Par une requête, enregistrée le 19 janvier 2018, M. B...A..., représenté par Me C..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Besançon du 2 novembre 2017 ;
2°) d'annuler les arrêtés du préfet du Doubs en date du 23 octobre 2017 ;
3°) d'enjoindre au préfet de réexaminer sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour lui permettant de saisir l'OFPRA, dans un délai de 8 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 800 euros, à verser à son conseil, sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- il n'a pas bénéficié de l'information prévue à l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ; il n'a pas compris la portée des informations qui lui ont été remises ;
- il n'a pas bénéficié de l'information prévue à l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;
- l'agent qui a mené l'entretien prévu à l'article 5 du règlement UE n° 604/2013 du Parlement et du Conseil du 26 juin 2013 n'était pas compétent ;
- l'arrêté portant remise aux autorités suédoises méconnaît les dispositions de l'article 17-1 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 et est entaché d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- l'arrêté portant assignation à résidence sera annulé par voie de conséquence, du fait de l'annulation de l'arrêté portant remise aux autorités suédoises.
Par un mémoire en défense, enregistré le 3 avril 2018, le préfet du Doubs conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir qu'aucun des moyens invoqués par le requérant n'est fondé.
M. B...A...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 19 décembre 2017.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme Haudier a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant que M.A..., ressortissant afghan né en 1997, est entré irrégulièrement en France au mois de mai 2017 ; qu'il a présenté une demande d'admission au séjour au titre de l'asile le 12 septembre 2017 ; que lors de l'examen de cette demande la comparaison du relevé décadactylaire de ses empreintes avec le fichier européen Eurodac a révélé que celles-ci avaient déjà été relevées en Suède ; qu'une demande de reprise en charge par les autorités suédoises a été présentée et acceptée le 26 septembre 2017 ; que, par un arrêté du 23 octobre 2017, le préfet du Doubs a décidé la remise de M. A...aux autorités suédoises en vue de l'examen de sa demande d'asile ; que, par un arrêté du même jour, il a assigné M. A...à résidence ; que M. A...relève appel du jugement du 2 novembre 2017, par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces deux arrêtés ;
2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 4 du règlement n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 : " Droit à l'information 1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un État membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement, et notamment : a) des objectifs du présent règlement et des conséquences de la présentation d'une autre demande dans un État membre différent ainsi que des conséquences du passage d'un État membre à un autre pendant les phases au cours desquelles l'État membre responsable en vertu du présent règlement est déterminé et la demande de protection internationale est examinée ; b) des critères de détermination de l'État membre responsable, de la hiérarchie de ces critères au cours des différentes étapes de la procédure et de leur durée, y compris du fait qu'une demande de protection internationale introduite dans un État membre peut mener à la désignation de cet État membre comme responsable en vertu du présent règlement même si cette responsabilité n'est pas fondée sur ces critères ; c) de l'entretien individuel en vertu de l'article 5 et de la possibilité de fournir des informations sur la présence de membres de la famille, de proches ou de tout autre parent dans les États membres, y compris des moyens par lesquels le demandeur peut fournir ces informations ; d) de la possibilité de contester une décision de transfert et, le cas échéant, de demander une suspension du transfert ; e) du fait que les autorités compétentes des États membres peuvent échanger des données le concernant aux seules fins d'exécuter leurs obligations découlant du présent règlement ; f) de l'existence du droit d'accès aux données le concernant et du droit de demander que ces données soient rectifiées si elles sont inexactes ou supprimées si elles ont fait l'objet d'un traitement illicite, ainsi que des procédures à suivre pour exercer ces droits, y compris des coordonnées des autorités visées à l'article 35 et des autorités nationales chargées de la protection des données qui sont compétentes pour examiner les réclamations relatives à la protection des données à caractère personnel. 