Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 9 juillet 2015, Mme A...C..., représentée par Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nancy du 5 février 2015 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de Meurthe-et-Moselle du 4 juin 2014 ;
3°) d'enjoindre, à titre principal, au préfet de Meurthe-et-Moselle de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans le même délai et dans l'attente de ce réexamen ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, à verser à Me B...sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- sa requête a été introduite dans le délai de recours contentieux ;
En ce qui concerne le refus de titre de séjour :
- cette décision est insuffisamment motivée ;
- le préfet n'a pas procédé à l'examen de sa situation personnelle ;
- cette décision méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
- cette décision est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour ;
- la décision a été prise en méconnaissance du droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre, principe général du droit communautaire et issu de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le préfet s'est estimé en situation de compétence liée pour prendre la mesure d'éloignement et n'a pas vérifié si la décision contestée aurait des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur sa situation personnelle ;
- la décision contestée porte une atteinte disproportionnée à son droit à une vie privée et familiale ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
- cette décision est illégale par voie de conséquence de l'illégalité des précédentes décisions ;
- elle n'est pas suffisamment motivée ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 4 février 2016, le préfet de Meurthe-et-Moselle conclut au rejet de la requête en se référant aux arguments présentés dans son mémoire de première instance.
Mme C...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 28 mai 2015.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement convoquées à l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de M. Fuchs a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant que MmeC..., ressortissante russe née le 10 février 1986, est entrée irrégulièrement en France le 22 mai 2012, selon ses déclarations, afin d'y solliciter la reconnaissance de la qualité de réfugié ; que l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) a rejeté sa demande d'asile le 25 février 2013, décision confirmée par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) le 16 avril 2014 ; que par l'arrêté contesté, en date du 4 juin 2014, le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé de l'admettre au séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être éloignée ; que la requérante relève appel du jugement du 5 février 2015 par lequel le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ;
Sur les conclusions dirigées contre le refus de titre de séjour :
2. Considérant, en premier lieu, que la décision contestée comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement ; qu'elle comporte en particulier des éléments précis et détaillés sur la situation personnelle de l'intéressée ; qu'elle est ainsi suffisamment motivée ;
3. Considérant, en deuxième lieu, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier, en particulier des termes de la décision contestée, que le préfet n'aurait pas procédé à un examen de la situation personnelle de MmeC... ;
4. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales susvisée : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ; qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : [...] 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus " ;
5. Considérant que Mme C...n'était présente sur le territoire français que depuis deux ans à la date de la décision en litige ; qu'elle n'établit pas ne plus avoir d'attaches en Russie, pays dans lequel elle a vécu jusqu'à l'âge de 26 ans ; que si elle fait valoir que ses deux enfants sont nés en France, respectivement en février 2013 et juin 2014, l'arrêté contesté n'a pas pour conséquence de séparer la requérante, qui est célibataire, de ses enfants ; qu'ainsi, eu égard à la durée et aux conditions de son séjour sur le territoire et en dépit de l'intégration dans la société française dont se prévaut l'intéressée, la décision de refus de séjour n'a pas porté au droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels elle a été prise ; que, par suite, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations et dispositions précitées ne peuvent être accueillis ; que, pour les mêmes motifs, Mme C...n'est pas fondée à soutenir que le préfet aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de cette décision sur sa situation personnelle ;
Sur les conclusions dirigées contre l'obligation de quitter le territoire français :
6. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de ce qui précède que Mme C...n'est pas fondée à demander l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français par voie de conséquence de l'illégalité de la décision de refus de séjour ;
7. Considérant, en second lieu, que la requérante reprend en appel et sans apporter d'éléments nouveaux les moyens tirés de la méconnaissance de son droit d'être entendu ainsi que de l'erreur de droit commise par le préfet qui se serait cru en situation de compétence liée pour prendre la décision en litige ; que ces moyens doivent être écartés par adoption des motifs retenus par le tribunal administratif de Nancy ;
8. Considérant, en dernier lieu, que pour les mêmes motifs que ceux mentionnés au point 5 du présent arrêt, les moyens tirés de ce que la décision en litige porterait une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale et serait entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle doivent être écartés ;
Sur les conclusions dirigées contre la décision fixant le pays de destination :
9. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de ce qui précède que Mme C...n'est pas fondée à demander l'annulation de la décision fixant le pays de destination par voie de conséquence de l'illégalité de la décision de refus de séjour et de celle portant obligation de quitter le territoire français ;
10. Considérant, en deuxième lieu, que la requérante se borne à reprendre en appel et sans apporter d'élément nouveau le moyen tiré du défaut de motivation de la décision fixant le pays de destination ; qu'il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus par le tribunal administratif de Strasbourg ;
11. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales susvisée : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des traitements inhumains ou dégradants " ; qu'aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 " ;
12. Considérant que la requérante fait valoir qu'elle a été agressée par des policiers et des skinheads en Russie en raison de ses origines caucasiennes, comme l'ont été d'autres membres de sa famille, et qu'elle ne peut bénéficier d'une protection suffisante dans ce pays ; que, toutefois, les pièces qu'elle verse au dossier ne permettent pas d'établir la réalité des persécutions alléguées ; qu'en particulier, la transcription de l'entretien du 11 janvier 2013 avec un officier de protection met en lumière les imprécisions et les confusions entachant son récit, qui ont également été relevées par la CNDA dans sa décision du 16 avril 2014 ; que, par suite, le moyen tiré de la violation des stipulations et dispositions précitées doit être écarté ;
13. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme C...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées ;
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme C...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...C...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de Meurthe-et-Moselle.
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N° 15NC01528