Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 10 octobre 2018, M. C...B..., représenté par Me D..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Nancy du 17 avril 2018 ;
2°) d'annuler les arrêtés du préfet de Meurthe-et-Moselle du 10 avril 2018 ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'autoriser à déposer sa demande d'asile en France ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 800 euros, à verser à son conseil, sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- l'arrêté n'est pas suffisamment motivé ;
- le préfet a méconnu les dispositions de l'article 3-2 du règlement UE n° 604/2013 du Parlement et du Conseil du 26 juin 2013 dès lors que les demandes d'asile instruites par l'Italie ne sont pas traitées dans des conditions conformes à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile ;
- le préfet a méconnu les dispositions de l'article 17 du règlement UE n° 604/2013 du Parlement et du Conseil du 26 juin 2013 et commis une erreur manifeste d'appréciation en ne faisant pas usage de la clause de souveraineté prévue par le dernier alinéa de l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le préfet a méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le préfet a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de ce que qu'il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions dirigées contre la décision de transfert compte tenu de l'expiration du délai de 6 mois courant à compter de l'acceptation du transfert par l'Etat requis, interrompu jusqu'à la date à laquelle le tribunal administratif a statué au principal, rendant la France responsable de la demande de protection internationale de M. B...(A..., 24 septembre 2018, n° 420708).
M. C...B..., représenté par Me D..., a présenté ses observations sur ce moyen soulevé d'office par un mémoire enregistré le 7 décembre 2018.
Il soutient qu'il a été déclaré comme étant en fuite.
Par un mémoire, enregistré le 1er février 2019, le préfet de Meurthe-et-Moselle conclut au rejet de la requête.
Il se réfère à ses écritures de première instance et soutient qu'il n'y a pas lieu de prononcer un non-lieu à statuer sur les conclusions de M. B...dirigées contre la décision portant remise aux autorités italiennes dès lors que l'intéressé a été déclaré en fuite.
M. C...B...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 11 septembre 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 2004-374 du 29 avril 2004 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme Haudier a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M.B..., ressortissant de Sierra-Léone né en 1992, déclare être entré irrégulièrement en France au mois d'août 2017. Il a présenté une demande d'admission au séjour au titre de l'asile le 30 octobre 2017. Après avoir notamment constaté que les empreintes de l'intéressé avaient été relevées en Italie, le préfet de Meurthe-et-Moselle a considéré que cet Etat était responsable de l'examen de la demande d'asile de M.B.... Par deux arrêtés du 10 avril 2018, le préfet de Meurthe-et-Moselle a décidé la remise de ce dernier aux autorités italiennes en vue de l'examen de sa demande d'asile et l'a assigné à résidence pour une durée de vingt-et-un jours. M. B... relève appel du jugement du 17 avril 2018, par lequel le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces arrêtés.
2. En premier lieu, l'arrêté par lequel le préfet a décidé la remise de M. B...aux autorités italiennes, dont la motivation n'est pas stéréotypée, comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Il est, par suite, suffisamment motivé, alors même qu'il ne précise pas les motifs pour lesquels la demande d'asile de M. B...relèverait de la compétence de l'Italie. Au demeurant, il ressort des pièces du dossier que, lors du dépôt de sa demande d'asile, l'intéressé a indiqué avoir déposé une demande d'asile en Italie.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 2. (...) / Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'État membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'État membre procédant à la détermination de l'État membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre État membre peut être désigné comme responsable. / Lorsqu'il est impossible de transférer le demandeur en vertu du présent paragraphe vers un État membre désigné sur la base des critères énoncés au chapitre III ou vers le premier État membre auprès duquel la demande a été introduite, l'État membre procédant à la détermination de l'État membre responsable devient l'État membre responsable ". Aux termes des dispositions de l'article 3 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".