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les États membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3. Si c'est nécessaire à la bonne compréhension du demandeur, les informations lui sont également communiquées oralement, par exemple lors de l'entretien individuel visé à l'article 5. (...) " ; qu'en vertu de l'article 5 de ce même règlement : " Entretien individuel : 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'État membre responsable, l'État membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4. / 2. (...) / 3. L'entretien individuel a lieu en temps utile et, en tout cas, avant qu'une décision de transfert du demandeur vers l'État membre responsable soit prise conformément à l'article 26, paragraphe 1. / 4. L'entretien individuel est mené dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend et dans laquelle il est capable de communiquer. Si nécessaire, les États membres ont recours à un interprète capable d'assurer une bonne communication entre le demandeur et la personne qui mène l'entretien individuel. / 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. / 6. L'État membre qui mène l'entretien individuel rédige un résumé qui contient au moins les principales informations fournies par le demandeur lors de l'entretien. Ce résumé peut prendre la forme d'un rapport ou d'un formulaire type. L'État membre veille à ce que le demandeur et/ou le conseil juridique ou un autre conseiller qui représente le demandeur ait accès en temps utile au résumé " ;
3. Considérant, d'une part, qu'il ressort des pièces du dossier et notamment du résumé d'entretien individuel produit par le préfet en première instance et signé par le requérant que ce dernier a bénéficié, le 12 septembre 2017, d'un entretien individuel, conformément aux dispositions de l'article 5 du règlement n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ; que cet entretien individuel a été réalisé à l'aide des services téléphoniques d'un interprète de la société ISM interprétariat en langue dari que l'intéressé a indiqué comprendre ; qu'enfin, si le requérant soutient que cet entretien a été réalisé par une personne qui n'était pas qualifiée, il ressort des pièces du dossier que l'entretien a été mené par un agent de la plate-forme de l'asile de la préfecture du Doubs ; que le requérant n'apporte aucun élément de nature à établir que cet agent de la préfecture n'était pas une " personne qualifiée en vertu du droit national " au sens de l'article 5 dudit règlement ; que, par suite, M . A...n'est pas fondé à soutenir que les dispositions de cet article auraient été méconnues ;
4. Considérant, d'autre part, qu'il ressort également des mentions portées sur le résumé de son entretien individuel que M. A...s'est vu remettre, lors de cet entretien, une brochure d'informations générales relatives aux demandeurs d'asile, un guide spécifique dédié à la procédure Dublin III, ainsi qu'un guide relatif au règlement Eurodac contenant l'ensemble des informations destinées aux demandeurs d'asile, relatives au relevé d'empreintes digitales à leur exploitation dans le système Eurodac ; que ces documents étaient rédigés en langue farsi, que M. A...a indiqué comprendre ; que des informations lui ont par ailleurs été communiquées oralement, lors de l'entretien individuel réalisé le 12 septembre 2017 ; que l'intéressé n'apporte aucun élément de nature à établir qu'il n'aurait pas été mis à même de comprendre la portée des informations qui lui ont alors été remises ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des obligations d'information prévues par l'article 4 du règlement n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 doit être écarté ;
5. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 17 du règlement n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque Etat membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement (...)" ;
6. Considérant, que M.A..., qui est entré en France en mai 2016 n'allègue pas avoir d'attaches en France ; que, par ailleurs, si le requérant soutient qu'il n'est pas établi que la Suède apportera une réponse positive à sa demande d'asile, qu'il risque d'être reconduit en Afghanistan et qu'il craint pour sa vie et sa liberté, ainsi que pour celles des membres de sa famille en cas de retour dans ce pays, il doit être présumé que le traitement réservé aux demandeurs d'asile en Suède est conforme aux exigences de la convention de Genève ainsi qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, alors que cet Etat est membre de l'Union Européenne et est partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New-York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'ainsi, il ne ressort des pièces du dossier ni que le préfet aurait dû faire usage du pouvoir que lui confère l'article 17 du règlement n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, ni que l'autorité administrative a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la décision litigieuse sur la situation personnelle de M. A...;
7. Considérant, en troisième et dernier lieu, que les moyens dirigés contre la décision portant remise aux autorités suédoises ayant été écartés, l'exception d'illégalité de cette décision invoquée par M. A...à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision l'assignant à résidence ne peut qu'être écartée par voie de conséquence ;
8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et ses conclusions présentées sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées ;
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. A...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...A...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Doubs.
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N° 18NC00169