Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 11 octobre 2018, M. A...B..., représenté par Me Gangloff, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 7 juin 2018 ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 29 mai 2018 par lequel le préfet du Bas-Rhin lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit ;
3°) d'enjoindre au préfet du Bas-Rhin de réexaminer sa demande dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 800 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- son droit d'être entendu, garanti par le droit de l'Union européenne, a été méconnu ;
- le jugement est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation concernant un trafic de stupéfiants alors qu'il était simple consommateur.
Le préfet du Bas-Rhin n'a pas produit de mémoire en défense.
M. B...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle totale par décision du 11 septembre 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Barteaux a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M.B..., ressortissant algérien, né en 1993, est entré régulièrement en France en 2014, muni d'un titre de séjour italien en cours de validité. Son interpellation par les services de gendarmerie de Saverne, le 29 mai 2018, a révélé son maintien irrégulier sur le territoire français. Par un arrêté du 29 mai 2018, le préfet du Bas-Rhin lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays de destination. Par un second arrêté du même jour, le préfet l'a assigné à résidence. Le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté, par un jugement du 7 juin 2018 dont M. B...fait appel, sa demande tendant à l'annulation de la seule décision d'éloignement.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Le droit d'être entendu préalablement à l'adoption d'une décision de retour implique que l'autorité administrative mette le ressortissant étranger en situation irrégulière à même de présenter, de manière utile et effective, son point de vue sur l'irrégularité du séjour et les motifs qui seraient susceptibles de justifier que l'autorité s'abstienne de prendre à son égard une décision de retour. Ce droit n'implique pas systématiquement l'obligation, pour l'administration, d'organiser, de sa propre initiative, un entretien avec l'intéressé, ni même d'inviter ce dernier à produire ses observations, mais suppose seulement que, informé de ce qu'une décision lui faisant grief est susceptible d'être prise à son encontre, il soit en mesure de présenter spontanément des observations écrites ou de solliciter un entretien pour faire valoir ses observations orales. Une atteinte à ce droit n'est susceptible d'affecter la régularité de la procédure à l'issue de laquelle la décision faisant grief est prise que si la personne concernée a été privée de la possibilité de présenter des éléments pertinents qui auraient pu influer sur le contenu de la décision, ce qu'il lui revient, le cas échéant, d'établir devant la juridiction.
3. M. B...soutient en appel que son droit d'être entendu n'a pas été respecté. Il ressort des pièces du dossier que l'intéressé a été interpellé par les services de la gendarmerie le 29 mai 2018 et entendu, dans le cadre d'une commission rogatoire, sur un trafic de produits stupéfiants. Le procès-verbal de l'audition de l'intéressé, produit en première instance par le préfet, démontre que le requérant n'a pas été informé de l'éventualité, à l'issue de l'audition, d'une mesure d'éloignement du territoire français. La décision contestée méconnaît ainsi le droit d'être entendu, tel qu'énoncé au 2 de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, et doit, pour ce motif, être annulée.
4. Il résulte de tout ce qui précède que M. B...est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 29 mai 2018 portant obligation de quitter le territoire français.
Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :
5. L'annulation prononcée par le présent arrêt implique le réexamen de la situation de M.B.... Il y a lieu d'enjoindre au préfet du Bas-Rhin de procéder à ce réexamen, dans le délai d'un mois suivant la notification de cet arrêt. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais de l'instance :
6. M. B...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Gangloff, avocat de M.B..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Gangloff de la somme de 1 500 euros.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 7 juin 2018 et la décision du préfet du Bas-Rhin du 29 mai 2018 portant obligation de quitter le territoire français sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet du Bas-Rhin de réexaminer la situation de M. B... dans un délai d'un mois suivant la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à Me Gangloff une somme de 1 500 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Gangloff renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...B...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée pour information au préfet du Bas-Rhin.
N° 18NC02769 2