Par une requête, enregistrée le 29 janvier 2018, M.C..., représenté par MeA..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du président du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 19 octobre 2017 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Marne du 24 août 2017 ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Marne de lui délivrer un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat les dépens ainsi qu'une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, à verser à Me A...en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Il soutient que :
- le jugement est irrégulier dès lors que le sens des conclusions du rapporteur public n'a pas été mis en ligne sur Sagace avant l'audience ;
- le jugement est irrégulier dès lors que le tribunal n'a pas répondu au moyen tiré de ce qu'en prévoyant qu'il pourra être éloigné à destination de tout pays dans lequel il établirait être admissible, le préfet n'a pas fixé le pays de renvoi ;
- l'arrêté contesté est entaché d'incompétence dès lors que son auteur ne justifie pas d'une délégation régulière et que ce dernier s'est prononcé sur la proposition d'une autorité elle-même incompétente ;
- cet arrêté est insuffisamment motivé ;
- le préfet n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation ;
- les dispositions de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux ont été méconnues ;
- le préfet a commis une erreur de fait et une erreur de droit en refusant de lui délivrer une carte de résident sur le fondement des dispositions du 8° de l'article L. 314-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il est établi qu'il encourt des risques en cas de retour dans son pays d'origine ;
- les décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire méconnaissent les stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- les décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire méconnaissent les stipulations des articles 3-1 et 9 de la convention de New-York ;
- la décision fixant le pays de renvoi ne précise pas le pays à destination duquel il pourra être reconduit et méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
M. C...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 19 décembre 2017.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- la convention relative aux droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme Haudier a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant que M.C..., ressortissant nigérian né en 1985, est entré irrégulièrement en France au mois d'août 2015 ; que sa demande d'asile a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) du 8 novembre 2016 confirmée par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) le 19 juin 2017 ; que, par un arrêté du 24 août 2017, le préfet de la Marne a rejeté la demande de carte de résident en qualité de réfugié présentée par M.C..., l'a obligé à quitter le territoire dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné à l'expiration de ce délai ; que M. C... relève appel du jugement du 19 octobre 2017 par lequel le président du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ;
Sur la régularité du jugement :
2. Considérant, en premier lieu, qu'en vertu des dispositions de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I bis.-L'étranger qui fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français sur le fondement des 1°, 2°, 4° ou 6° du I de l'article L 511-1 et qui dispose du délai de départ volontaire mentionné au premier alinéa du II du même article L. 511-1 peut, dans un délai de quinze jours à compter de sa notification, demander au président du tribunal administratif l'annulation de cette décision, ainsi que l'annulation de la décision mentionnant le pays de destination et de la décision d'interdiction de retour sur le territoire français qui l'accompagnent le cas échéant. (...) Le président du tribunal administratif ou le magistrat qu'il désigne à cette fin parmi les membres de sa juridiction ou parmi les magistrats honoraires inscrits sur la liste mentionnée à l'article L. 222-2-1 du code de justice administrative statue dans un délai de six semaines à compter de sa saisine. (...) L'audience est publique. Elle se déroule sans conclusions du rapporteur public, en présence de l'intéressé, sauf si celui-ci, dûment convoqué, ne se présente pas.(...) "
3. Considérant que si M. C...soutient que le jugement doit être annulé au motif que le sens des conclusions du rapporteur public n'a pas été mis en ligne sur Sagace avant l'audience, le président du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a statué sur cette affaire selon la procédure prévue par les dispositions précitées du I bis de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui prévoient notamment que l'audience se déroule sans conclusions du rapporteur public ; qu'ainsi, le moyen ne pourra être qu'écarté ;
4. Considérant, en second lieu, que le tribunal a répondu au moyen invoqué par M. C..., à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision fixant le pays de renvoi, tiré de ce que cette décision ne précisait pas le pays à destination duquel il pourra être reconduit ; qu'ainsi M. C... n'est pas fondé à soutenir que le jugement attaqué est intervenu au terme d'une procédure irrégulière au motif que le tribunal administratif aurait omis de statuer sur un moyen ;
Sur le bien-fondé du jugement :
