Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 9 février 2018, M.A..., représenté par MeE..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 24 janvier 2018 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Haut-Rhin du 24 octobre 2017 ;
3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour pendant ce réexamen ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, à verser à Me E...en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Il soutient que :
- la décision portant rejet de sa demande de titre de séjour est signée par une autorité incompétente ;
- cette décision méconnaît les dispositions de l'article L. 313-11, 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire est signée par une autorité incompétente ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire n'est pas suffisamment motivée ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation familiale et personnelle ;
- l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français prive de base légale la décision fixant le pays de renvoi ;
- la décision fixant le pays de renvoi est signée par une autorité incompétente ;
- la décision fixant le pays de destination méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le préfet n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation avant de prendre la décision fixant le pays de destination ;
- le préfet s'est estimé lié par les décisions de l'OFPRA et de la CNDA et a méconnu l'étendue de sa compétence en fixant le pays de renvoi ;
- l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français prive de base légale la décision refusant un délai de départ volontaire ;
- la décision lui refusant un délai de départ volontaire est signée par une autorité incompétente ;
- la décision lui refusant un délai de départ volontaire entachée d'erreurs de fait, de droit et d'appréciation alors qu'il ne présentait pas de risque de fuite ;
- la décision lui refusant un délai de départ volontaire est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation familiale et personnelle ;
- l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français prive de base légale la décision portant interdiction de retour sur le territoire français ;
- la décision portant interdiction de retour sur le territoire français est signée par une autorité incompétente ;
- la décision portant interdiction de retour sur le territoire français est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.
M. A...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle par une décision du 17 avril 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme Haudier a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant que M.A..., ressortissant du Kosovo né en 1973, allègue être entré en France en 2009 ; que sa demande d'asile a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) du 16 avril 2010 confirmée par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) le 31 août 2012 ; qu'il a fait l'objet d'une première obligation de quitter le territoire le 2 octobre 2012 ; que l'intéressé a présenté, le 3 mai 2017, une demande de titre de séjour " salarié " sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par une décision du 2 août 2017, le préfet du Haut-Rhin a refusé de faire droit à cette demande ; que, par un arrêté du 24 octobre 2017, le préfet l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit et a pris à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans ; que M. A... relève appel du jugement du 24 janvier 2018 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ;
Sur la compétence de l'auteur de l'acte :
2. Considérant que par arrêté du 3 février 2015 régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture du Haut-Rhin le 5 février 2015, M. B...D..., directeur de la réglementation et des libertés publiques, a reçu délégation du préfet du Haut-Rhin à l'effet de signer, notamment, " Les décisions portant refus de séjour, refoulement, retrait de titre de séjour, obligations de quitter le territoire, refus d'accorder un délai de départ volontaire, abrogation du délai de départ volontaire, remise ou rétention des documents d'identité et de voyage, astreintes à se présenter régulièrement à l'autorité administrative ou aux services de police ou de gendarmerie, interdictions de retour sur le territoire français (...) " et " Les décisions fixant le pays de renvoi d'un étranger en situation irrégulière " ; que, par suite, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte ne peut être qu'écarté ;
Sur les autres moyens dirigés contre la décision implicite portant refus de titre de séjour :
3. Considérant que, contrairement à ce que soutient le requérant le préfet n'a pas, par l'arrêté attaqué, entendu implicitement refuser de lui délivrer un titre de séjour ; qu'en tout état de cause, en se bornant à soutenir sans autre précision qu'il aurait dû bénéficier des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le requérant n'établit pas que le préfet du Haut-Rhin aurait méconnu lesdites dispositions ; qu'en outre, il ne démontre pas que le préfet aurait commis une erreur manifeste d'appréciation en refusant de régulariser sa situation ;
Sur les autres moyens dirigés contre la décision portant obligation de quitter le territoire :
4. Considérant, en premier lieu, que contrairement à ce que soutient le requérant, l'arrêté attaqué mentionne sa date d'entrée en France ainsi que sa situation familiale ; que la décision litigieuse, dont la motivation n'est pas stéréotypée, comporte les considérations de fait et de droit qui en constituent le fondement ; qu'elle est, par suite, suffisamment motivée ;
5. Considérant, en deuxième lieu, qu'il ne ressort des pièces du dossier ni que le préfet n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation de M. A...avant de prendre à son encontre l'obligation de quitter le territoire contestée, ni qu'il se serait estimé tenu de prendre cette obligation de quitter le territoire suite au rejet de la demande d'asile de l'intéressé par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et la Cour nationale du droit d'asile ;
6. Considérant, en troisième lieu, que le moyen tiré de la violation des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, prohibant les traitements inhumains ou dégradants, est inopérant à l'encontre de l'obligation de quitter le territoire prise à l'encontre de M.A..., qui n'emporte pas, par elle-même, l'éloignement de l'intéressé à destination du Kosovo ;
