Par une ordonnance n° 1602904 du 24 août 2018, le vice-président du tribunal administratif de Nancy a rejeté leur demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 23 octobre 2018, Mme H...I...épouseL..., M. A...L..., M. E...L..., M. J...I...et M. B...I..., agissant en leur nom propre et en qualité d'ayant-droit de leur mère et grand-mère, Mme F... G... épouseI..., et de leur père et grand-père, M. D...I..., représentés par Me C..., demandent à la cour :
1°) d'annuler cette ordonnance du vice-président du tribunal administratif de Nancy du 24 août 2018 ;
2°) de condamner le centre hospitalier d'Epinal à leur verser la somme totale de 90 000 euros en réparation des souffrances endurées, du préjudice d'anxiété et des troubles dans les conditions d'existence subis par M. D...I... ;
3°) de condamner le centre hospitalier d'Epinal à verser la somme de 50 000 euros à Mme H... L...et celle de 25 000 euros à M. A...L...et à M. E... L... en réparation de leur préjudice d'affection ;
4°) de mettre à la charge du centre hospitalier une somme de 4 500 euros à verser à chacun d'entre eux en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- la victime n'a conclu aucune transaction avec le centre hospitalier ou son assureur et n'a perçu aucune indemnisation ;
- la responsabilité du centre hospitalier est engagée dès lors que, par un arrêt du 2 juillet 2015, la cour d'appel de Paris a jugé que les praticiens chargés de procéder à la mise en oeuvre du traitement de M. I...par radiothérapie avaient commis une faute à l'origine de sa sur-irradiation et que cette faute n'était pas détachable du service ;
- la victime a enduré des souffrances et subi un préjudice d'anxiété et des troubles dans les conditions d'existence qui doivent être évalués aux sommes respectives de 50 000 euros, de 25 000 euros et de 15 000 euros ;
- Mme L...justifie, en son nom propre et en sa qualité d'ayant-droit de sa mère décédée, d'un préjudice d'affection évalué à 50 000 euros ;
- les deux fils de Mme L...justifient d'un préjudice d'affection pour un montant de 25 000 euros.
Par un mémoire en défense enregistré le 5 février 2019, le centre hospitalier d'Epinal et la société hospitalière d'assurance mutuelle (SHAM), représentés par MeK..., concluent au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 4 500 euros soit mise à la charge des requérants en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- la demande était irrecevable en l'absence de liaison du contentieux ;
- la conclusion d'une transaction avec la victime pour l'indemnisation de son préjudice corporel fait obstacle à l'octroi d'une indemnité complémentaire ;
- les requérants ne justifient pas du préjudice d'anxiété et des troubles dans les conditions d'existence subis par la victime ;
- le préjudice d'anxiété se confond avec les souffrances endurées ;
- l'évaluation des préjudices est surévaluée.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Guérin-Lebacq,
- les conclusions de Mme Kohler, rapporteur public,
- et les observations de Me K...pour le centre hospitalier d'Epinal et la SHAM.
Considérant ce qui suit :
1. M. D...I...a été pris en charge au cours de l'année 2005 par le centre hospitalier d'Epinal où il a subi des séances de radiothérapie pour le traitement d'un cancer de la prostate. M. I...a présenté une rectite radique à la suite de ce traitement, qui a conduit à une dégradation de son état de santé puis à son décès, survenu le 18 mai 2007. Imputant ce décès à des doses excessives de radiations résultant d'erreurs dans l'utilisation du matériel de radiothérapie, ses enfants et petits-enfants ont, par un courrier du 13 juin 2016 réceptionné le 26 juin suivant, présenté une demande indemnitaire préalable au centre hospitalier d'Epinal en vue d'obtenir l'indemnisation des préjudices subis par la victime et de leurs préjudices propres. Ils ont ensuite saisi le tribunal administratif de Nancy de leur demande indemnitaire. Les requérants relèvent appel de l'ordonnance du 24 août 2018 par laquelle le vice-président du tribunal administratif de Nancy a rejeté cette demande.
2. Aux termes de l'article R. 222-1 du code de justice administrative : " (...) les présidents de formation de jugement des tribunaux et des cours (...) peuvent, par ordonnance : (...) 4° Rejeter les requêtes manifestement irrecevables, lorsque la juridiction n'est pas tenue d'inviter leur auteur à les régulariser ou qu'elles n'ont pas été régularisées à l'expiration du délai imparti par une demande en ce sens (...) ".
3. Pour rejeter la demande présentée par les ayants-droits de M.I..., le premier juge a relevé que l'intéressé avait obtenu réparation de ses préjudices par le versement d'une provision de 15 000 euros qu'il avait pu conserver, que les préjudices ainsi indemnisés n'étaient pas distincts de ceux dont les requérants demandaient la réparation devant le tribunal administratif et que l'offre d'indemnisation faite par la société hospitalière d'assurance mutuelle (SHAM) à la victime mentionnait la renonciation de celle-ci à toute action devant une juridiction. Les requérants soutiennent en appel que M. I...n'a conclu de transaction ni avec le centre hospitalier d'Epinal ni avec son assureur et n'a jamais reçu d'indemnisation. Le centre hospitalier d'Epinal et la SHAM ne justifient pas à l'instance de l'existence d'une transaction, ni d'un versement à M. I...en vue de l'indemniser de ses préjudices. S'il ressort de l'ordonnance du juge des référés du tribunal de grande instance d'Epinal du 30 mai 2007, produite par le centre hospitalier devant le tribunal administratif, que la SHAM a proposé à M. I...le versement d'une provision de 40 000 euros, il n'est pas établi que ce versement aurait été effectué. Dans ces conditions, les requérants sont fondés à soutenir qu'en l'absence de transaction conclue avec l'hôpital ou son assureur, comme de tout versement d'une somme visant à indemniser M.I..., le recours juridictionnel qu'ils ont engagé n'était pas irrecevable. Par suite, leur demande n'était pas entachée d'une irrecevabilité manifeste au sens du 4° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative.
4. Il résulte de ce qui précède que les requérants sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le vice-président du tribunal administratif de Nancy a rejeté leur demande. Par suite, cette ordonnance doit être annulée.
5. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de renvoyer l'affaire devant le tribunal administratif de Nancy pour qu'il statue à nouveau sur la demande des requérants.
6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge des requérants, qui ne sont pas, dans la présente instance, les parties perdantes, la somme dont le centre hospitalier d'Epinal et la SHAM demandent le versement au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens. Par ailleurs, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du centre hospitalier d'Epinal la somme dont les requérants demandent le versement sur le fondement des mêmes dispositions.
D E C I D E :
Article 1er : L'ordonnance du vice-président du tribunal administratif de Nancy n° 1602904 du 24 août 2018 est annulée.
Article 2 : Mme et MM. L... et MM. I...sont renvoyés devant le tribunal administratif de Nancy pour qu'il soit statué sur leur demande.
Article 3 : Les conclusions des parties sont rejetées pour le surplus.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme H...I...épouse L...en application des dispositions de l'article R.751-3 du code de justice administrative, au centre hospitalier d'Epinal et à la société hospitalière d'assurances mutuelles.
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N° 18NC02860