Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 15 octobre 2018, le préfet du Haut-Rhin demande à la cour d'annuler ce jugement et de rejeter la demande de M.B....
Il soutient que :
- la requête est recevable ;
- le tribunal a commis une erreur de droit en estimant que les précédentes mesures d'éloignement n'étaient plus valables et que, par suite, la procédure dérogatoire prévue aux 9 à 11 de l'arrêté du 27 décembre 2016 n'étaient pas applicables ;
- M. B...a été informé de la mise en oeuvre des dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; il n'a été, en tout état de cause, privé d'aucune garantie par l'absence de rapport du médecin instructeur ; cette absence de rapport n'a eu aucune influence sur le sens de la décision ;
- les conditions pour la délivrance d'un titre de séjour pour raison de santé sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code précité ne sont pas remplies ;
- M. B...ne justifie pas de l'intensité de ses liens en France ;
- il ne justifie pas faire partie des ressortissants étrangers pouvant bénéficier des dispositions de l'article L. 511-4 du même code.
Par un mémoire, enregistré le 28 janvier 2019, M. A...B..., représentée par Me Sabatakakis, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la demande était recevable ;
- les moyens de la requête ne sont pas fondés ;
- la mesure d'éloignement n'était plus valable dès lors qu'elle remontait à plus d'un an ;
- le préfet n'a pas été en mesure de vérifier que le médecin instructeur n'a pas siégé au sein du collège de médecins de l'OFII ;
- la preuve de la régularité de la désignation des trois médecins du collège de l'OFII n'est pas établie ;
- la décision de refus de titre de séjour contestée méconnaît les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire doit être annulée en raison de l'illégalité du refus de titre de séjour ;
- elle méconnaît les dispositions du 4° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision fixant le pays de destination doit être annulée en raison de l'illégalité du refus de titre de séjour.
M. B...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 18 décembre 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Barteaux a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M.B..., de nationalité congolaise, est entré en France, selon ses déclarations en 2012. Le 11 avril 2017, il a sollicité, pour la cinquième fois, un titre de séjour en se prévalant de son état de santé. Par un arrêté du 11 avril 2018, le préfet du Haut-Rhin a rejeté sa demande et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours. Par un jugement du 20 septembre 2018, dont le préfet du Haut-Rhin fait appel, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé cet arrêté.
Sur le bien-fondé du jugement :
2. D'une part, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / (...)/11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé (...) ". Aux termes de cet article R. 313-22 : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé ". L'article R. 313-23 du même code dispose : " Le rapport médical visé à l'article R. 313-22 est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à partir d'un certificat médical établi par le médecin qui le suit habituellement ou par un médecin praticien hospitalier inscrits au tableau de l'ordre, dans les conditions prévues par l'arrêté mentionné au deuxième alinéa de l'article R. 313-22. (...) / Sous couvert du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration le service médical de l'office informe le préfet qu'il a transmis au collège de médecins le rapport médical. (...) / Le collège à compétence nationale, composé de trois médecins, émet un avis dans les conditions de l'arrêté mentionné au premier alinéa du présent article (...) ".
3. D'autre part, aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) /10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ". L'article R. 511-1 du même code dispose : " L'état de santé défini au 10° de l'article L. 511-4 est constaté au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / Cet avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un certificat médical établi par le médecin qui suit habituellement l'étranger ou un médecin praticien hospitalier et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. (...) ".
