I. Par une requête enregistrée le 20 février 2018 sous le n° 18NC00410, le préfet du Bas-Rhin demande à la cour d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 6 février 2018 et de rejeter la demande présentée par M. A...E....
Il soutient que :
- c'est à tort que les premiers juges ont annulé son arrêté au motif qu'il aurait commis une erreur manifeste d'appréciation ;
- les autres moyens soulevés par M. E...en première instance ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense enregistré le 9 avril 2018, M. A... E..., représenté par Me C..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 1 200 euros soit mise à la charge de l'Etat et versée à son conseil sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- la durée et les conditions de son séjour en France justifient qu'il obtienne un titre de séjour ;
- il appartenait au préfet de le mettre en mesure de présenter ses observations dans l'hypothèse où un refus serait opposé à sa demande de renouvellement du titre de séjour délivré pour raison de santé.
II. Par une requête enregistrée le 20 février 2018 sous le n° 18NC00411, le préfet du Bas-Rhin demande à la cour d'ordonner le sursis à l'exécution du jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 6 février 2018.
Il soutient que les moyens invoqués dans la requête susvisée enregistrée sous le n° 18NC00410 sont sérieux et de nature à justifier, outre l'annulation du jugement attaqué, le rejet de la demande présentée par M. E...devant le tribunal administratif.
Par deux mémoires en défense enregistré les 9 et 17 avril 2018, M. A... E..., représenté par Me C..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 1 200 euros soit mise à la charge de l'Etat et versée à son conseil sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il fait valoir que les moyens de la requête ne présentent pas de caractère sérieux et ne sont pas de nature à justifier l'annulation du jugement attaqué.
M. E...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par deux décisions du 17 avril 2018.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Guérin-Lebacq a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M.E..., ressortissant bangladais né le 14 avril 1987, déclare être entré irrégulièrement en France le 4 mai 2010 pour demander la reconnaissance du statut de réfugié. Sa demande d'asile a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) du 18 février 2011, confirmée par une décision de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) du 3 avril 2012. L'intéressé, admis au séjour en raison de son état de santé du 7 septembre 2012 au 6 septembre 2014 puis du 24 mars 2016 au 23 mars 2017, a saisi le préfet du Bas-Rhin, le 8 mars 2017, d'une demande tendant au renouvellement de son titre de séjour. Le préfet a rejeté sa demande par un arrêté du 2 novembre 2017 en l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours à destination de son pays d'origine. Par deux requêtes qu'il y a lieu de joindre pour statuer par un seul arrêt, le préfet du Bas-Rhin relève appel du jugement du 6 février 2018 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a annulé cet arrêté et demande qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement dans l'attente que la cour statue sur la requête d'appel.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. M. E...soutenait devant le tribunal administratif être entré sur le territoire français le 4 mai 2010, plus de sept ans avant l'arrêté contesté, et avoir résidé en France sous couvert de titres de séjour tout en exerçant une activité professionnelle. Si l'intéressé justifie avoir bénéficié de titres de séjour en qualité d'étranger malade pendant une période de trois ans et avoir travaillé depuis 2014 en qualité d'agent de service, d'aide cuisinier ou d'agent polyvalent, il n'allègue pas être dépourvu d'attache dans son pays d'origine où il a vécu jusqu'à l'âge de 23 ans et où résident sa mère, son frère et sa soeur. M.E..., célibataire et sans enfant, ne fait état à l'instance d'aucun élément, autre que professionnel, se rapportant à sa vie privée en France et à son degré d'insertion dans la société française. Le collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, consulté sur la situation médicale de l'intéressé, a estimé qu'un défaut de soins ne devrait pas entrainer de conséquences d'une exceptionnelle gravité. Dans ces conditions, alors qu'il est constant que la demande de titre de séjour a été présentée sur le seul fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet du Bas-Rhin est fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont estimé qu'il avait commis une erreur manifeste d'appréciation en refusant un titre de séjour à M.E....
3. Il appartient toutefois à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. E...devant le tribunal administratif de Strasbourg.
