Par une requête enregistrée le 1er septembre 2017, M. A... B..., représenté par Me C..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 20 juillet 2017 ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 9 février 2017 ;
3°) d'enjoindre au préfet du Bas-Rhin, à titre principal, de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation administrative dans le délai d'un mois à compter de cette notification ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1500 euros au titre de l'instance devant le tribunal administratif et une somme du même montant au titre de la présente instance d'appel, à verser à son conseil sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- le tribunal administratif de Strasbourg a omis de se prononcer sur son moyen tiré de ce que la décision de refus de séjour méconnaît l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision de refus de séjour est entachée d'une erreur de droit dès lors qu'il n'est pas en situation irrégulière sur le territoire français et que les dispositions du 3° de l'article L. 411-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'imposaient pas son exclusion du dispositif de regroupement familial ;
- cette décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'il remplissait, à la date de sa demande, les conditions pour une admission au séjour au titre du regroupement familial, alors qu'ayant atteint sa majorité à la date de la décision contestée, il ne pourra réitérer cette demande ;
- ladite décision méconnait les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ainsi que les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des articles 3-1 et 10 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- la décision de refus de séjour méconnaît l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'annulation de la décision de refus de séjour entraine l'annulation des décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination.
Par un mémoire en défense enregistré le 12 avril 2018, le préfet du Bas-Rhin conclut au rejet de la requête au motif qu'aucun des moyens soulevés par le requérant n'est fondé.
M. B...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 26 septembre 2017.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Guérin-Lebacq a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M.B..., ressortissant ivoirien né le 7 février 1998, est entré sur le territoire français le 18 mai 2015 afin de rejoindre sa mère, titulaire d'une carte de résident valable du 15 juillet 2012 au 14 juillet 2022 ; que, par un courrier du 5 février 2016, M. B...a sollicité son admission au séjour au titre du regroupement familial sur place ou, à défaut, en raison de ses attaches familiales en France ou de considérations humanitaires ; que, par un arrêté du 9 février 2017, le préfet du Bas-Rhin a refusé de délivrer un titre de séjour à M. B..., l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé la Côte-d'Ivoire comme pays de destination ; que le requérant fait appel du jugement du 20 juillet 2017 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Considérant qu'à l'appui de sa demande, M. B...soutenait notamment que la décision lui refusant le droit au séjour méconnaissait les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, contrairement à ce que soutient le requérant, il ressort de l'examen du jugement attaqué que le tribunal administratif de Strasbourg, qui n'était pas tenu de répondre à l'ensemble des arguments exposés par les parties, s'est prononcé sur ce moyen ; que, par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que le jugement attaqué serait entaché d'une irrégularité sur ce point ;
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne la légalité de la décision portant refus de séjour :
3. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 411-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le ressortissant étranger qui séjourne régulièrement en France depuis au moins dix-huit mois (...) peut demander à bénéficier de son droit à être rejoint, au titre du regroupement familial, par son conjoint, si ce dernier est âgé d'au moins dix-huit ans, et les enfants du couple mineurs de dix-huit ans " ; qu'aux termes de l'article L. 411-2 du même code : " Le regroupement familial peut également être sollicité pour les enfants mineurs de dix-huit ans du demandeur et ceux de son conjoint dont, au jour de la demande, la filiation n'est établie qu'à l'égard du demandeur ou de son conjoint ou dont l'autre parent est décédé ou déchu de ses droits parentaux " ; qu'aux termes de l'article L. 411-5 de ce code : " Le regroupement familial ne peut être refusé que pour l'un des motifs suivants : 1° Le demandeur ne justifie pas de ressources stables et suffisantes pour subvenir aux besoins de sa famille (...) / 2° Le demandeur ne dispose pas ou ne disposera pas à la date d'arrivée de sa famille en France d'un logement considéré comme normal pour une famille comparable vivant dans la même région géographique ; / 3° Le demandeur ne se conforme pas aux principes essentiels qui, conformément aux lois de la République, régissent la vie familiale en France, pays d'accueil " ; qu'aux termes de l'article L. 411-6 du même code : " Peut être exclu du regroupement familial : (...) 3° Un membre de la famille résidant en France " ; qu'il résulte de ces dispositions que, lorsqu'il se prononce sur une demande tendant à la délivrance d'un titre de séjour au titre du regroupement familial, le préfet est en droit de rejeter cette demande alors même que le demandeur justifierait remplir l'ensemble des conditions légalement requises, dans le cas où le membre de sa famille à raison duquel la demande a été présentée réside, comme en l'espèce, sur le territoire français ; que le préfet dispose toutefois d'un pouvoir d'appréciation et n'est pas tenu de rejeter la demande, notamment dans le cas où ce refus porterait une atteinte excessive au droit de mener une vie familiale normale ou méconnaitrait l'intérêt supérieur de l'enfant, en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
