Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 15 novembre 2018, M.A..., représenté par Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 7 juin 2018 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Marne du 1er février 2018 ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Marne, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour, ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation et de lui délivrer pendant cet examen une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, à verser à son conseil en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Il soutient que :
- la décision portant refus de séjour n'est pas suffisamment motivée ; le préfet n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation ;
- la décision est entachée d'une erreur de fait ; c'est à tort que le préfet a considéré que le défaut de prise en charge ne devrait pas entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité ;
- le préfet a méconnu les dispositions de l'article L. 313-14 et du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision portant refus de séjour méconnaît les stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision fixant le pays de destination n'est pas suffisamment motivée ;
- la décision fixant le pays de destination méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
M. A...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 18 octobre 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme Haudier a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M.A..., ressortissant arménien né en 1980, est entré en France au mois de juillet 2015. Il s'est vu délivrer, en raison de son état de santé, une autorisation provisoire de séjour de six mois qui a été renouvelée une fois. Par un arrêté du 1er février 2018, le préfet de la Marne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, a assorti cette décision d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné. M. A... relève appel du jugement du 7 juin 2018 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne les décisions portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé. (...) ".
3. Par un avis du 5 février 2018, le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a indiqué que si l'état de santé de M. A...nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pouvait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, l'intéressé pourrait bénéficier effectivement d'un traitement approprié en Arménie, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans ce pays. Le secret médical interdisait au collège de médecins de l'OFII de révéler des informations sur la pathologie de l'intéressé et la nature de ses traitements médicaux.
4. D'une part, la décision litigieuse qui se réfère notamment à cet avis, comporte les considérations de fait et de droit qui en constituent le fondement et est ainsi suffisamment motivée, alors même qu'elle ne contient pas de précisions sur la nature des pathologies dont souffre M. A... et sur leur évolution. Par ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation de l'intéressé.
5. D'autre part, la partie qui justifie d'un avis du collège de médecins de l'OFII qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. En cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile.
6. Si M. A...apporte des éléments de nature à justifier de la gravité des pathologies dont il souffre et s'il est établi que la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées de la Marne a considéré qu'il était atteint d'un taux d'incapacité compris entre 50 et 80 %, lui a reconnu la qualité de travailleur handicapé et lui a accordé le bénéfice de l'allocation adulte handicapé, l'intéressé n'apporte aucun élément de nature à établir qu'il ne pourrait pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié en Arménie. Dans ces conditions et alors même qu'il s'était vu précédemment délivrer des titres de séjour en raison de son état de santé, M. A... n'est pas fondé à soutenir que le préfet de la Marne a entaché son arrêté d'une erreur de fait ou aurait méconnu les dispositions précitées du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
7. En deuxième lieu, M. A...fait valoir qu'il vit en France depuis trois ans et qu'il est bien inséré au sein de la société française. Il se prévaut notamment de son souhait de travailler en milieu protégé. Toutefois, M. A..., qui est célibataire et sans enfant et qui ne réside en France que depuis 2015, n'établit pas être dépourvu de toute attache dans son pays d'origine où il a vécu la majeure partie de sa vie. Dans ces conditions et eu égard à la durée du séjour de l'intéressé sur le territoire national, il ne ressort pas des pièces du dossier que la décision litigieuse aurait porté au droit de M. A...au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. Les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent ainsi être écartés. Il ne ressort pas davantage des pièces du dossier que le préfet aurait entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation en refusant de lui délivrer un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
8. En troisième lieu, le moyen tiré de la violation des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, prohibant les traitements inhumains ou dégradants, est inopérant à l'encontre des décisions refusant un titre de séjour à M. A...et lui faisant obligation de quitter le territoire, qui n'emportent pas, par elles-mêmes, l'éloignement de l'intéressé à destination de l'Arménie.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :
9. En premier lieu, contrairement à ce que soutient M.A..., le préfet a précisé dans son arrêté les considérations de fait et de droit qui justifiaient qu'il soit éloigné à destination de l'Arménie. Cette décision est ainsi suffisamment motivée
10. En second lieu et compte tenu notamment de ce qui a été dit au point 6, il ne ressort pas des pièces du dossier que la décision fixant l'Arménie comme pays à destination duquel M. A... pourra être éloigné serait intervenue en violation des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
11. Il résulte de tout ce qui précède, que M. A...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande. Ses conclusions à fin d'injonction et ses conclusions présentées sur le fondement des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent, par voie de conséquence, être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. A...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...A...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Marne.
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N° 18NC03063