Sur les moyens soulevés par M. E...devant le tribunal administratif :
En ce qui concerne le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'arrêté contesté :
4. L'arrêté contesté a été signé par Mme D...B..., sous-préfète, secrétaire générale adjointe de la préfecture du Bas-Rhin. Par un arrêté du 18 octobre 2017 régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture du 20 octobre 2017, le préfet du Bas-Rhin lui a donné délégation pour signer, en cas d'absence ou d'empêchement du secrétaire général, tous arrêtés et décisions à l'exclusion de certains actes au nombre desquels ne figurent pas les décisions prises en matière de droit des étrangers. Il n'est ni établi ni même allégué que le secrétaire général de la préfecture n'aurait pas été empêché ou absent le jour où l'arrêté contesté a été signé. Le moyen tiré de l'incompétence du signataire de cet arrêté ne peut donc qu'être écarté.
En ce qui concerne les autres moyens soulevés à l'encontre de la décision de refus de séjour :
5. En premier lieu, il ne ressort d'aucune disposition du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que le préfet, saisi d'une demande de titre de séjour présentée pour raison de santé qu'il envisage de rejeter, doive mettre l'étranger en mesure de présenter ses observations avant de statuer sur sa situation. M. E...n'est donc pas fondé à soutenir que le préfet du Bas-Rhin aurait manqué à ses obligations sur ce point.
6. En deuxième lieu, le 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit que la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit à l'étranger résidant habituellement en France, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, lorsque son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration.
7. Le collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a estimé, dans son avis rendu le 24 août 2017, que M. E...nécessite une prise en charge médicale dont le défaut ne devrait pas entraîner de conséquences d'une exceptionnelle gravité et que son état de santé lui permet de voyager sans risque vers son pays d'origine. M. E...ne produit à l'instance aucun élément médical de nature à contredire cet avis sur lequel le préfet du Bas-Rhin s'est notamment fondé pour rejeter sa demande de titre de séjour. Dans ces conditions, il n'établit pas que le préfet aurait méconnu les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ou aurait entaché sa décision d'une erreur manifeste au regard de ces dispositions.
8. En dernier lieu, M. E...soutient qu'il réside en France depuis plus de sept ans, qu'il a bénéficié de titres de séjour pour raison de santé et qu'il exerce une activité professionnelle depuis 2014 au moins. Il ressort toutefois des pièces du dossier que l'intéressé est célibataire et sans enfant et qu'il n'est pas dépourvu d'attache dans son pays d'origine où il a vécu jusqu'à l'âge de 23 ans et où réside plusieurs membres de sa famille. Il ne fait état à l'instance d'aucun élément, autre que professionnel, se rapportant à son degré d'intégration dans la société française. Dans ces conditions, ses moyens tirés d'une méconnaissance des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peuvent qu'être écartés.
En ce qui concerne les autres moyens soulevés à l'encontre des décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination :
9. M. E...ne démontre pas que la décision lui refusant un titre de séjour serait entachée d'illégalité. Il n'est pas fondé, dans ces conditions, à soutenir que la mesure décidant son éloignement serait elle-même illégale, par voie d'exception, à raison de l'illégalité du refus de séjour. Il n'est pas plus fondé, en l'absence d'illégalité entachant ce refus de séjour et la décision l'obligeant à quitter le territoire français, à soutenir que la décision fixant le pays de renvoi serait illégale par voie d'exception.
10. Il ne ressort pas des pièces du dossier, eu égard notamment à ce qui a été dit aux points 2 et 8, que le préfet du Bas-Rhin aurait entaché son appréciation d'une erreur manifeste en obligeant M. E... à quitter le territoire français.
11. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet du Bas-Rhin est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé son arrêté du 2 novembre 2017 refusant de délivrer un titre de séjour à M. E...et l'obligeant à quitter le territoire français à destination de son pays d'origine.
Sur les conclusions à fin de sursis :
12. Le présent arrêt statue sur les conclusions aux fins d'annulation du jugement attaqué. Il n'y a donc pas lieu de statuer sur les conclusions à fin de sursis à exécution présentées par le préfet du Bas-Rhin.
Sur les conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme dont M. E...demande le versement au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Strasbourg n° 1706123 du 6 février 2018 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. E...devant le tribunal administratif de Strasbourg, ainsi que ses conclusions présentées en appel sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sont rejetées.
Article 3 : Il n'y a plus lieu de statuer sur la requête du préfet du Bas-Rhin n° 18NC00411.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M.A... E... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Bas-Rhin.
2
N° 18NC00410, 18NC00411