Par une requête enregistrée le 5 juin 2017, M. F... D...et Mme A...E...épouseD..., représentés par MeC..., demandent à la cour :
1°) d'annuler le jugement du magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Nancy du 25 avril 2017 ;
2°) d'annuler les arrêtés du 1er février 2017 par lesquels le préfet de Meurthe-et-Moselle leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel ils pourraient être reconduits en cas d'exécution forcée de la mesure d'éloignement ;
3°) d'enjoindre au préfet de Meurthe-et-Moselle, à titre principal, de leur délivrer une carte de séjour temporaire ou, à titre subsidiaire, de leur délivrer une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de surseoir à statuer dans l'attente que le bureau d'aide juridictionnelle se prononce sur leur demande ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à leur conseil, sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Ils soutiennent que :
- les actes contestés ont été pris par une autorité incompétente ;
- ils sont insuffisamment motivés ;
- les dispositions nationales sur la motivation des décisions de retour sont contraires à l'article 12 de la directive du 16 décembre 2008 ;
- le préfet a omis d'examiner leur situation ;
- il s'est estimé à tort en situation de compétence liée ;
- les dispositions du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile méconnaissent les articles 7 et 14 de la directive précitée en tant qu'elles prévoient un délai de départ volontaire d'une durée fixe sans possibilité de l'adapter à la situation de l'étranger ;
- la décision fixant le délai de départ volontaire est insuffisamment motivée ;
- le préfet ne justifie pas des raisons pour lesquelles il n'a pas été dérogé au délai de trente jours prévu par les dispositions de l'article L. 511-1 ;
- leur situation justifie qu'un délai supérieur à trente jours leur soit accordé ;
- la mesure d'éloignement et la décision fixant le délai de départ volontaire ont été prises en méconnaissance de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration et du principe général rappelé par l'article 41.2 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- ils justifient de motifs humanitaires et exceptionnels leur donnant un droit au séjour au regard du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- leur vie serait en danger en cas de retour en Russie.
Par un mémoire en défense enregistré le 6 décembre 2017, le préfet de Meurthe-et-Moselle conclut au rejet de la requête au motif qu'aucun des moyens soulevés par les requérants n'est fondé.
Par deux décisions du 23 janvier 2018, le président du bureau d'aide juridictionnelle a constaté la caducité des demandes d'aide juridictionnelle présentées par M. et MmeD....
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Guérin-Lebacq a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant que M. et MmeD..., ressortissants russes nés respectivement le 20 mars 1978 et le 23 novembre 1983, déclarent être entrés irrégulièrement en France le 20 juillet 2015 en vue de solliciter la reconnaissance du statut de réfugié ; que leurs demandes d'asile ont été rejetées par deux décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) du 31 décembre 2015, confirmées par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) le 19 septembre 2016 ; que, tirant les conséquences du rejet des demandes d'asile présentées par M. et MmeD..., le préfet de Meurthe-et-Moselle a pris à leur encontre, le 1er février 2017, deux arrêtés les obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours à destination de la Russie ; que M. et Mme D...font appel du jugement du 25 avril 2017 par lequel le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Nancy a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation de ces arrêtés ;
Sur les moyens soulevés à l'encontre des arrêtés contestés :
2. Considérant, en premier lieu, que par un arrêté du 25 août 2015, régulièrement publié au recueil des actes administratifs du même jour, le préfet de Meurthe-et-Moselle a donné délégation à M. Jean-François Raffy, secrétaire général de la préfecture, à l'effet de signer tous les arrêtés, décisions, circulaires, rapports, documents et correspondances relevant des attributions de l'Etat dans le département, à l'exception des arrêtés de conflit ; qu'ainsi, et contrairement à ce que soutiennent M. et MmeD..., M. B...avait reçu délégation, par un acte qui n'est ni trop général ni imprécis eu égard aux responsabilités incombant à un secrétaire général, pour signer les arrêtés contestés pris à leur encontre ; que, par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de ces arrêtés doit être écarté comme manquant en fait ;
3. Considérant, en deuxième lieu, qu'il ne ressort ni des pièces du dossier ni des termes des arrêtés contestés que le préfet de Meurthe-et-Moselle se serait cru en situation de compétence liée pour obliger les requérants à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et pour fixer la Russie comme le pays à destination duquel ils pourraient être reconduits d'office ; que par ailleurs, il ressort des termes mêmes des arrêtés litigieux que le préfet a procédé à un examen circonstancié de leur situation avant de prendre les mesures contestées à leur encontre ;
4. Considérant, en dernier lieu, que les arrêtés contestés n'ont ni pour objet, ni pour effet de refuser la délivrance d'un titre de séjour aux requérants sur le fondement des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'il s'ensuit que le moyen tiré d'une prétendue méconnaissance de ces dispositions doit être écarté comme inopérant ;
Sur les autres moyens soulevés à l'encontre des décisions portant obligation de quitter le territoire français :
5. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 12 de la directive du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les Etats membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier : " Les décisions de retour et, le cas échéant, les décisions d'interdiction d'entrée ainsi que les décisions d'éloignement sont rendues par écrit, indiquent leurs motifs de fait et de droit et comportent des informations relatives aux voies de recours disponibles (...) " ; qu'aux termes du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne (...) lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) 6° Si la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou si l'étranger ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application de l'article L. 743-2, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité (...) / La décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée. Elle n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour dans les cas prévus aux 3° et 5° du présent I (...) " ; qu'il est constant que les décisions obligeant les requérants à quitter le territoire français ont été prises sur le fondement du 6° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que les décisions prises sur ce fondement doivent, en application du même article, faire l'objet d'une motivation, ainsi qu'il est prévu par l'article 12 de la directive du 16 décembre 2008 ; qu'ainsi, le moyen tiré de ce que les dispositions nationales appliquées à M. et Mme D...méconnaîtraient l'article 12 de la directive du 16 décembre 2008 doit être écarté ;
