Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 11 janvier 2018, le préfet de Meurthe-et-Moselle demande à la cour d'annuler ce jugement du magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Nancy du 12 décembre 2017 et de rejeter les demandes présentées par M. et Mme A...en première instance.
Le préfet de Meurthe-et-Moselle soutient que :
- il n'a commis aucune erreur de droit en obligeant les époux A...à quitter le territoire français dès lors que leurs demandes d'asile ont été définitivement rejetées par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et par la Cour nationale du droit d'asile ;
- les époux A...ne sauraient se prévaloir de la circonstance qu'ils ont demandé le réexamen de leur situation au regard du droit d'asile ;
- ces demandes de réexamen revêtaient un caractère dilatoire et visaient à faire échec à une mesure d'éloignement ;
- les autres moyens soulevés devant le tribunal administratif ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense enregistré le 12 mars 2018, M. B... A...et Mme C... épouseA..., représentés par Me Lévi-Cyferman, concluent au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 1 500 euros soit mise à la charge de l'Etat au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Ils soutiennent que :
- le préfet ne pouvait pas les obliger à quitter le territoire français dès lors que leurs demandes d'asile n'étaient pas définitivement rejetées ;
- le préfet a méconnu les stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ainsi que les dispositions de l'article L. 512-3 de ce code ;
- l'état de santé de Mme A...fait obstacle à son éloignement.
M. et Mme A...ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par deux décisions du 20 mars 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Guérin-Lebacq a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. et MmeA..., ressortissants albanais nés le 9 février 1980 et le 15 août 1990, déclarent être entrés sur le territoire français le 16 juillet 2016, accompagnés de leur fils mineur, en vue de solliciter la reconnaissance du statut de réfugié. Leurs demandes d'asile ont été rejetées par deux décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) du 28 février 2017, confirmées par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) le 27 juillet 2017. M. et Mme A...ont présenté chacun une demande de réexamen de leur situation au regard du droit d'asile, qui a été rejetée par l'OFPRA le 13 septembre 2017. Par deux arrêtés du 19 octobre 2017, le préfet de Meurthe-et-Moselle a fait obligation aux époux A...de quitter le territoire français dans un délai de trente jours à destination de leur pays d'origine. Le préfet de Meurthe-et-Moselle relève appel du jugement du 12 décembre 2017 par lequel le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Nancy a annulé ces arrêtés.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. D'une part, aux termes du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger (...) lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) 6° Si la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou si l'étranger ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application de l'article L. 743-2, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité (...) ".
3. D'autre part, aux termes de l'article L. 743-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le demandeur d'asile dont l'examen de la demande relève de la compétence de la France et qui a introduit sa demande auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides bénéficie du droit de se maintenir sur le territoire français jusqu'à la notification de la décision de l'office ou, si un recours a été formé, jusqu'à la notification de la décision de la Cour nationale du droit d'asile. L'attestation délivrée en application de l'article L. 741-1, dès lors que la demande d'asile a été introduite auprès de l'office, vaut autorisation provisoire de séjour et est renouvelable jusqu'à ce que l'office et, le cas échéant, la cour statuent ". Aux termes de l'article L. 743-2 du même code, dans sa version applicable : " Par dérogation à l'article L. 743-1, (...) le droit de se maintenir sur le territoire français prend fin et l'attestation de demande d'asile peut être refusée, retirée ou son renouvellement refusé lorsque : (...) 4° L'étranger n'a introduit une première demande de réexamen, qui a fait l'objet d'une décision d'irrecevabilité par l'office en application du 3° de l'article L. 723-11, qu'en vue de faire échec à une mesure d'éloignement (...) ". Aux termes de l'article L. 723-11 de ce code : " L'office peut prendre une décision d'irrecevabilité écrite et motivée, sans vérifier si les conditions d'octroi de l'asile sont réunies, dans les cas suivants : (...) 3° En cas de demande de réexamen lorsque, à l'issue d'un examen préliminaire effectué selon la procédure définie à l'article L. 723-16, il apparaît que cette demande ne répond pas aux conditions prévues au même article (...) ". Aux termes de l'article L. 723-16 : " A l'appui de sa demande de réexamen, le demandeur indique par écrit les faits et produit tout élément susceptible de justifier un nouvel examen de sa demande d'asile. / L'office procède à un examen préliminaire des faits ou des éléments nouveaux présentés par le demandeur intervenus après la décision définitive prise sur une demande antérieure ou dont il est avéré qu'il n'a pu en avoir connaissance qu'après cette décision (...) / Lorsque, à la suite de cet examen préliminaire, l'office conclut que ces faits ou éléments nouveaux n'augmentent pas de manière significative la probabilité que le demandeur justifie des conditions requises pour prétendre à une protection, il peut prendre une décision d'irrecevabilité ".
4. Si les demandes de réexamen présentées par M. et Mme A...ont été rejetées par l'OFPRA le 13 septembre 2017, il n'est pas contesté que les intéressés avaient saisi la CNDA d'un recours contre ces décisions de l'office avant que le préfet de Meurthe-et-Moselle ne décide leur éloignement, le 19 octobre 2017, sur le fondement du 6° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. La reconnaissance de la qualité de réfugié ne leur avait donc pas été définitivement refusée à la date des arrêtés litigieux. Par ailleurs, il ressort expressément des termes de la décision de l'OFPRA du 13 septembre 2017 que la demande de réexamen de M. A...a été rejetée sur le fondement du 3° de l'article L. 723-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il n'est pas contesté par le préfet qu'il en a été de même pour MmeA.... Si le préfet fait valoir en appel qu' " il n'est pas à exclure que le réexamen sollicité par [les intimés] revêtait un caractère dilatoire ayant pour but de faire échec à une mesure d'éloignement ", il ne ressort pas des pièces du dossier et il n'est pas même soutenu qu'une telle mesure avait été prise à l'encontre de M. et Mme A...avant qu'ils ne présentent leurs demandes de réexamen. Dans ces conditions, M. et Mme A...ne rentraient pas dans les prévisions du 4° de l'article L. 743-2 du code précité selon lequel, par exception aux dispositions de l'article L. 743-1, le droit au maintien sur le territoire français prend fin lorsque la première demande de réexamen, qui a fait l'objet d'une décision d'irrecevabilité par l'office en application du 3° de l'article L. 723-11, n'a été présentée qu'en vue de faire échec à une mesure d'éloignement.
5. Il résulte de ce qui précède que le préfet de Meurthe-et-Moselle n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Nancy a annulé ses arrêtés du 19 octobre 2017.
Sur les conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
6. M. et Mme A...ont obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, leur avocate peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Lévi-Cyfeman, avocate de M. et MmeA..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Lévi-Cyferman de la somme de 1 500 euros.
D E C I D E :
Article 1er : La requête du préfet de Meurthe-et-Moselle est rejetée.
Article 2 : L'Etat versera à Me Lévi-Cyferman, avocate de M. et MmeA..., une somme de 1 500 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Lévi-Cyferman renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à Mme C...épouse A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de Meurthe-et-Moselle.
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N° 18NC00095