4. L'Italie étant membre de l'Union Européenne et partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New-York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, il doit être présumé que le traitement réservé aux demandeurs d'asile dans cet Etat membre est conforme aux exigences de la convention de Genève ainsi qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Cette présomption est toutefois réfragable lorsqu'il y a lieu de craindre qu'il existe des défaillances systémiques de la procédure d'asile et des conditions d'accueil des demandeurs d'asile dans l'Etat membre responsable, impliquant un traitement inhumain ou dégradant. Dans cette hypothèse, il appartient à l'administration d'apprécier dans chaque cas, au vu des pièces qui lui sont soumises et sous le contrôle du juge, si les conditions dans lesquelles un dossier particulier est traité par les autorités italiennes répondent à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile.
5. En l'espèce, il ne ressort pas des pièces produites par le requérant que la situation générale en Italie ne permettait pas d'assurer, à la date à laquelle la décision du 10 avril 2018 en litige a été prise, un niveau de protection suffisant aux demandeurs d'asile ni que ce pays aurait exposé l'intéressé à un risque personnel de traitement inhumain ou dégradant. M. B...soutient que les autorités italiennes, confrontées à un afflux de migrants, ne sont pas en mesure d'accorder aux demandeurs d'asile des conditions d'accueil satisfaisantes et n'enregistrent plus les demandes d'asile. Toutefois, s'ils attestent de la dégradation des conditions de prise en charge des demandeurs d'asile en Italie, les éléments produits par M. B...ne permettent pas de considérer comme établi qu'il existait, à la date de la décision litigieuse, des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs d'asile dans ce pays. Par suite, le moyen tiré de ce que l'arrêté par lequel le préfet a décidé la remise de M. B...aux autorités italiennes aurait été pris en méconnaissance des dispositions du 2 de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 doit être écarté.
6. En troisième lieu, aux termes de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement (...) / 2. L'État membre dans lequel une demande de protection internationale est présentée et qui procède à la détermination de l'État membre responsable, ou l'État membre responsable, peut à tout moment, avant qu'une première décision soit prise sur le fond, demander à un autre État membre de prendre un demandeur en charge pour rapprocher tout parent pour des raisons humanitaires fondées, notamment, sur des motifs familiaux ou culturels, même si cet autre État membre n'est pas responsable au titre des critères définis aux articles 8 à 11 et 16. Les personnes concernées doivent exprimer leur consentement par écrit (...) ".
7. D'une part, il ressort des termes mêmes de la décision portant transfert vers l'Italie que le préfet a examiné s'il y avait lieu de faire application des dispositions de l'article 17 du règlement du 26 juin 2013 pour retenir la France comme Etat responsable de la demande d'asile présentée par l'intéressé.
8. D'autre part, il ne ressort des pièces du dossier ni que la demande d'asile de M. B... ne serait pas traitée par les autorités italiennes dans des conditions conformes à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile, ni qu'il ne pourrait pas bénéficier de conditions d'accueil satisfaisantes. Par suite, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet aurait méconnu les dispositions précitées de l'article 17 du règlement du 26 juin 2013.
9. En quatrième lieu et compte-tenu notamment de ce qui a été dit aux points précédents, il ne ressort pas des pièces du dossier que les dispositions de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales auraient été méconnues.
10. En cinquième lieu, M. B...fait valoir que sa compagne, de nationalité française, est enceinte. Toutefois, il n'a produit en première instance qu'une attestation de sa compagne indiquant qu'ils se sont rencontrés au mois de décembre 2017, qu'ils ne vivent pas ensemble et qu'elle vient d'apprendre qu'elle est enceinte, ainsi que des résultats d'examens médicaux du 13 mars 2018 qui semblent faire état d'une grossesse très récente. M. B...n'apporte par ailleurs aucun élément sur ce point en appel. Ainsi, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'arrêté litigieux aurait porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris. Le préfet n'a par suite pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
11. Il résulte de tout ce qui précède, que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande. Ses conclusions à fin d'injonction et ses conclusions présentées sur le fondement des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent, par voie de conséquence, être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. B...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...B...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de Meurthe-et-Moselle.
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N° 18NC02733