6. Considérant, en deuxième lieu, que les décisions contestées mentionnent les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement et sont suffisamment motivées ;
7. Considérant, en troisième lieu, que lorsqu'il sollicite la délivrance d'un titre de séjour, notamment au titre de l'asile, l'étranger, en raison même de l'accomplissement de cette démarche qui tend à son maintien régulier sur le territoire français, ne saurait ignorer qu'en cas de refus, il pourra faire l'objet d'une mesure d'éloignement ; qu'à l'occasion du dépôt de sa demande, il est conduit à préciser à l'administration les motifs pour lesquels il demande que lui soit délivré un titre de séjour et à produire tous éléments susceptibles de venir au soutien de cette demande ; qu'il lui appartient, lors du dépôt de cette demande, lequel doit en principe faire l'objet d'une présentation personnelle du demandeur en préfecture, d'apporter à l'administration toutes les précisions qu'il juge utiles ; qu'il lui est loisible, au cours de l'instruction de sa demande, de faire valoir auprès de l'administration toute observation complémentaire utile, au besoin en faisant état d'éléments nouveaux ; que le droit de l'intéressé d'être entendu, ainsi satisfait avant que n'intervienne le refus de titre de séjour, n'impose pas à l'autorité administrative de mettre l'intéressé à même de réitérer ses observations ou de présenter de nouvelles observations, de façon spécifique, sur l'obligation de quitter le territoire français qui est prise concomitamment et en conséquence du refus de titre de séjour ;
8. Considérant que, contrairement à ce qu'ils soutiennent, M. et Mme D...ont présenté une demande tendant à la reconnaissance d'un droit au séjour au titre de l'asile ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que les intéressés aient sollicité en vain un entretien avec les services préfectoraux ni qu'ils aient été empêchés de s'exprimer avant que ne soient prises les mesures d'éloignement litigieuses ; que, par suite, le préfet de Meurthe-et-Moselle, qui n'était pas tenu d'inviter M. et Mme D...à formuler des observations avant l'édiction de ces mesures, ne les a pas privés de leur droit à être entendu, notamment énoncé au paragraphe 2 de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
9. Considérant, en quatrième lieu, que les requérants reprennent en appel, sans apporter d'élément nouveau, le moyen tiré de ce que les décisions les obligeant à quitter le territoire français ont été prises en méconnaissance de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration ; qu'il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus par le premier juge ;
10. Considérant, en dernier lieu, que M. et Mme D...sont entrés en France le 20 juillet 2015, après avoir vécu dans leur pays d'origine jusqu'à 36 et 32 ans ; qu'ils ne justifient d'aucune insertion sociale ou professionnelle sur le territoire français ; que si leur enfant est né en France le 30 octobre 2015, les décisions contestées n'ont ni pour objet ni pour effet de porter atteinte à l'unité de la cellule familiale ; que dès lors, eu égard aux conditions et à la durée du séjour des intéressés, les décisions les obligeant à quitter le territoire français n'ont pas porté à leur droit au respect de leur vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels ces décisions ont été prises ;
Sur les autres moyens soulevés à l'encontre des décisions fixant le délai de départ volontaire :
11. Considérant, en premier lieu, que M. et Mme D...reprennent en appel, sans apporter d'élément nouveau, le moyen tiré de ce que les dispositions du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile méconnaissent les articles 7 et 14 de la directive du 16 décembre 2008 en tant qu'elles prévoient un délai de départ volontaire d'une durée fixe sans possibilité de l'adapter à la situation de l'étranger, ainsi que le moyen tiré de ce que la décision fixant un délai pour leur départ volontaire est insuffisamment motivée ; qu'il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus par le premier juge ;
12. Considérant, en deuxième lieu, que pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 7 à 9, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration et du droit à être entendu, notamment énoncé au paragraphe 2 de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, doivent être écartés ;
13. Considérant, en dernier lieu, que le préfet de Meurthe-et-Moselle a estimé qu'en l'absence de circonstances particulières, il n'y avait pas lieu de faire usage de son pouvoir discrétionnaire pour fixer au-delà de trente jours le délai imparti aux intéressés pour quitter volontairement le territoire français ; que si les requérants soutiennent être parents d'un enfant en bas âge et résider en France depuis deux années à la date des décisions contestées, ces circonstances ne sont pas de nature à démontrer que le préfet aurait inexactement apprécié leur situation avant de fixer le délai de départ volontaire et entaché ses décisions d'une erreur manifeste d'appréciation sur ce point ;
Sur les autres moyens soulevés à l'encontre des décisions fixant le pays de renvoi :
14. Considérant qu'aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 " ; qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants " ;
15. Considérant que M. et Mme D...se bornent à soutenir que leur vie serait en danger en cas de retour en Russie, pays dont ils sont originaires ; qu'ils n'apportent à l'appui de leurs allégations aucun élément de nature à établir de telles allégations ; qu'au demeurant, l'OFPRA, confirmé par la CNDA, a rejeté leurs demandes d'asile au motif que leurs déclarations ne permettaient pas de tenir les faits allégués pour établis ; que, dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations et dispositions précitées doit être écarté ;
16. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de surseoir à statuer, que M. et Mme D...ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Nancy a rejeté leurs demandes ; que, par voie de conséquence, leurs conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ne peuvent qu'être rejetées ;
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. et Mme D...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. F... D..., à Mme A...E...épouse D...et au ministre de l'intérieur.
2
N° 17NC01328