Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 1er septembre 2020, Mme B..., représentée par Me A..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 3 mars 2020 ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 29 octobre 2019 du préfet du Bas-Rhin ;
3°) d'enjoindre au préfet du Bas-Rhin de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 200 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
s'agissant de la décision portant refus de séjour :
- elle méconnaît les articles L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences qu'elle emporte sur sa situation personnelle ;
s'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- elle est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour ;
- elle comporte des conséquences d'une exceptionnelle gravité pour sa situation personnelle ;
s'agissant de la décision fixant le pays de destination :
- elle est illégale en raison de l'illégalité des décisions portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français.
Par un mémoire en défense, enregistré le 29 mars 2021, le préfet du Bas-Rhin conclut au rejet de la requête.
Il soutient, en se référant à ses écritures de première instance, que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.
Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 25 juin 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme C..., première conseillère, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B..., ressortissante kosovare, née en 1989, est entrée irrégulièrement en France, selon ses déclarations, en 2016, accompagnée de ses deux enfants mineurs. Elle a introduit une demande d'asile et a fait l'objet, le 7 avril 2017, d'un arrêté de transfert vers les autorités suédoises responsables de l'examen de sa demande d'asile. Le 23 juillet 2018, elle a sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 29 octobre 2019, le préfet du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, a assorti sa décision d'une obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Mme B... fait appel du jugement du 3 mars 2020 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la légalité de la décision de refus de séjour :
2. En premier lieu, l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales stipule que : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) ". Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) / 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République (...) ".
3. Mme B... est entrée en France en décembre 2016, accompagnée de ses deux enfants mineurs nés en 2008 et 2011, de son union avec un compatriote, dont elle s'est séparée en 2011, ce dernier ayant quitté son pays d'origine pour se rendre en France. Il ressort des pièces du dossier que la requérante a repris la vie commune avec son ancien compagnon au cours de l'année 2017 et qu'un troisième enfant est né le 29 octobre 2017. Son compagnon est titulaire d'une carte pluriannuelle en qualité de père d'une fille de nationalité française, née en 2015, de son union avec une ressortissante française, épousée en 2013, dont il a divorcé en 2015. Toutefois, si ce dernier bénéficie d'un droit de visite et d'hébergement de sa fille, dont la résidence a été fixée chez sa mère, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il ne pourrait pas s'installer à nouveau dans son pays d'origine, avec la requérante et leurs trois enfants, tout en maintenant les liens avec son enfant français. Enfin, la requérante ne fait valoir aucun obstacle qui s'opposerait à un retour de ses enfants, dont les deux ainés sont scolarisés en école primaire et au collège, dans leur pays d'origine alors, au demeurant, qu'ils ont vécu séparément de leur père pendant plus de cinq ans. Dans ces conditions, eu égard à la durée et aux conditions de séjour en France de Mme B..., la décision attaquée lui refusant la délivrance d'un titre de séjour ne porte pas une atteinte à son droit au respect de sa vie privée et familiale disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doivent être écartés. Pour les mêmes motifs, la décision de refus de titre de séjour n'est pas entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de la requérante.
4. En second lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant susvisée : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale " ; qu'il résulte de ces stipulations, que dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant ".
5. D'une part, le refus de séjour n'a pas pour effet de séparer les enfants de la requérante d'un de leurs parents. D'autre part, pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point n°3 et au regard de la possibilité pour la cellule familiale de se reconstituer dans le pays d'origine, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet aurait méconnu l'intérêt supérieur des enfants de la requérante en prenant la décision litigieuse. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées ne peut qu'être écarté.
Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
6. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit précédemment que le moyen tiré par voie d'exception de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour ne peut qu'être écarté.
7. En second lieu, pour les mêmes motifs que ceux évoqués au point 3, le préfet du Bas-Rhin n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la décision contestée sur la situation personnelle de la requérante.
Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :
8. Il résulte de ce qui a été dit précédemment que le moyen tiré par voie d'exception de l'illégalité des décisions portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français ne peut qu'être écarté.
9. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent également qu'être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Bas-Rhin.
2
N° 20NC02553