièces justifiant le renouvellement de son contrat jeune majeur, l'intéressé n'a pas expressément sollicité la délivrance d'une carte de séjour portant la mention " travailleur temporaire ". Le préfet ne conteste, par ailleurs, pas avoir été destinataire du courrier daté du 25 juillet 2016 dans lequel un éducateur spécialisé du conseil départemental du Jura a sollicité expressément le renouvellement du titre de séjour de M. B...sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Dans ces conditions, le préfet ne saurait sérieusement soutenir que la demande de titre de séjour de l'intéressé ne pouvait être regardée que comme étant exclusivement fondée sur les disposions du 2° de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Enfin, ainsi qu'il a été dit au point 2, il appartient au préfet, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire dont il dispose sur ce point, d'apprécier, compte tenu de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation.
4. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que M. B...est entré en France en 2013 avec son frère qui était alors âgé de 14 ans, que les deux enfants ont été pris en charge par les services de l'aide sociale à l'enfance du département du Jura et que le frère de M.B..., devenu majeur, était en situation régulière à la date de la décision attaquée. Il ressort, en outre, des termes du courrier du 25 juillet 2016 établi par un éducateur du conseil départemental du Jura que M. B...n'a plus aucun contact avec les membres de sa famille résidant en RDC et que l'intéressé est bien inséré au sein de la société française. De plus, si M. B...n'a pas obtenu son CAP de serrurier métallier, il ressort des termes d'un certificat médical établi au mois d'avril 2017 que l'intéressé est porteur du virus de l'hépatite B et qu'il a dû cesser sa formation professionnelle en métallerie du fait de son état de santé. M. B...produit, par ailleurs, des bulletins de salaire établissant qu'il a effectué de nombreuses missions d'intérim pendant la période de validité de son premier titre de séjour. Enfin, le 25 août 2016, M. B...a signé avec le département du Jura un contrat " jeune majeur " pour la période du 1er octobre 2016 au 30 septembre 2017, qui était ainsi toujours en cours à la date de la décision attaquée. Par suite, dans les circonstances particulières de l'espèce, le préfet a entaché la décision litigieuse d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle et familiale de M.B....
5. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen de la requête, que M. B...est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
6. Le présent arrêt implique nécessairement, sous réserve d'un changement dans la situation de droit ou de fait de M.B..., que le préfet du Jura délivre à ce dernier une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ", dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les conclusions présentées au titre des article L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
7. M. B...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Son avocat peut, par suite, se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Abdelli, avocat de M.B..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Abdelli de la somme de 1 200 euros.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Besançon n° 1700664 du 21 septembre 2017, ainsi que la décision du 9 février 2017 par laquelle le préfet du Jura a refusé de délivrer un titre de séjour à M. B...sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet du Jura de délivrer à M. B...une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à Me Abdelli une somme de 1 200 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Abdelli renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...B...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée pour information au préfet du Jura.
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N° 18NC00120