Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 16 juin 2017, M. C... E..., représenté par Me G..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 19 avril 2017 ;
2°) d'annuler la décision du ministre du travail, de l'emploi et du dialogue social du 24 juin 2014 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la décision contestée a été prise par une autorité incompétente ;
- la demande d'autorisation de licenciement a été présentée avant l'avis du comité d'entreprise ;
- la société n'a pas procédé à une recherche de reclassement loyale et sérieuse ; la société n'a pas poursuivi ses recherches jusqu'à la date du licenciement et n'a pas consulté le médecin du travail ;
- son licenciement présente un lien avec son mandat, dès lors que son inaptitude physique résulte du harcèlement moral dont il a fait l'objet.
Par un mémoire en défense, enregistré le 8 septembre 2017, la société Timken, représentée par MeF..., conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de M. E... une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code du travail ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Haudier,
- et les conclusions de Mme Kohler, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M.E..., qui exerce les fonctions d'expéditeur-cariste au sein de la société Timken depuis le 2 avril 2001, a été élu au mois de mai 2010 en qualité de délégué du personnel et membre suppléant du comité d'entreprise. En congé de maladie depuis le 19 avril 2012, il a été déclaré définitivement inapte à son poste de travail à l'issue d'une seule visite médicale, par un avis du médecin du travail du 1er juillet 2013. La société Timken a saisi l'inspecteur du travail, en vue d'obtenir l'autorisation de le licencier pour inaptitude physique. Par une décision du 6 décembre 2013, l'inspecteur du travail de la 7ème section de l'unité territoriale du Bas-Rhin a accordé cette autorisation de licenciement. Cette décision a été confirmée, sur recours hiérarchique, par une décision du ministre chargé du travail du 24 juin 2014. M. E...a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler cette dernière décision. Le tribunal administratif a considéré que les conclusions de M. E...tendant à l'annulation de la décision du ministre devaient également être regardées comme dirigées contre la décision de l'inspecteur du travail du 6 décembre 2013. M. E... relève appel du jugement du 19 avril 2017 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.
2. En premier lieu, lorsque le ministre rejette le recours hiérarchique qui lui est présenté contre la décision de l'inspecteur du travail statuant sur la demande d'autorisation de licenciement formée par l'employeur, sa décision ne se substitue pas à celle de l'inspecteur. Par suite, s'il appartient au juge administratif, saisi d'un recours contre ces deux décisions, d'annuler, le cas échéant, celle du ministre par voie de conséquence de l'annulation de celle de l'inspecteur, des moyens critiquant les vices propres dont serait entachée la décision du ministre ne peuvent être utilement invoqués, au soutien des conclusions dirigées contre cette décision.
3. En tout état de cause, d'une part, par une décision du 24 mars 2014, publiée au Journal officiel de la République française du 28 mars 2014, M. B...H..., directeur adjoint du travail, a donné délégation " à M. D...A..., directeur adjoint du travail, chef du bureau des recours, du soutien et de l'expertise juridique, à l'effet de signer, dans la limite des attributions du bureau des recours, du soutien et de l'expertise juridique et au nom du ministre chargé du travail, tous actes, décisions ou conventions, à l'exclusion des décrets ". Il résulte de l'article 5 de l'arrêté du 22 août 2006 relatif à l'organisation de la direction générale du travail, que le bureau des recours, du soutien et de l'expertise juridique est notamment chargé de l'instruction des recours hiérarchiques et contentieux relatifs aux licenciements des salariés protégés. Ainsi, M. A...était compétent pour signer la décision contestée du 24 juin 2014. D'autre part, le ministre chargé du travail n'était pas tenu de répondre à l'ensemble des arguments avancés par M. E...dans son recours hiérarchique. La décision du 24 juin 2014 comporte les considérations de fait et de droit qui en constituent le fondement et est ainsi suffisamment motivée.
4. En deuxième lieu, M. E...reprend en appel, sans apporter d'élément nouveau, son moyen tiré de ce que, l'employeur ayant sollicité l'avis du comité d'entreprise après avoir déposé sa demande d'autorisation de licenciement, cette demande ne pouvait être que rejetée. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus par les premiers juges.
5. En troisième lieu, en vertu du code du travail, les salariés protégés bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle. Lorsque le licenciement de l'un de ces salariés est envisagé, il ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées par l'intéressé ou avec son appartenance syndicale. Dans le cas où la demande de licenciement d'un salarié protégé est motivée par l'inaptitude physique, il appartient à l'administration de s'assurer, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, que l'employeur a, conformément aux dispositions de l'article L. 1226-2 du code du travail, cherché à reclasser le salarié sur d'autres postes appropriés à ses capacités, le cas échéant par la mise en oeuvre, dans l'entreprise, de mesures telles que mutations ou transformations de postes de travail ou aménagement du temps de travail. Le licenciement ne peut être autorisé que dans le cas où l'employeur n'a pu reclasser le salarié dans un emploi approprié à ses capacités au terme d'une recherche sérieuse, menée tant au sein de l'entreprise que dans les entreprises dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation permettent, en raison des relations qui existent avec elles, d'y effectuer la permutation de tout ou partie de son personne.
