Par une requête, enregistrée le 5 avril 2019, Mme C..., représentée par Me A..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Besançon du 31 janvier 2019 ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 28 juin 2018 par lequel le préfet du Doubs a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination ;
3°) d'enjoindre au préfet du Doubs de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ", dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler dans un délai de huit jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet du Doubs de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans l'attente du réexamen de sa situation dans un délai de huit jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- sa requête est recevable ;
- les décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français sont entachées d'erreur manifeste d'appréciation et méconnaissent l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'existence de structures adaptées pour prendre en charge ses parents est inopérante, de même que la circonstance, au demeurant non avérée, qu'elle aurait détourné l'objet de son visa, dès lors qu'elle apporte une aide quotidienne indispensable à ses parents qui ont perdu leur autonomie ;
- son père a un titre de reconnaissance de la Nation pour ses faits d'armes.
Par un mémoire en défense, enregistré le 9 mai 2019, le préfet du Doubs conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- la présence de la requérante en France pour aider ses parents était très récente à la date du refus de titre de séjour qui lui a été opposé ;
- la requérante a précisé, dans sa demande de visa, venir faire du tourisme en France, ce qui établit le détournement de l'objet de son visa ;
- les autres moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.
Mme C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 28 mars 2019.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour des ressortissants algériens et de leurs familles ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme D..., présidente assesseur, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme C..., ressortissante algérienne née le 22 novembre 1967, est entrée en France le 9 février 2018 sous couvert d'un visa de court séjour. Elle a sollicité son admission au séjour sur le fondement du 5 de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 afin de pouvoir s'occuper de ses parents âgés qui résident en France. Par un arrêté du 28 juin 2018, le préfet du Doubs a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Par un jugement du 31 janvier 2019, dont Mme C... relève appel, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à l'annulation, pour excès de pouvoir, de l'arrêté du 28 juin 2018.
2. L'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales stipule que : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) ".
3. Il ressort des pièces du dossier que le père de Mme C..., qui a servi dans l'armée française, a un titre de reconnaissance de la Nation pour ses faits d'armes et est titulaire d'une carte d'invalidité à 100%, réside en France depuis 2009 où sa femme l'a rejoint dans le cadre du regroupement familial. Né en 1932, M. E... C..., père de la requérante, connaît d'importants problèmes de santé, notamment cardiaques et vasculaires, nécessitant un suivi médical très régulier. Son état de santé s'est dégradé postérieurement à l'arrêté du 28 juin 2018. Il a ainsi subi deux interventions chirurgicales en décembre 2018 et mars 2019 avec la mise en place de stents coronaires et d'une endoprothèse aorto bi-iliaque. La mère de Mme C..., âgée de 76 ans, a également des problèmes de santé, notamment une hypertension et des céphalées chroniques. Un certificat médical du 21 mars 2019, toutefois postérieur à l'arrêté contesté, mentionne également une maladie dégénérative. Le père et la mère de Mme C... sont, en outre, atteints de syndromes anxio-dépressifs avec troubles du sommeil, anxiété généralisée et rumination morbide selon un certificat médical du 4 mai 2018 du psychiatre qui assure leur suivi. Ces problèmes de santé s'accompagnent d'une perte importante d'autonomie pour les actes de la vie quotidienne de son père, partielle pour sa mère, établie par un certificat médical du 29 mai 2018.
4. Un certificat médical du 25 mars 2018, confirmé par un certificat du 30 novembre 2018 toutefois postérieur à l'arrêté contesté, énonce que les parents de Mme C... ont besoin de l'aide de leur fille pour leur prise en charge quotidienne, notamment médicale, sa présence étant indispensable pour assurer le maintien à domicile de ses parents. Cependant, il n'est pas établi que seule Mme C... pourrait apporter l'aide dont ses parents ont besoin pour les actes de la vie quotidienne, alors même que cette solution est la moins coûteuse et la plus réconfortante pour eux. En effet, à la date de l'arrêté portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français, la requérante, arrivée en France en mars 2018, n'était présente auprès de ses parents que depuis quelques mois. Ses parents ont vécu en totale autonomie jusqu'à l'arrivée de leur fille en France. La dégradation de leur état de santé, postérieurement à l'arrêté contesté, ne saurait être prise en compte pour apprécier la légalité de l'arrêté contesté. En outre, il ne ressort pas des pièces du dossier que les parents de Mme C... ne seraient pas en mesure de financer l'intervention d'une tierce personne à domicile pour les aider, d'autant qu'il n'est pas établi qu'à la date de l'arrêté contesté, ils avaient besoin d'une aide constante. La requérante fait d'ailleurs valoir qu'elle pourrait elle-même être embauchée par une entreprise d'aide à la personne pour intervenir chez ses parents. Enfin, les parents de Mme C... n'établissent pas avoir effectué la moindre démarche en vue d'une admission dans un établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes.
5. Par ailleurs, Mme C... est entrée en France récemment, au printemps 2018, à l'âge de 51 ans, après avoir vécu toute sa vie en Algérie. Elle est célibataire et n'a pas d'enfant. A l'exception de ses parents, ses frères et soeurs résident en Algérie. Ses parents ne résidaient eux-mêmes en France que depuis onze ans à la date de l'arrêté attaqué et ne sont pas isolés, dès lors qu'ils vivent ensemble et peuvent s'entraider. Ainsi qu'il a été dit, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'à la date de l'arrêté contesté, ils avaient perdu leur autonomie et avaient constamment besoin de l'aide d'une tierce-personne.
6. Par suite, dans les circonstances de l'espèce, alors même que la présence en France de Mme C... serait réconfortante pour ses parents, l'arrêté du 28 juin 2018 du préfet du Doubs ne porte pas une atteinte disproportionnée à la vie privée et familiale de Mme C.... De même, si le père de la requérante a combattu pour la France et s'est vu délivrer un titre de reconnaissance de la Nation, l'arrêté portant refus de délivrance d'un titre de séjour à sa fille n'est pas davantage, pour ce motif, entaché d'erreur manifeste d'appréciation.
7. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à l'annulation, pour excès de pouvoir, de l'arrêté du 28 juin 2018 du préfet du Doubs. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte ainsi que celles qu'elle présente sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... C... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée pour information au préfet du Doubs.
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N° 19NC01059