7. Considérant en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;
8. Considérant que M. A...se prévaut de la durée de son séjour en France et de la présence de son épouse et de son enfant ; que, toutefois, le préfet a fait valoir en première instance que les époux sont séparés depuis plusieurs années ; que le requérant n'apporte aucun élément sur la relation qu'il entretient avec son enfant et sur le fait qu'il en assumerait la charge ; que, par ailleurs, l'intéressé a été condamné en 2015 à une peine de quatre ans d'emprisonnement pour trafic de stupéfiants et participation à une association de malfaiteurs ainsi qu'à une peine de trois mois de prison avec sursis pour vol avec violence ; que, par suite, il ne ressort pas des pièces du dossier que la décision attaquée a porté au droit de M. A...au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise ; que les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales n'ont ainsi pas été méconnues ; qu'il ne ressort, en outre, pas davantage des pièces du dossier que l'autorité administrative a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de cette décision sur la situation personnelle et familiale de M. A...;
Sur les autres moyens dirigés contre la décision portant refus d'un délai de départ volontaire :
9. Considérant, en premier lieu, que les moyens dirigés contre la décision portant obligation de quitter le territoire ayant été écartés, l'exception d'illégalité de cette décision invoquée par M. A...à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision lui refusant un délai de départ volontaire ne peut qu'être écartée par voie de conséquence ;
10. Considérant, en deuxième lieu, qu'en vertu du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : / 1° Si le comportement de l'étranger constitue une menace pour l'ordre public ; / 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : (...) d) Si l'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement ; (...) " ;
11. Considérant que si M. A...fait valoir que le préfet a entaché sa décision d'erreurs de fait, de droit et d'appréciation en considérant qu'il présentait un risque de fuite, il ressort des termes mêmes de l'arrêté attaqué que, pour lui refuser un délai de départ volontaire, le préfet ne s'est pas fondé sur l'existence d'un risque que M. A...se soustraie à l'obligation de quitter le territoire prise à son encontre mais sur la circonstance que sa présence sur le territoire français constituait une menace pour l'ordre public ; qu'ainsi, les moyens du requérant sont inopérants et ne peuvent être qu'écartés ;
12. Considérant, en troisième lieu, qu'eu égard notamment aux circonstances mentionnées au point 8, il ne ressort pas des pièces du dossier que la décision refusant à M. A...un délai de départ volontaire est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation familiale et personnelle de l'intéressé ;
Sur les autres moyens dirigés contre la décision fixant le pays de destination :
13. Considérant, en premier lieu, que les moyens dirigés contre la décision portant obligation de quitter le territoire ayant été écartés, l'exception d'illégalité de cette décision invoquée par M. A...à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision fixant le pays de renvoi ne peut qu'être écartée par voie de conséquence ;
14. Considérant, en deuxième lieu, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation de M. A...avant de prendre la décision fixant le pays de destination ou qu'il se serait estimé lié par les décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et de la Cour nationale du droit d'asile ;
15. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants " ;
16. Considérant que M. A...n'apporte aucun élément permettant de considérer comme établi qu'il encourrait personnellement des risques en cas de retour au Kosovo, alors qu'au demeurant, sa demande d'asile a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides confirmée par la Cour nationale du droit d'asile ; que, par suite, il ne ressort pas des pièces du dossier que la décision fixant le pays à destination duquel M. A...pourra être éloigné serait intervenue en violation des stipulations précitées ;
Sur les autres moyens dirigés contre la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans :
17. Considérant, en premier lieu, que les moyens dirigés contre la décision portant obligation de quitter le territoire ayant été écartés, l'exception d'illégalité de cette décision invoquée par M. A...à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision portant interdiction de retour sur le territoire français ne peut qu'être écartée par voie de conséquence ;
18. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) III. L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de sa notification, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger ou lorsque l'étranger n'a pas satisfait à cette obligation dans le délai imparti. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour. (...) La durée de l'interdiction de retour mentionnée au premier alinéa du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français (...) " ;
19. Considérant qu'eu égard notamment aux condamnations pénales dont a fait l'objet le requérant, qui portent sur des faits relativement récents, et alors qu'il ne conteste pas que la vie commune avec son épouse a cessé et qu'il s'est soustrait à une précédente mesure d'éloignement, le préfet a pu légalement prendre à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans ; que M. A...n'apporte aucun élément de nature à établir que des circonstances humanitaires auraient pu justifier que le préfet ne prononce pas d'interdiction de retour à son encontre ;
20. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, que M. A...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande ; que ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte et ses conclusions présentées sur le fondement des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent, par suite, être rejetées ;
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. A...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...A...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Haut-Rhin.
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N° 18NC00328