6. Il ressort des pièces du dossier que l'employeur de M. E...a effectué des recherches de reclassement loyales et sérieuses, en adressant notamment aux deux autres établissements de la société situés à Colmar et Bourg-la-Reine des courriers précisant l'ancienneté, le niveau et les compétences du salarié et leur demandant s'ils disposaient de postes susceptibles d'être proposés à M.E.... Il ressort par ailleurs des pièces du dossier et notamment du rapport d'enquête rédigé par l'inspecteur du travail et du rapport de contre-enquête établi lors de l'instruction du recours hiérarchique que l'employeur a poursuivi ses recherches après la réception de ces réponses les 6 et du 19 août 2013, en restant en contact avec lesdits établissements mais également avec le médecin du travail. L'inspecteur du travail relève dans son rapport que l'examen des postes disponibles ne s'est pas limité à l'examen des réponses apportées par les autres établissements et qu'un examen des postes disponibles au jour de l'enquête a été effectué. Il a alors été constaté qu'aucun poste n'était disponible dans l'établissement de Strasbourg, que le bureau de vente de Bourg-la-Reine ne disposait que de postes administratifs et commerciaux ne correspondant pas aux compétences du salarié et qu'aucun poste n'était disponible sur le site de Colmar, du fait d'une restructuration en cours entrainant la suppression de quatre-vingt-dix-huit postes. Il est enfin constant que la société a demandé à M. E... s'il acceptait de recevoir des propositions de reclassement en dehors du territoire national et que le salarié a décliné cette proposition. M.E..., qui n'apporte aucun élément sur l'existence de postes disponibles qui auraient pu lui être proposés, n'est ainsi pas fondé à soutenir que la société Timken n'a pas satisfait à son obligation de reclassement.
7. En dernier lieu, lorsque le licenciement d'un salarié protégé est envisagé, il ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées par l'intéressé ou avec son appartenance syndicale. Dans le cas où la demande de licenciement est motivée par l'inaptitude du salarié, il appartient à l'inspecteur du travail et, le cas échéant, au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge, si cette inaptitude est telle qu'elle justifie le licenciement envisagé, compte tenu des caractéristiques de l'emploi exercé à la date à laquelle elle est constatée, de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé, des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi et de la possibilité d'assurer son reclassement dans l'entreprise. En revanche, dans l'exercice de ce contrôle, il n'appartient pas à l'administration de rechercher la cause de cette inaptitude.
8. Ainsi qu'il a été indiqué au point précédent, il appartient en toutes circonstances à l'autorité administrative de faire obstacle à un licenciement en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées par un salarié ou avec son appartenance syndicale. Par suite, même lorsque le salarié est atteint d'une inaptitude susceptible de justifier son licenciement, la circonstance que le licenciement envisagé est également en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées par l'intéressé ou avec son appartenance syndicale fait obstacle à ce que l'administration accorde l'autorisation sollicitée. Le fait que l'inaptitude du salarié résulte d'une dégradation de son état de santé, elle-même en lien direct avec des obstacles mis par l'employeur à l'exercice de ses fonctions représentatives est à cet égard de nature à révéler l'existence d'un tel rapport.
9. M. E...soutient qu'il a été victime de harcèlement moral en lien avec l'exercice de ses fonctions syndicales. Toutefois, il se borne à faire état d'un incident qui serait survenu lors d'une réunion des délégués du personnel le 29 février 2012 au cours de laquelle il aurait été victime de brimades alors qu'il s'exprimait poliment après avoir demandé la parole. Ce seul élément, à le supposer établi, ne permet pas de présumer que son inaptitude résulterait d'une dégradation de son état de santé elle-même en lien direct avec des obstacles mis par son employeur à l'exercice de ses fonctions représentatives. Il ne ressort ainsi pas des pièces du dossier que la demande d'autorisation de licenciement de M. E...serait en rapport avec ses fonctions représentatives ou avec son appartenance syndicale.
10. Il résulte de tout ce qui précède que M. E...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.
Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par M.E..., au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du M. E... la somme demandée par la société Timken, au même titre.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. E...est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de la société Timken présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... E..., à la ministre du travail et à la société Timken.
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N° 17NC01401