Par une requête enregistrée le 21 juillet 2017, M. C... B..., représenté par Me A..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Strasbourg du 23 juin 2017 ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 10 mai 2017 ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Moselle de réexaminer sa situation administrative dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour pendant cet examen, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros à verser à son conseil, sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- le premier juge a entaché son jugement d'une irrégularité en omettant de tirer les conséquences du défaut d'examen de sa situation par le préfet de la Moselle ;
- il n'a pas été entendu avant que le préfet ne l'oblige à quitter le territoire français, en méconnaissance du principe général du droit de l'Union européenne selon lequel toute personne a droit à être entendue avant l'édiction d'une décision faisant grief ;
- la mesure d'éloignement n'est pas motivée ;
- le préfet a méconnu les dispositions de l'article L. 743-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il l'a obligé à quitter le territoire français sans s'assurer de la notification de la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) ;
- la mesure d'éloignement méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- cette décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision fixant le délai de départ volontaire n'est pas motivée ;
- le préfet a méconnu l'étendue de sa compétence en fixant le délai à trente jours ;
- il a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors que sa situation exigeait un délai supérieur à trente jours ;
- la décision fixant le pays de destination n'est pas motivée ;
- le préfet s'est estimé en situation de compétence liée au regard de la décision rendue par l'OFPRA pour fixer le pays de renvoi ;
- le préfet a méconnu l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Par un mémoire en défense enregistré le 6 avril 2018, le préfet de la Moselle conclut au rejet de la requête au motif qu'aucun des moyens soulevés par le requérant n'est fondé.
M. B...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 19 décembre 2017.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Guérin-Lebacq a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant que M.B..., ressortissant afghan né le 1er janvier 1992, déclare être entré irrégulièrement en France au cours du mois de février 2016 en vue de solliciter la reconnaissance du statut de réfugié ; que sa demande d'asile a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) du 26 septembre 2016 ; que, tirant les conséquences du rejet de la demande d'asile présentée par M.B..., le préfet de la Moselle a pris à son encontre, le 10 mai 2017, un arrêté l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours à destination de l'Afghanistan ; que M. B...fait appel du jugement du 23 juin 2017 par lequel le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Considérant que si M. B...soutient qu'en rejetant sa demande, le premier juge a omis de tirer les conséquences du défaut d'examen de sa situation par le préfet de la Moselle, l'erreur ainsi alléguée, qu'il appartient le cas échéant à la cour de redresser par l'effet dévolutif de l'appel, est, en tout état de cause, sans incidence sur la régularité du jugement attaqué ;
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
3. Considérant qu'aux termes du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne (...) lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) 6° Si la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou si l'étranger ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application de l'article L. 743-2, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité (...) " ;
4. Considérant, en premier lieu, que lorsqu'il sollicite la délivrance d'un titre de séjour, notamment au titre de l'asile, l'étranger, en raison même de l'accomplissement de cette démarche qui tend à son maintien régulier sur le territoire français, ne saurait ignorer qu'en cas de refus, il pourra faire l'objet d'une mesure d'éloignement ; qu'à l'occasion du dépôt de sa demande, il est conduit à préciser à l'administration les motifs pour lesquels il demande que lui soit délivré un titre de séjour et à produire tous éléments susceptibles de venir au soutien de cette demande ; qu'il lui appartient, lors du dépôt de cette demande, lequel doit en principe faire l'objet d'une présentation personnelle du demandeur en préfecture, d'apporter à l'administration toutes les précisions qu'il juge utiles ; qu'il lui est loisible, au cours de l'instruction de sa demande, de faire valoir auprès de l'administration toute observation complémentaire utile, au besoin en faisant état d'éléments nouveaux ; que le droit de l'intéressé d'être entendu, ainsi satisfait avant que n'intervienne le refus de titre de séjour, n'impose pas à l'autorité administrative de mettre l'intéressé à même de réitérer ses observations ou de présenter de nouvelles observations, de façon spécifique, sur l'obligation de quitter le territoire français qui est prise concomitamment et en conséquence du refus de titre de séjour ;
