Procédure devant la cour :
       I. Par une requête, enregistrée le 10 août 2018, le préfet de la Marne demande à la cour :
       1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 9 juillet 2018 ;
       2°) de rejeter la demande présentée par Mme A...devant le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne.
       Il soutient que :
       - c'est à tort que le tribunal a considéré que les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile avaient été méconnues ;
       - Mme A...n'établit pas qu'un défaut de prise en charge médicale pourrait avoir pour elle des conséquences d'une exceptionnelle gravité ;
       - il existe un traitement approprié à ses pathologies dans son pays d'origine. 
       Par un mémoire, enregistré le 30 octobre 2018, Mme B...A..., représentée par Me C..., conclut au rejet de la requête.
       Elle soutient qu'aucun des moyens invoqués par le préfet n'est pas fondé. 
       Vu les autres pièces du dossier.
       Vu :
       - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; 
       - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
       - le code des relations entre le public et l'administration ;
       - l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
       - le code de justice administrative.
       Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
       Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
       Le rapport de Mme Haudier a été entendu au cours de l'audience publique.
       Considérant ce qui suit :
       1. Mme B...A..., ressortissante guinéenne née en 1989, a déclaré être entrée en France en 2012. Sa demande d'asile a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) du 30 juin 2014, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) le 30 janvier 2015. Sa demande de réexamen a également été rejetée, tant par l'OFPRA que par la CNDA, par des décisions du 29 juillet et du 4 février 2016. Mme A...a présenté une demande de titre de séjour en se prévalant de son état de santé. Par un arrêté du 17 avril 2018, le préfet de la Marne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourrait être éloignée à l'expiration de ce délai. Le préfet relève appel du jugement du 9 juillet 2018 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a annulé cet arrêté. 
       Sur le bien-fondé du jugement : 
       2. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention 'vie privée et familiale' est délivrée de plein droit : (...) / 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. (...) ". 
       3. Il ressort des pièces du dossier que pour refuser de délivrer un titre de séjour à Mme A... sur le fondement des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile le préfet, qui s'est référé à l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) du 19 mars 2018, a considéré que, si l'état de santé de l'intéressée nécessitait une prise en charge médicale, le défaut d'une telle prise en charge ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité. 
       4. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. En cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile.
       5. Par un avis du 19 mars 2018, le collège de médecins de l'OFII a estimé que l'état de santé de Mme A...nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Il ressort, toutefois, des pièces médicales produites par Mme A...en première instance et en appel et notamment des certificats médicaux établis par le psychiatre qui la suit, qu'elle présente un syndrome post-traumatique sévère et ancien qui nécessite un traitement psychotrope lourd ainsi qu'un suivi psychiatrique. Le certificat médical produit en appel et daté du 23 septembre 2018 indique, en outre, que " la sévérité de la pathologie nécessite un traitement psychotrope lourd associant Paroxetine (antidépresseur), Seresta (anxiolytique), Propranolol (bétabloquant utilisé dans le traitement adjuvant des manifestation neurovégétatives du syndrome post traumatique), Quetiapine (neuroleptique de dernière génération) " et que " ce traitement permet un équilibre relatif et prévient le risque suicidaire, prégnant, sans l'écarter complètement ". Il précise également qu'" un arrêt des soins aurait des conséquences d'une exceptionnelle gravité ". Si certains de ces documents sont postérieurs à la date de l'arrêté litigieux, ils peuvent être pris en compte dès lors qu'ils décrivent l'état de santé de l'intéressée avant cette date. Pour contester ces éléments, le préfet se borne, comme en première instance, à se prévaloir de l'avis du collège de médecins de l'OFII sans apporter d'autres éléments. Par suite, il ne ressort pas des pièces du dossier que le défaut de prise en charge médicale n'entraînerait pas pour Mme A...des conséquences d'une exceptionnelle gravité. 
       6. L'administration peut, en première instance comme en appel, faire valoir devant le juge de l'excès de pouvoir que la décision dont l'annulation est demandée est légalement justifiée par un motif, de droit ou de fait, autre que celui initialement indiqué, mais également fondé sur la situation existant à la date de cette décision. Il appartient alors au juge, après avoir mis à même l'auteur du recours de présenter ses observations sur la substitution ainsi sollicitée, de rechercher si un tel motif est de nature à fonder légalement la décision, puis d'apprécier s'il résulte de l'instruction que l'administration aurait pris la même décision si elle s'était fondée initialement sur ce motif. Dans l'affirmative il peut procéder à la substitution demandée, sous réserve toutefois qu'elle ne prive pas le requérant d'une garantie procédurale liée au motif substitué.
       7. Le préfet se prévaut en appel de l'existence d'un traitement approprié aux pathologies dont souffre Mme A...en Guinée et produit à l'appui de ses allégations des extraits de la fiche " Medical Country of Origin Information " établie pour la Guinée et rédigée en langue anglaise. Il peut être regardé comme se prévalant de cet autre motif pour établir que la décision litigieuse était légale. Toutefois, en l'absence notamment d'avis du collège de médecins de l'OFII sur ce point et compte tenu des informations contenues dans le document dont il se prévaut et dont la première phrase précise que les possibilités de bénéficier de soins médicaux pour des pathologies psychiatriques en Guinée sont très limitées, les seuls éléments produits par le préfet ne permettent pas de considérer que Mme A...pourrait effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine. Il ne résulte ainsi pas de l'instruction que le préfet aurait pris la même décision s'il avait entendu se fonder initialement sur ce second motif.
       8. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de la Marne n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a annulé l'arrêté du 17 avril 2018. 
D E C I D E :
       Article 1er : La requête du préfet de la Marne est rejetée.
       Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B...A...et au ministre de l'intérieur.
       Copie en sera adressée au préfet de la Marne.
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N° 18NC02249