4. Considérant, d'une part, qu'il est constant qu'à la date de la décision rejetant la demande de regroupement familial, M. B...résidait sur le territoire français et se trouvait ainsi au nombre des personnes pouvant être exclues du bénéfice d'une mesure de regroupement familial en vertu du 3° de l'article L. 411-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'il n'est pas établi que le préfet du Bas-Rhin, qui a notamment examiné les conséquences d'une éventuelle décision de refus de séjour au regard de la situation privée et familiale de l'intéressé en France, se serait estimé à tort dans l'obligation de prendre cette décision de refus au seul motif de sa présence en France ;
5. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ; qu'aux termes de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale " ; que selon l'article 10-1 de la même convention : " Conformément à l'obligation incombant aux Etats parties en vertu du paragraphe 1 de l'article 9, toute demande faite par un enfant ou ses parents en vue d'entrer dans un Etat partie ou de le quitter aux fins de réunification familiale est considérée par les Etats parties dans un esprit positif, avec humanité et diligence (...) " ;
6. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. B...résidait en France depuis moins de deux ans à la date de la décision contestée ; que si l'intéressé fait état de la présence en France de sa mère, de son frère et d'une de ses soeurs, il n'est pas contesté que son père et une autre de ses soeurs vivent en Côte d'Ivoire, pays dans lequel il a lui-même vécu jusqu'à l'âge de 17 ans ; qu'ainsi, M.B..., qui se borne à alléguer, sans l'établir, qu'il aurait des difficultés relationnelles avec son père et la compagne de celui-ci, n'est pas isolé dans son pays d'origine ; que dès lors, la décision du préfet du Bas-Rhin refusant de délivrer un titre de séjour à M. B...au titre du regroupement familial n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels cette décision a été prise et n'a pas non plus méconnu les stipulations précitées des articles 3-1 et 10 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ; qu'à cet égard, le requérant, qui a été placé en zone d'attente à son arrivée en France le 18 mai 2015, ne saurait se prévaloir de ce que, par une ordonnance du 21 mai 2015, le juge des référés du tribunal administratif de Strasbourg a enjoint au ministre de l'intérieur de le laisser entrer sur le territoire français au motif que son maintien en zone d'attente avait porté une atteinte grave et manifeste à son droit au respect de sa vie privée et familiale ;
7. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit " à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée " ;
8. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit au point 6 que M. B...résidait en France depuis moins de deux ans à la date de la décision contestée et ne justifie pas être dépourvu de toute attache dans son pays d'origine ; que par suite, le préfet du Bas-Rhin a pu refuser de délivrer un titre de séjour à M. B...sans méconnaître les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
9. Considérant, en troisième lieu, que si M. B...fait notamment état de sa présence et de ses liens familiaux en France, il ne justifie d'aucune considération humanitaire et d'aucun motif exceptionnel au sens de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
10. Considérant, en dernier lieu, qu'il résulte de ce qui a été dit aux points 4 et 6 du présent arrêt que le préfet du Bas-Rhin pouvait légalement refuser de délivrer un titre de séjour à M. B...au titre du regroupement familial, alors même que sa mère justifiait remplir les conditions prévues par l'article L. 411-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, dans ces conditions, le requérant ne saurait utilement se prévaloir de la circonstance qu'ayant atteint sa majorité à la date de la décision contestée, il ne pourra plus réitérer son admission au séjour à ce titre ; que, par suite, il n'est pas fondé à soutenir que la décision contestée serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
En ce qui concerne la légalité des décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination :
11. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. B...n'établit pas que la décision lui refusant le droit au séjour serait entachée d'illégalité ; que, par suite, il n'est pas fondé à soutenir que l'annulation de cette décision à raison de l'illégalité dont elle serait entachée aurait pour conséquence l'annulation des décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination ;
12. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions présentées à fin d'injonction et d'astreinte, ainsi que celles présentées sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ne peuvent qu'être rejetées ;
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Bas-Rhin.
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N° 17NC02167