Procédure devant la cour :
I. Par une requête enregistrée le 26 février 2016 sous le n° 16NC00370, le préfet du Bas-Rhin demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 28 janvier 2016 ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. C...devant ce tribunal.
Il soutient que son arrêté ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors que, contrairement à ce que le tribunal a retenu, M. C...n'a pas de lien avec son père mais vit avec sa mère en situation irrégulière et qu'il témoigne d'un manque d'investissement dans son projet professionnel.
Par un mémoire en défense, enregistré le 25 novembre 2016, M.C..., représenté par MeB..., conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 1 200 euros soit mise à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que les moyens soulevés par le préfet ne sont pas fondés.
II. Par une requête enregistrée le 26 février 2016 sous le n° 16NC00371, le préfet du Bas-Rhin demande à la cour de prononcer le sursis à l'exécution du jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 28 janvier 2016.
Il soutient que les moyens qu'il soulève contre le jugement du tribunal administratif de Strasbourg sont sérieux et de nature à justifier son annulation, ainsi que le rejet des conclusions à fin d'annulation accueillies par ce jugement, de sorte que les conditions de l'article R. 811-15 du code de justice administratif sont réunies.
Le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale accordée à M. C...en première instance a été maintenu de plein droit par une décision du 8 décembre 2016
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement convoquées à l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme Dhiver a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant que les requêtes n° 16NC00370 et n° 16NC00371, présentées par le préfet du Bas-Rhin tendent, d'une part, à l'annulation et, d'autre part, au sursis à exécution du même jugement ; qu'il y a lieu de les joindre pour qu'elles fassent l'objet d'un seul arrêt ;
2. Considérant que M.C..., ressortissant géorgien né le 30 décembre 1996, est entré régulièrement en France le 23 août 2011 en compagnie de sa mère, qui a sollicité la reconnaissance de la qualité de réfugié ; que, devenu majeur, M. C...a sollicité, par courrier daté du 23 décembre 2014, la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en se prévalant de son inscription dans une formation diplômante de carreleur-mosaïste ; que, par arrêté du 23 juillet 2015, le préfet du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être éloigné à l'issue de ce délai ; que, par jugement du 28 janvier 2016, dont le préfet du Bas-Rhin relève appel et demande le sursis à exécution, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé cet arrêté ;
Sur les conclusions de la requête n° 16NC00370 :
En ce qui concerne le moyen d'annulation retenu par le tribunal administratif :
3. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1- Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2- Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;
4. Considérant que, pour annuler l'arrêté du 23 juillet 2015 du préfet du Bas-Rhin au motif qu'il méconnaît les stipulations de l'article 8 convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, le tribunal administratif de Strasbourg a retenu que M. C...est entré en France en 2011 à l'âge de 14 ans, que ses parents y résident et qu'il est bien intégré dans la société française ;
5. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. C...a été pris en charge par les services de l'aide sociale à l'enfance de septembre 2014 jusqu'au 30 décembre 2014, date à laquelle l'intéressé a atteint sa majorité ; qu'il indique résider désormais avec ses deux parents dans un lieu d'hébergement stable depuis le mois d'avril 2015 ; que, toutefois, la mère de l'intimé, avec laquelle il est venu en France en 2011, est en situation irrégulière et a fait l'objet d'une mesure d'éloignement le 7 juillet 2014, dont la légalité a été confirmée par la cour ; que si le père de M. C... a été admis temporairement au séjour en qualité d'étranger malade, il n'est pas établi qu'il a entretenu des liens constamment étroits avec son fils depuis son arrivée en France, ni que la présence de son fils à ses côtés serait indispensable ; que si M. C... se prévaut également de sa scolarisation en première année de CAP de carreleur-mosaïste, il ressort des pièces du dossier qu'il a été très souvent absent sans justification au cours de l'année scolaire 2014/2015 ; que ces absences, qui traduisent un manque d'investissement dans son projet professionnel, ont conduit le conseil départemental du Bas-Rhin à lui refuser le bénéfice du dispositif du contrat jeune majeur ; que, dans les circonstances de l'espèce, l'arrêté litigieux n'a pas porté au droit de M. C...au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris ; que le préfet du Bas-Rhin est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a retenu ce motif pour annuler son arrêté du 23 juillet 2015 ;
6. Considérant qu'il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. C...devant le tribunal administratif de Strasbourg ;
En ce qui concerne le refus de titre de séjour :
7. Considérant que pour les mêmes motifs que ceux retenus au point 5 du présent arrêt, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de Bas-Rhin aurait entaché sa décision refusant un titre de séjour à M. C...d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressé ;
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
8. Considérant, d'une part, que les moyens dirigés contre la décision de refus de titre de séjour ayant été écartés, l'exception d'illégalité de cette décision invoquée par M. C...à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision portant obligation de quitter le territoire français ne peut qu'être écartée par voie de conséquence ;
9. Considérant, d'autre part, que pour les mêmes motifs que ceux retenus au point 5, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation ne peuvent qu'être écartés ;
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le moyen, invoqué par voie d'exception, tiré de l'illégalité des décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français doit être écarté ;
11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le préfet du Bas-Rhin est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé son arrêté du 23 juillet 2015 ; que, par voie de conséquence, les conclusions présentées par M. C...sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées ;
Sur les conclusions de la requête n° 16NC00371 :
12. Considérant que le présent arrêt statuant sur les conclusions à fin d'annulation du jugement attaqué, il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions à fin de sursis à exécution présentées par le préfet du Bas-Rhin contre ce même jugement ;
D E C I D E :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête n° 16NC00371 du préfet du Bas-Rhin.
Article 2 : Le jugement n° 1505987 du 28 janvier 2016 du tribunal administratif de Strasbourg est annulé.
Article 3 : La demande présentée par M. C...devant le tribunal administratif de Strasbourg et ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative devant la cour sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. A...C....
Copie en sera adressée au préfet du Bas-Rhin, pour information.
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Nos 16NC00370, 16NC00371