Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 3 avril 2019, M. D..., représenté par Me A..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 17 janvier 2019 ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 3 mai 2018 par lequel le préfet du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination ;
3°) d'enjoindre au préfet du Bas-Rhin de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ", dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'avis du 25 février 2018 du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration est irrégulier, faute d'établir que le médecin qui a établi le rapport médical n'a pas siégé au sein du collège de médecins qui a examiné sa situation ;
- le refus de titre de séjour méconnaît le 11° de l'article L. 313-11 code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors que son état de santé nécessite une prise en charge continue, sans rupture des soins ;
- il méconnaît le 5° de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est entachée d'illégalité en raison de l'illégalité du refus de titre de séjour qui lui a été opposé ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision fixant le pays de renvoi français est entachée d'illégalité en raison de l'illégalité du refus de titre de séjour et de l'obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours qui lui ont été opposés.
Par un mémoire en défense, enregistré le 11 octobre 2019, le préfet de la région Grand-Est, préfet du Bas-Rhin conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- le médecin qui a établi le rapport médical n'a pas siégé lors de la séance du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration qui a examiné sa situation médicale ;
- les pièces médicales produites ne sont pas de nature à remettre en cause l'appréciation du collège de médecins ;
- aucun des autres moyens soulevés par M. D... n'est fondé.
M. D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 5 mars 2019.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'arrêté du 5 janvier 2017 fixant les orientations générales pour l'exercice par les médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, de leurs missions, prévues à l'article L. 313-11 (11°) du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme C..., présidente assesseur, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. D..., ressortissant algérien né le 15 octobre 1978, est entré régulièrement en France, le 20 décembre 2013 avec un visa de court séjour d'une durée de validité de 15 jours. Sa demande d'asile a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), le 30 septembre 2014. Cette décision a été confirmée par un arrêt du 28 janvier 2015 de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA). M. D... a présenté une première demande de titre de séjour en qualité de ressortissant étranger malade, qui a été rejetée le 26 janvier 2016. Une obligation de quitter le territoire français lui a alors été notifiée. Par un arrêté du 3 mai 2018, le préfet du Bas-Rhin a rejeté sa nouvelle demande de certificat de résidence d'un an en qualité de ressortissant algérien malade, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Par un jugement du 17 janvier 2019, dont M. D... relève appel, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation, pour excès de pouvoir, de l'arrêté du 3 mai 2018.
Sur le refus de titre de séjour :
2. Aux termes du 7 de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit: (...) / 7) au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays. ". En vertu de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, applicable aux ressortissants algériens : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. ". Selon l'article R. 313-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable à la date de l'arrêté du 9 mai 2018 : " (...) Le collège à compétence nationale, composé de trois médecins, émet un avis dans les conditions de l'arrêté mentionné au premier alinéa du présent article. La composition du collège et, le cas échéant, de ses formations est fixée par décision du directeur général de l'office. Le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège. / Le collège peut délibérer au moyen d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle (...) ".
3. En premier lieu, d'une part, il ne résulte d'aucune des dispositions citées au point précédent, non plus que d'aucun principe, que l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration devrait porter mention du nom du médecin qui a établi le rapport médical, prévu par l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui est transmis au collège de médecins de l'Office.
4. D'autre part, le collège de médecins qui a examiné la situation de M. D..., le 25 février 2018, était composé des Dr. Crocq, Khodjamohamed et Mbomeyo, tous trois signataires de cet avis. Le bordereau transmis par l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 10 octobre 2019 précise que le Dr. Baril a établi le rapport médical au vu duquel le collège de médecins de l'Office s'est prononcé. Ainsi, le médecin, qui a rédigé le rapport médical, n'a pas siégé au sein du collège qui a émis l'avis du 25 février 2018.
5. En deuxième lieu, d'une part, par son avis du 25 février 2018, le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a estimé que si l'état de santé de M. D... nécessitait une prise en charge médicale, le défaut de prise en charge n'était pas susceptible d'entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé. Il précise également que l'intéressé peut voyager sans risque vers son pays d'origine.
6. D'autre part, la partie qui justifie d'un avis du collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration venant au soutien de ses dires doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires.
7. Pour contester l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, M. D... produit des certificats médicaux établissant qu'il souffre d'une schizophrénie avec idées suicidaires et d'une névrose d'abandon infantile, qui nécessitent une prise en charge médicale, ainsi que l'a estimé le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Seul le certificat médical du Dr. Federmann du 2 février 2017 indique qu'il doit poursuivre son traitement en France. Ce seul certificat médical n'est pas de nature à remettre en cause l'appréciation du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, qui avait connaissance des troubles de la personnalité dont est atteint M. D... et s'est notamment prononcé notamment au vu de l'arrêté du 5 janvier 2017 fixant les orientations générales pour l'exercice par les médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, de leurs missions, prévues à l'article L. 313-11 (11°) du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Aucun des éléments produits par M. D... n'est ainsi de nature à remettre en cause l'appréciation du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration sur l'absence de conséquences d'une exceptionnelle gravité d'un défaut de prise en charge médicale de l'intéressé.
8. En estimant que le défaut de prise en charge médicale de M. D... n'aurait pas de conséquences d'une exceptionnelle gravité pour lui et en refusant de lui délivrer un certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale ", le préfet du Bas-Rhin n'a, par suite, pas méconnu le 7 de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968.
9. En troisième lieu, aux termes du 5 de de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) / 5) au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus ". L'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales stipule que : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) ".
10. Il ressort des pièces du dossier que M. D..., qui est célibataire et n'a pas d'enfant, n'est pas dépourvu d'attaches familiales en Algérie, où il a vécu jusqu'à l'âge de 35 ans. Il ressort également des pièces du dossier qu'alors même qu'il résidait en France depuis près de quatre ans et demi à la date de l'arrêté du 3 mai 2018 portant refus de titre de séjour, M. D... s'y est, en réalité, maintenu en situation irrégulière à la suite d'un premier arrêté du 26 janvier 2016 du préfet des Bouches-du-Rhône portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours. Sa présence en France est, en tout état de cause, récente. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du 5 de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
11. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision portant refus de séjour du 3 mai 2018.
Sur l'obligation de quitter le territoire français :
12. En premier lieu, il résulte de ce qui est dit au point précédent que le moyen tiré de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français, par voie de conséquence de l'illégalité du refus de titre de séjour opposé à M. D..., doit être écarté.
13. En second lieu, eu égard à la présence récente de M. D... en France où il n'a pas d'attaches familiales et à la circonstance que son état de santé ne justifie pas la délivrance d'un certificat de résidence pour ressortissant algérien en application des 5 et 7 de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation entachant la décision portant obligation de quitter le territoire français du 3 mai 2018 ne peut qu'être écarté.
14. Par suite, M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français du 3 mai 2018.
Sur la décision fixant le pays de renvoi :
15. Il résulte de ce qui est dit aux points 11 et 14 du présent arrêt que le moyen tiré de l'illégalité de la décision fixant le pays de renvoi par voie de conséquence de l'illégalité du refus de titre de séjour et de l'obligation de quitter le territoire français doit être écarté.
16. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation, pour excès de pouvoir, de l'arrêté du 3 mai 2018 du préfet du Bas-Rhin. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte ainsi que celles qu'il présente sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié M. B... D... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée pour information au préfet de la région Grand-Est, préfet du Bas-Rhin.
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N° 19NC01007