Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés le 1er juin 2017, le 16 août 2017, 15 mai 2018 et le 16 mai 2018, M. C...D..., représenté par MeA..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nancy du 4 avril 2017 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 13 mai 2019 par lequel la directrice générale du centre national de gestion des praticiens hospitaliers et des personnels de direction de la fonction publique hospitalière lui a infligé un blâme ;
3°) de condamner le centre national de gestion des praticiens hospitaliers et des personnels de direction de la fonction publique hospitalière à lui verser une indemnité de 10 000 euros en réparation de son préjudice moral ;
4°) de mettre à la charge du centre national de gestion des praticiens hospitaliers et des personnels de direction de la fonction publique hospitalière la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- les droits de la défense ont été méconnus ; en outre, l'impartialité et l'objectivité du rapport d'inspection sur sa manière de servir font défaut si bien que ce rapport ne peut justifier la sanction ;
- la réalité et la matérialité des griefs qui lui sont reprochés ne sont pas établis ; ils relèvent, à les supposer établis, de l'insuffisance professionnelle ;
- l'illégalité de la décision contestée constitue une faute de nature à engager la responsabilité du centre national de gestion des praticiens hospitaliers ;
- la sanction prononcée à son encontre est infamante et vexatoire ; elle lui a causé un préjudice moral évalué à 10 000 euros.
Par un mémoire en défense, enregistré le 24 avril 2018, le centre national de gestion des praticiens hospitaliers et des personnels de direction de la fonction publique hospitalière conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- le moyen tiré du non respect des droits de la défense constitue un moyen nouveau relevant d'une cause juridique qui n'avait pas été soulevée en première instance ;
- aucune erreur de fait ni d'appréciation n'a été commise concernant les griefs reprochés à M.D... ;
- en l'absence d'illégalité, aucune faute ne peut lui être reprochée ; en tout état de cause la réalité du préjudice n'est pas établie ; en outre, en admettant qu'une publicité ait été donnée à la sanction, elle ne lui est pas imputable.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;
- le code de la santé publique ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Barteaux,
- les conclusions de M. Louis, rapporteur public,
- et les observations de Me A...pour M. D...et de Me B...pour le centre hospitalier régional universitaire de Nancy.
Considérant ce qui suit :
1. M.D..., gynécologue-obstétricien, a été nommé, par un arrêté du 1er juin 1992, en qualité de praticien hospitalier à la maternité régionale universitaire de Nancy, qui a fusionné, le 1er janvier 2014, avec le centre hospitalier régional universitaire de Nancy (CHRU). La pratique professionnelle de l'intéressé ayant été mise en cause par ses collègues, le directeur de l'établissement hospitalier l'a suspendu de ses fonctions, par une décision du 18 avril 2013, dans l'attente d'une décision du centre national de gestion des praticiens hospitaliers et des personnels de direction de la fonction publique hospitalière. Par un arrêté du 13 mai 2015, la directrice générale du centre national de gestion lui a infligé un blâme. Par un jugement du 4 avril 2017, dont M. D... fait appel, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette sanction.
Sur le bien-fondé du jugement :
2. Devant le tribunal administratif, M. D...n'avait présenté que des moyens de légalité interne contre la sanction contestée. Ainsi, il n'est pas recevable, en appel, à soutenir que cette sanction serait entachée d'un vice de procédure tiré de la méconnaissance des droits de la défense, un tel moyen reposant sur une cause juridique différente de celle qui fondait ses moyens de première instance.
3. Aux termes de l'article R. 6152-74 du code de la santé publique : " Les sanctions disciplinaires applicables aux praticiens relevant de la présente section sont :/ 1° L'avertissement ;/ 2° Le blâme ;/ (...)/ L'avertissement et le blâme sont prononcés par le directeur général du Centre national de gestion, après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, du directeur de l'établissement, de la commission médicale d'établissement siégeant en formation restreinte aux praticiens titulaires, et après communication de son dossier à l'intéressé. Ces décisions sont motivées. (...) ". Aux termes de l'article R. 6152-79 du même code : " L'insuffisance professionnelle consiste en une incapacité dûment constatée à accomplir les travaux ou à assumer les responsabilités relevant normalement des fonctions de praticien hospitalier. Elle résulte de l'inaptitude à l'exercice des fonctions du fait de l'état physique, psychique ou des capacités intellectuelles du praticien. /L'insuffisance professionnelle ne peut être retenue dans les cas mentionnés aux articles R. 6152-37 à R. 6152-41. Elle est distincte des fautes à caractère disciplinaire. /Le praticien hospitalier qui fait preuve d'insuffisance professionnelle fait l'objet soit d'une mesure de reconversion professionnelle, soit d'une mesure de licenciement avec indemnité. (...)".
4. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir de rechercher si les faits reprochés à un agent public constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.