5. Considérant que M. B...a présenté une demande tendant à la reconnaissance d'un droit au séjour au titre de l'asile ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que l'intéressé ait sollicité en vain un entretien avec les services préfectoraux ni qu'il ait été empêché de s'exprimer avant que ne soit prise la mesure d'éloignement litigieuse ; que par suite, le préfet de la Moselle, qui n'était pas tenu d'inviter M. B...à formuler des observations avant l'édiction de cette mesure, ne l'a pas privé de son droit à être entendu, notamment énoncé au paragraphe 2 de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
6. Considérant, en deuxième lieu, que la décision contestée, qui vise les dispositions applicables du 6 ° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est suffisamment motivée en droit ; que, contrairement à ce que soutient M.B..., cette décision, qui rappelle les conditions de son arrivée et de son séjour en France et précise, notamment, les raisons pour lesquelles le préfet de la Moselle a estimé qu'une mesure d'éloignement ne porterait pas atteinte à son droit à une vie privée et familiale normale, est également suffisamment motivée en fait ; que dès lors, le moyen tiré d'un défaut de motivation doit être écarté ;
7. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L. 743-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le demandeur d'asile dont l'examen de la demande relève de la compétence de la France et qui a introduit sa demande auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides bénéficie du droit de se maintenir sur le territoire français jusqu'à la notification de la décision de l'office ou, si un recours a été formé, jusqu'à la notification de la décision de la Cour nationale du droit d'asile (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 733-19 du même code : " I. - La décision du directeur général de l'office est notifiée à l'intéressé par lettre recommandée avec demande d'avis de réception (...) / III. - La date de notification de la décision de l'office (...) qui figure dans le système d'information de l'office et est communiquée au préfet compétent et au directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration au moyen de traitements informatiques fait foi jusqu'à preuve du contraire " ;
8. Considérant que le préfet de la Moselle a produit devant le premier juge une impression d'écran se rapportant au dossier de M. B...dans l'application " TelemOfpra ", dont il ressort que la décision de l'OFPRA du 26 septembre 2016 a été notifiée au requérant le 4 novembre 2016 ; que, dans ces conditions, alors que M. B...se borne à soutenir devant la cour que la décision de l'OFPRA ne lui a pas été notifiée, le préfet de la Moselle doit être regardé comme apportant la preuve de cette notification le 4 novembre 2016, à une date antérieure à celle de la mesure d'éloignement litigieuse ; qu'il s'ensuit que le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées de l'article L. 743-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté ;
9. Considérant, en dernier lieu, que M. B...est entré sur le territoire français au cours du mois de février 2016 seulement, après avoir vécu jusqu'à l'âge de 24 ans dans son pays d'origine ; qu'il ne justifie d'aucune insertion sociale ou professionnelle sur le territoire français ; que s'il fait état de la situation d'insécurité existant en Afghanistan, la décision l'obligeant à quitter le territoire français n'a par elle-même ni pour objet, ni pour effet de le renvoyer vers ce pays ; que, par suite, le moyen tiré d'une méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté ; que, pour les mêmes raisons, il n'est pas établi que le préfet de la Moselle aurait commis une erreur manifeste dans son appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de l'intéressé ;
En ce qui concerne la légalité de la décision fixant le délai de départ volontaire :
10. Considérant qu'aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l'étranger dispose d'un délai de trente jours à compter de sa notification pour rejoindre le pays dont il possède la nationalité ou tout autre pays non membre de l'Union européenne ou avec lequel ne s'applique pas l'acquis de Schengen où il est légalement admissible (...) / Le délai de départ volontaire accordé à l'étranger peut faire l'objet d'une prolongation par l'autorité administrative pour une durée appropriée s'il apparaît nécessaire de tenir compte de circonstances propres à chaque cas. L'étranger est informé par écrit de cette prolongation (...) " ;
