Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 9 juillet 2020, M. C..., représenté par Me A..., demande à la cour :
1°) d'annuler l'article 2 du jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg du 4 février 2020 ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 5 janvier 2020 par lequel le préfet du Bas-Rhin l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination ;
3°) d'enjoindre au préfet du Bas-Rhin de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation administrative dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer pendant cet examen une autorisation provisoire de séjour, sous la même astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 500 euros en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
s'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- elle est entachée d'un détournement de pouvoir dès lors qu'elle n'a été prise que pour l'empêcher de se marier avec sa compagne ;
- elle méconnaît l'article 6-5 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
s'agissant de la décision fixant le pays de destination :
- elle est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
La requête a été communiquée au préfet du Bas-Rhin, qui n'a pas présenté de mémoire en défense, en dépit de la mise en demeure de produire qui lui a été adressée par la Cour, réceptionnée le 21 janvier 2021.
M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 14 mai 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco algérien du 27 décembre 1968 modifié ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Antoniazzi, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. C..., ressortissant algérien né le 8 août 1987, est entré sur le territoire français selon ses déclarations en 2015. A la suite de son audition par les services de la police aux frontières dans le cadre d'une enquête ordonnée par le procureur de la République pour vérifier la sincérité de son projet d'union à une ressortissante française, le préfet du Bas-Rhin l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il sera éloigné par un arrêté du 5 janvier 2020. Par un arrêté du même jour, le préfet a assigné l'intéressé à résidence. M. C... fait appel du jugement du 4 février 2020 en tant que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté l'obligeant à quitter le territoire dans le délai de trente jours et fixant le pays de destination.
Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire :
2. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que la vérification du droit au séjour de M. C... a été effectuée lors de l'enquête de police diligentée par le procureur de la République, saisi par l'officier d'état civil de Birschwiller, à la suite du dépôt par l'intéressé et une ressortissante française d'un dossier de mariage. Cette enquête ayant révélé l'irrégularité du séjour sur le territoire français de M. C..., l'arrêté en litige portant obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours opposé par le préfet du Bas-Rhin à M. C... s'est borné à tirer les conséquences de ce caractère irrégulier de la présence en France de l'intéressé et n'a pas eu pour motif déterminant la prévention de son mariage dont la célébration était, au demeurant, soumise à une enquête par l'autorité judiciaire et dont la date n'était pas encore fixée. Par suite, le moyen tiré du détournement de pouvoir doit être écarté.
3. En second lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Selon le 5 de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) / 5) au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus ".
4. Si M. C... soutient qu'il réside habituellement sur le territoire français depuis plus de cinq ans, qu'il a travaillé pendant un an et demi au sein de la communauté d'Emmaüs et qu'il était fiancé à une ressortissante française, qu'il a épousé le 21 février 2020, il ressort toutefois des pièces du dossier qu'il s'est maintenu irrégulièrement sur le territoire français depuis son entrée sans avoir sollicité la délivrance d'un titre de séjour, qu'il n'est pas dépourvu d'attaches privées et familiales dans son pays d'origine où résident encore ses parents et certains de ses frères et soeurs et où il a vécu jusqu'à l'âge de vingt-huit ans. Enfin, à la date de la décision attaquée, sa relation avec sa compagne, avec laquelle il vivait depuis novembre 2019, était récente. Dans ces conditions, au regard de ses conditions de séjour, M. C... n'est pas fondé à soutenir que la mesure d'éloignement en litige méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. En outre, dès lors qu'il ne remplissait pas les conditions de plein droit pour se voir délivrer un titre de séjour sur le fondement de l'article 6-5 de l'accord franco-algérien, le préfet a pu légalement l'obliger à quitter le territoire français. Enfin pour les mêmes motifs, cette décision n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences qu'elle est susceptible de comporter pour la situation personnelle de l'intéressé.
Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :
5. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit précédemment que le moyen tiré, par voie d'exception, de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français à l'encontre de la décision fixant le pays de destination ne peut qu'être écarté.
6. En second lieu, pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point n°4, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
7. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte ainsi que celles présentées sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent également être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Bas-Rhin.
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N° 20NC01514