5. Il ressort des pièces du dossier, notamment du rapport de deux médecins inspecteurs de l'agence régionale de santé assistés de deux gynécologues obstétriciens et des différents courriers établis par des personnels du pôle de la femme, que M. D...a un comportement individualiste, qui s'est sensiblement aggravé au début de l'année 2013, se manifestant notamment par l'absence de concertation avec ses collègues et de prise en compte des contraintes de service, qui est difficilement compatible avec le fonctionnement normal d'un service universitaire. Ces constatations de la mission d'inspection corroborent notamment les courriers que le président de la commission médicale d'établissement, le chef du service de gynécologie de la maternité et le chef du pôle de la femme ont adressés au directeur de la maternité pour l'alerter du comportement de M.D.... De même, si l'intéressé conteste l'incident du 1er mars 2013 concernant un désaccord avec l'une de ses collègues sur la conduite à suivre pour la prise en charge urgente et délicate d'une patiente, son comportement inadapté est établi par les témoignages concordants d'un praticien et d'une sage-femme. Par ailleurs, M. D... a reconnu, lors de son audition par les membres de la mission d'inspection, ne pas assister aux " staffs d'obstétriques " en justifiant son absence par sa bonne connaissance de l'endométriose. La preuve de ce fait est également rapportée par plusieurs témoignages de ses collègues. Si l'intéressé fait valoir qu'il n'est pas opposé à y participer mais que les jours où se déroulent les " staffs d'obstétrique ", il procède à des opérations, il n'établit pas l'impossibilité systématique de participer à ces réunions en se bornant à produire son agenda pour deux mois seulement.
6. Le rapport d'inspection a également relevé des manquements de l'intéressé aux bonnes pratiques et une attitude parfois discutable dans sept des dossiers que les deux gynécologues obstétriciens missionnés par l'agence régionale de santé ont examinés à titre d'échantillon représentatif de l'activité de l'intéressé. A cet égard, plusieurs témoignages concordants d'internes ayant assisté M. D...lors de gardes ou d'interventions chirurgicales confirment sa propension à s'écarter des recommandations et bonnes pratiques qui leur sont enseignées et son refus de leur confier l'accomplissement d'actes chirurgicaux.
7. Cette manière de servir, selon la mission d'expertise, perturbe le bon fonctionnement du service, mettant parfois en difficulté le personnel en salle de naissance, et est susceptible de préjudicier à la santé et à la sécurité des patientes. Elle est également incompatible avec la vocation universitaire du centre hospitalier. Les éléments produits par le requérant, qui soulignent ses compétences techniques, sa courtoisie et sa disponibilité, que l'enquête n'a, au demeurant, pas manqué de souligner, ne sont pas de nature à remettre en cause l'exactitude matérielle de ces deux griefs tirés de son comportement individualiste et du non-respect des recommandations.
8. Si le centre national de gestion reproche également à M. D...de ne pas avoir suivi de formation en obstétrique, il ressort des pièces du dossier que l'intéressé a participé aux rencontres nancéiennes de gynécologie obstétrique et aux ateliers d'experts franciliens de chirurgie et d'obstétrique au cours des années 2009 et 2010. Il justifie aussi être abonné à la revue " gynécologie, obstétrique et fertilité ". Enfin, le conseil départemental de l'ordre des médecins de Meurthe-et-Moselle, dans sa décision du 15 septembre 2015, a relevé l'absence d'éléments permettant d'entreprendre une action disciplinaire à son encontre au motif d'un défaut de formation professionnelle. Ainsi, la matérialité de ce grief n'est pas suffisamment établie. Par ailleurs, les parties ne contestent pas sérieusement qu'en raison du retrait de la décision du 1er octobre 2014 ordonnant à M. D... de suivre un stage pratique au CHRU de Reims, au demeurant suspendue par une ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 21 janvier 2015, le grief tiré du refus de suivre ce stage ne peut être regardé comme établi.
9. Il résulte de ce qui précède que les faits établis et reprochés à M. D...ne révèlent pas une incapacité de l'intéressé à assumer ses fonctions mais constituent un comportement fautif justifiant une sanction en application des dispositions de l'article R. 6152-74 du code de la santé publique, nonobstant la circonstance que le centre national de gestion a initialement engagé à son encontre une procédure pour insuffisance professionnelle.
10. Il résulte de l'instruction que le centre national de gestion aurait pris la même décision s'il ne s'était fondé que sur les deux griefs établis.
11. Le comportement de M. D...est de nature à compromettre le bon fonctionnement du service et susceptible de créer des risques pour les patients. Par suite, l'intéressé n'est pas fondé à soutenir qu'en prononçant à son encontre un blâme, la directrice du centre national de gestion aurait pris une sanction disproportionnée au regard de la gravité des faits qui lui sont reprochés.
12. Il résulte de tout ce qui précède que M. D...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la sanction ainsi que, par voie de conséquence, sa demande indemnitaire.
Sur les frais liés à l'instance :
13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du CHRU de Nancy, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. D...demande au titre des frais liés au litige.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. D...est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par M. D...sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...D...et au centre national de gestion des praticiens hospitaliers.
N° 17NC01310 2