11. Considérant, en premier lieu, que si une décision de retour prévoyant un délai de départ volontaire doit être motivée, les dispositions précitées du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'impliquent pas que l'autorité administrative, lorsqu'elle prend une telle décision, comme c'est le cas en l'espèce, démontre l'absence de circonstances particulières qui auraient pu, le cas échéant, justifier une prolongation de ce délai ; que lorsqu'elle accorde le délai de trente jours, l'autorité administrative n'a, par suite, pas à motiver spécifiquement cette décision, à moins que l'étranger ait expressément demandé le bénéfice d'une telle prolongation ou justifie avoir informé l'autorité administrative d'éléments suffisamment précis sur sa situation personnelle susceptibles de rendre nécessaire, au sens des dispositions précitées, une telle prolongation ; qu'en tout état de cause, en l'espèce, le préfet de la Moselle a expressément indiqué, dans la décision litigieuse, que la situation personnelle de l'intéressé ne justifiait pas qu'un délai supérieur lui soit accordé à titre exceptionnel ; que dès lors, M. B...n'est pas fondé à soutenir que la décision fixant le délai de départ volontaire à trente jours serait insuffisamment motivée ;
12. Considérant, en deuxième lieu et ainsi qu'il vient d'être dit, que le préfet de la Moselle a regardé si un délai supérieur à trente jours pouvait être accordé au requérant ; que, dans ces conditions, il n'est pas établi qu'il aurait méconnu l'étendue de sa compétence en fixant ledit délai à trente jours ;
13. Considérant, en dernier lieu, que M.B..., qui se borne à faire état des démarches rendues nécessaires par son départ, ne justifie d'aucune circonstance particulière susceptible de justifier qu'un délai supérieur à trente jours lui soit accordé ; que, par suite, il n'est pas fondé à soutenir que la décision contestée serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
Sur la légalité de la décision fixant le pays de renvoi :
14. Considérant, en premier lieu, que la décision contestée, qui vise l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour et des étrangers et du droit d'asile, est suffisamment motivée en droit ; que cette décision, qui rappelle que la demande d'asile de M. B...a été rejetée par l'OFPRA et que l'intéressé n'a pas justifié être exposé à des traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, est également suffisamment motivée en fait ; que par suite, le moyen tiré du défaut de motivation doit être écarté ;
15. Considérant, en deuxième lieu, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier, notamment des termes mêmes de la décision contestée, que le préfet de la Moselle se serait estimé en situation de compétence liée au regard de la décision rendue par l'OFPRA pour fixer le pays de renvoi ;
16. Considérant, en dernier lieu, qu'aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 " ; que l'article 3 de cette convention stipule : " Nul ne peut être soumis à la torture, ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants " ;
17. Considérant que M.B..., qui se prévaut de rapports émanant d'organisations non gouvernementales et d'instances officielles, soutient que l'Afghanistan, et particulièrement la région de Baghlân dont il est originaire, présente une situation de violence généralisée telle qu'un civil de nationalité afghane devrait de ce seul fait être regardé comme personnellement soumis à des risques de traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, toutefois, le requérant n'apporte à l'appui de ses allégations aucun élément probant et vérifiable et, notamment, aucune précision d'ordre personnel quant à ses conditions de vie dans cette région, ni aucun élément relatif à ce qu'il y a lui-même vu ou subi ; qu'à cet égard, il ressort des pièces du dossier que lors de son audition par l'OFPRA, M. B...a montré, par ses réponses évasives, vagues et non circonstanciées, une méconnaissance de la région dont il se dit originaire ; que les conditions de sécurité dégradées qui continuent de prévaloir sur l'ensemble du territoire afghan ne sauraient être regardées, à elles seules, comme de nature à faire obstacle à son éloignement vers son pays d'origine ; que, dans ces conditions, en l'absence de tout élément propre à justifier que l'intéressé encourrait personnellement des risques pour sa sécurité en cas de retour en Afghanistan, il n'est pas fondé à soutenir que la décision contestée méconnaitrait les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
18. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte, ainsi que celles présentées sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ne peuvent qu'être rejetées ;
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Moselle.
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N° 17NC01802