4. Enfin, aux termes de l'article 1er de l'arrêté du 27 décembre 2016 : " L'étranger qui dépose une demande de délivrance ou de renouvellement d'un document de séjour pour raison de santé est tenu, pour l'application des articles R. 313-22 et R. 313-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de faire établir un certificat médical relatif à son état de santé par le médecin qui le suit habituellement ou par un médecin praticien hospitalier./ A cet effet, le préfet du lieu où l'étranger a sa résidence habituelle lui remet un dossier comprenant une notice explicative l'informant de la procédure à suivre et un certificat médical vierge, dont le modèle type figure à l'annexe A du présent arrêté. ". Aux termes de l'article 3 de cet arrêté : " Au vu du certificat médical et des pièces qui l'accompagnent ainsi que des éléments qu'il a recueillis au cours de son examen éventuel, le médecin de l'office établit un rapport médical, conformément au modèle figurant à l'annexe B du présent arrêté ". Aux termes de l'article 7 de cet arrêté : " Au vu du rapport médical mentionné à l'article 3, un collège de médecins désigné pour chaque dossier dans les conditions prévues à l'article 5 émet un avis, conformément au modèle figurant à l'annexe C du présent arrêté, précisant : / a) si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ;/ b) si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ;/ c) si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont le ressortissant étranger est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; / d) la durée prévisible du traitement ". Aux termes de l'article 9 du même arrêté : " L'étranger qui, dans le cadre de la procédure prévue aux titres I et II du livre V du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, sollicite le bénéfice des protections prévues au 10° de l'article L. 511-4 (...) est tenu de faire établir le certificat médical mentionné au deuxième alinéa de l'article 1er. (...)". Aux termes de l'article 11 du même arrêté : " Au vu du certificat médical, un collège de médecins désigné pour chaque dossier dans les conditions prévues à l'article 5 (...) émet un avis dans les conditions prévues à l'article 6 et au présent article et conformément aux modèles figurant aux annexes C et D du présent arrêté. / Pour l'établissement de l'avis, le collège de médecins (...) peut demander, dans le respect du secret médical, tout complément d'information auprès du médecin ayant rempli le certificat médical. Le demandeur en est informé. /Le collège de médecins ou le médecin de l'office peut convoquer le demandeur et faire procéder à des examens complémentaires. Dans ce cas, le demandeur présente au service médical de l'office les documents justifiant de son identité. Il peut être assisté d'un interprète et d'un médecin de son choix (...) ".
5. Il résulte des dispositions précitées de l'arrêté du 27 décembre 2016 que son premier chapitre, comprenant les articles 1 à 8, s'applique aux étrangers sollicitant leur admission au séjour, alors que le deuxième chapitre, comprenant les articles 9 à 11, s'applique aux étrangers qui, faisant l'objet d'une mesure d'éloignement, se prévalent de leur état de santé pour s'opposer à l'exécution de cette mesure.
6. Il est constant que M. B... a sollicité le 11 avril 2017 un titre de séjour en qualité d'étranger malade et ne s'est pas simplement prévalu de son état de santé pour s'opposer à l'exécution d'une précédente obligation de quitter le territoire français. Sa situation relevait donc des dispositions du chapitre 1er de l'arrêté du 27 décembre 2016, nonobstant l'existence d'une précédente obligation de quitter le territoire français du 29 mars 2016 qui, n'ayant pas été exécutée ou rapportée, était toujours exécutable. Il ressort cependant des pièces du dossier que le préfet a sollicité l'avis du collège de médecins de l'Office français d'immigration et d'intégration sur l'état de santé de M.B..., selon la procédure allégée des articles 9 à 11 de l'arrêté du 27 décembre 2016. Par suite, la décision contestée, qui a été prise au vu d'un avis du collège de médecins de l'Office français d'immigration et d'intégration du 12 février 2018, sans qu'un médecin ait établi le rapport prévu à l'article 3 de l'arrêté du 27 décembre 2016, est intervenue au terme d'une procédure irrégulière.
7. Si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu'il a privé les intéressés d'une garantie. L'application de ce principe n'est pas exclue en cas d'omission d'une procédure obligatoire, à condition qu'une telle omission n'ait pas pour effet d'affecter la compétence de l'auteur de l'acte.
8. L'établissement d'un rapport par un médecin instructeur de l'OFII, selon un modèle annexé à l'arrêté du 27 décembre 2016, a pour objet d'informer le collège de médecins de l'OFII des pathologies et traitements concernant le demandeur d'un titre de séjour en qualité d'étranger malade. Il constitue ainsi une garantie pour l'étranger malade, nonobstant la circonstance que le collège de médecins a la faculté, en application de l'article 11 de l'arrêté du 27 décembre 2016, de solliciter un complément d'information ou de convoquer le demandeur. Il s'ensuit que l'absence de rapport du médecin instructeur a privé M. B...d'une garantie et entaché d'illégalité la décision de refus de titre de séjour ainsi que, par voie de conséquence, les décisions portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination.
9. Il résulte de ce qui précède le préfet du Haut-Rhin n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, a annulé son arrêté du 11 avril 2018.
Sur les frais de l'instance :
10. M. B...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Sabatakakis, avocat de M. B..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat le versement à cet avocat de la somme de 1 500 euros..
D E C I D E :
Article 1er : La requête du préfet du Haut-Rhin est rejetée.
Article 2 : L'Etat versera à Me Sabatakakis, avocat de M.B..., une somme de 1 500 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Sabatakakis renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat..
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...B...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée pour information au préfet du Haut-Rhin.
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No 18NC02799