5. Considérant, en premier lieu, que M. Gaudin, secrétaire général de la préfecture de la Marne, était titulaire, à la date de la décision attaquée, d'une délégation de signature du préfet de la Marne du 18 juillet 2016, régulièrement publiée au recueil des actes administratifs du même jour à l'effet de signer tous arrêtés et décisions relevant des attributions du représentant de l'Etat dans le département à l'exception de certains actes au nombre desquels ne figurent pas les décisions attaquées ; que, contrairement à ce que soutient M.C..., la circonstance que la décision a été prise sur proposition du secrétaire général ne permet pas de considérer que la décision n'aurait pas été prise par le préfet et demeure sans incidence sur l'exercice par le préfet de sa propre compétence et, par voie de délégation, par le secrétaire général lui-même ;
6. Considérant, en deuxième lieu, que l'arrêté attaqué qui a été pris, suite au rejet de la demande d'asile de M.C..., sur le fondement notamment du 6° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, mentionne, avec une précision suffisante pour permettre au requérant d'en comprendre les motifs et dépourvue de caractère stéréotypé, les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement ; qu'il est ainsi et alors même qu'il n'indique pas la situation matrimoniale de l'intéressé, suffisamment motivé ;
7. Considérant, en troisième lieu, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation de M. C...avant de prendre l'arrêté litigieux ;
8. Considérant, en quatrième lieu, que si, aux termes de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions et organes de l'Union. / Ce droit comporte notamment : / - le droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre ; (...) ", il résulte de la jurisprudence de la Cour de Justice de l'Union européenne que cet article s'adresse non pas aux Etats membres mais uniquement aux institutions, organes et organismes de l'Union ; qu'ainsi, le moyen tiré de leur violation par une autorité d'un Etat membre est inopérant ;
9. Considérant, toutefois, qu'il résulte également de la jurisprudence de la Cour de Justice que le droit d'être entendu fait partie intégrante du respect des droits de la défense, principe général du droit de l'Union ; qu'il appartient aux Etats membres, dans le cadre de leur autonomie procédurale, de déterminer les conditions dans lesquelles le respect de ce droit est assuré ; que ce droit se définit comme celui de toute personne de faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue au cours d'une procédure administrative avant l'adoption de toute décision susceptible d'affecter de manière défavorable ses intérêts ; qu'il ne saurait cependant être interprété en ce sens que l'autorité nationale compétente est tenue, dans tous les cas, d'entendre l'intéressé lorsque celui-ci a déjà eu la possibilité de présenter, de manière utile et effective, son point de vue sur la décision en cause ;
10. Considérant que lorsqu'il sollicite la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour, l'étranger, en raison même de l'accomplissement de cette démarche qui tend à son maintien régulier sur le territoire français, ne saurait ignorer qu'en cas de refus, il pourra faire l'objet d'une mesure d'éloignement ; qu'à l'occasion du dépôt de sa demande, il est conduit à préciser à l'administration les motifs pour lesquels il demande que lui soit délivré un titre de séjour et à produire tous éléments susceptibles de venir au soutien de cette demande ; qu'il lui appartient, lors du dépôt de cette demande, lequel doit en principe faire l'objet d'une présentation personnelle du demandeur en préfecture, d'apporter à l'administration toutes les précisions qu'il juge utiles ; qu'il lui est loisible, au cours de l'instruction de sa demande, de faire valoir auprès de l'administration toute observation complémentaire utile, au besoin en faisant état d'éléments nouveaux ; que le droit de l'intéressé d'être entendu, ainsi satisfait avant que n'intervienne le refus de titre de séjour, n'impose pas à l'autorité administrative de mettre l'intéressé à même de réitérer ses observations ou de présenter de nouvelles observations, de façon spécifique, sur l'obligation de quitter le territoire français qui est prise concomitamment ;
11. Considérant que M. C...a sollicité son admission au séjour au titre de l'asile ; qu'il n'apporte aucun élément de nature à établir qu'il n'aurait pas pu présenter les observations sur sa situation qu'il estimait utiles dans le cadre de l'examen de cette demande de titre de séjour au titre de l'asile ; que, par suite, il ne peut pas être regardé comme ayant été privé de son droit à être entendu garanti par le droit de l'Union ;
12. Considérant, en cinquième lieu, que le 8° de l'article L. 314-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit que " Sauf si la présence de l'étranger constitue une menace pour l'ordre public, la carte de résident est délivrée de plein droit, sous réserve de la régularité du séjour : (...) A l'étranger reconnu réfugié en application du livre VII " ; qu'aux termes de l'article L. 713-2 du même code, inséré au livre VII : " La qualité de réfugié est reconnue et le bénéfice de la protection subsidiaire est accordé par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides dans les conditions prévues au chapitre III du titre II du présent livre. Ils peuvent également l'être par la Cour nationale du droit d'asile dans les conditions prévues au chapitre III du titre III du présent livre " ;
13. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que la carte de résident délivrée sur le fondement des dispositions du 8° de l'article L. 314-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peut l'être qu'aux étrangers qui se sont vu reconnaître la qualité de réfugié ; qu'ainsi, le préfet n'a pas commis d'erreur de droit ou de fait en refusant de délivrer à M. C...le titre de séjour prévu par ces dispositions au motif que sa demande d'asile avait été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 8 novembre 2016 confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 19 juin 2017 ;
14. Considérant, en sixième lieu, que dans le cas où le préfet se borne à rejeter une demande d'autorisation de séjour présentée uniquement au titre de l'asile, sans examiner d'office d'autres motifs d'accorder un titre à l'intéressé, ce dernier ne peut utilement soulever, devant le juge de l'excès de pouvoir saisi de conclusions tendant à l'annulation de la décision de refus du préfet, des moyens de légalité interne sans rapport avec la teneur de la décision contestée ; qu'ainsi, notamment, le moyen tiré de la méconnaissance du droit au respect de la vie privée et familiale garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales est inopérant à l'appui du recours formé contre une décision de refus motivée uniquement par le rejet de la demande d'asile ou de la protection subsidiaire, l'invocation des stipulations de l'article 8 étant sans incidence sur l'appréciation que doit porter l'autorité administrative sur les conditions posées aux 1° et 8° des articles L. 313-13 et L. 314-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour la délivrance des autorisations de séjour demandées au titre de l'asile ou de la protection subsidiaire ; que, par suite, M. C...ne peut utilement soutenir que la décision lui refusant un titre de séjour sur le fondement des dispositions du 8° de l'article L. 314-11 méconnaît ces stipulations ;
15. Considérant, en septième lieu, que si M. C...peut, en revanche, se prévaloir des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales pour contester l'obligation de quitter le territoire prise à son encontre, il ne ressort pas des pièces du dossier que cette décision a porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise ; que, notamment, sa compagne se trouve également en situation irrégulière et M. C...n'apporte aucun élément de nature à établir qu'elle ne pourrait pas bénéficier d'un traitement adapté à son état de santé au Nigéria ; que, par ailleurs, M. C...n'est entré en France qu'au mois d'août 2015 et n'établit pas que sa cellule familiale ne peut pas se reconstituer au Nigéria où il a vécu jusqu'à l'âge de 30 ans ; que le préfet n'a, ainsi, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en prenant l'obligation de quitter le territoire litigieuse ;
16. Considérant, en huitième lieu, qu'il résulte des stipulations du paragraphe premier de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant que l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant ; qu'en l'espèce, il n'est établi ni que la cellule familiale de M. C...ne peut pas se reconstituer au Nigéria, ni que ses enfants actuellement scolarisés ne pourront pas y poursuivre leur scolarité ; que, par suite, il ne ressort pas des pièces du dossier que les stipulations du paragraphe premier de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant et, en tout état de cause, celles de l'article 9, auraient été méconnues ;
17. Considérant, en neuvième lieu, que le moyen tiré de la violation des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, prohibant les traitements inhumains ou dégradants, est inopérant à l'encontre des décisions portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire qui n'emportent pas, par elles-mêmes, l'éloignement du requérant à destination du Nigéria ;
18. Considérant, en dixième lieu, que l'arrêté litigieux fixe le pays d'origine de M. C... comme pays à destination duquel il pourra être reconduit ; que le préfet a ainsi nécessairement désigné le Nigéria comme pays de destination ; qu'en outre, la circonstance que le préfet a indiqué dans son arrêté que M. C...pourrait également être reconduit à destination de tout autre pays où il établirait être légalement admissible n'est pas de nature à entacher d'illégalité la décision attaquée ;
19. Considérant, en onzième et dernier lieu, que les éléments dont se prévaut M. C..., qui ont été produits devant la Cour nationale du droit d'asile, ne permettent pas de regarder comme établi qu'il encourrait personnellement des risques en cas de retour au Nigéria ; qu'au demeurant, sa demande d'asile a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides confirmée par la Cour nationale du droit d'asile ; que, par suite, il ne ressort pas des pièces du dossier que la décision fixant le Nigéria comme pays à destination duquel M. C... pourra être éloigné aurait méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
20. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, que M. C...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le président du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande ; que ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte et ses conclusions présentées sur le fondement des dispositions des articles R. 761-1 et L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent, par suite, être rejetées ;
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. C...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...C...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Marne.
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N° 18NC00252