Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 20 avril 2020, M. C..., représenté par Me B... demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 7 novembre 2019 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Moselle du 24 mai 2019 ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Moselle de lui délivrer un titre de séjour, ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans un délai déterminé, au besoin sous astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 500 euros en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
sur la décision portant refus de séjour :
- la décision attaquée a été prise à l'issue d'une procédure irrégulière dès lors qu'il n'est pas établi que le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) aurait rendu un avis sur son état de santé le 26 avril 2019 au terme d'une délibération présentant un caractère collégial ;
- il a été privé d'une garantie en l'absence de désignation d'un médecin rapporteur ;
- le préfet a instruit sa demande au titre du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors qu'il a sollicité son admission au séjour en qualité d'étranger malade ;
- la décision attaquée méconnaît les dispositions des articles L. 313-11, 11° et L. 511-4, 10° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; il est atteint d'une pathologie qui nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité ;
sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- elle est illégale en raison de l'illégalité du refus de titre de séjour ;
- les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ont été méconnues ;
sur la décision fixant le pays de destination :
- la décision attaquée est entachée d'insuffisance de motivation au regard des dispositions de l'article L. 211-1 du code des relations entre le public et l'administration ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'il ne peut pas bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine ;
- elle méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 9 février 2021, le préfet de la Moselle conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. C... ne sont pas fondés.
M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 11 mars 2020.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme Roussaux, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. C..., ressortissant albanais né le 4 mai 1970, est entré en France selon ses dires le 22 janvier 2017. Il a présenté une demande d'asile qui a été rejetée tant par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides que par la Cour nationale du droit d'asile. Le 18 mars 2018, à la suite de son interpellation par les services de la police aux frontières, le préfet de la Moselle a pris une décision l'obligeant à quitter le territoire français sans délai. Par courrier du 27 décembre 2018, M. C... a demandé sa régularisation en faisant valoir son état de santé. Par arrêté du 24 mai 2019, le préfet de la Moselle a refusé de l'admettre au séjour et l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. C... relève appel du jugement du 7 novembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. (...) ".
3. Il ressort des pièces du dossier et notamment des termes du courrier de M. C... du 27 décembre 2018, reçu le 24 janvier 2019 en préfecture, que celui-ci a sollicité " l'ouverture d'un dossier en vue d'une régularisation pour raison médicale ". Une telle demande présentée par le requérant, seul, doit être regardée comme une demande de titre de séjour pour raison médicale présentée sur le fondement des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il s'ensuit qu'en instruisant la demande de requérant comme tendant au bénéfice de la protection contre la mesure d'éloignement dont il faisait l'objet par arrêté du 18 mars 2018, sur le fondement des dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile au seul motif qu'une mesure d'éloignement avait été prononcée à son encontre et en lui refusant sur ce fondement le droit au séjour, le préfet a commis une erreur de droit. L'arrêté du préfet de la Moselle du 24 mai 2019 en tant qu'il porte refus de séjour doit, pour ce motif, être annulé, ainsi que par voie de conséquence les décisions obligeant le requérant à quitter le territoire dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination.
4. Il résulte de tout ce qui précède et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête que M. C... est fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
5. Eu égard au motif d'annulation retenu, le présent arrêt implique que le préfet de la Moselle procède au réexamen de la situation de M. C.... Il y a lieu d'enjoindre au préfet de la Moselle de réexaminer la situation de M. C... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et de lui délivrer dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour en application de l'article L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il n'y a en revanche pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais liés à l'instance :
6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me B..., avocat de M. C..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me B... de la somme de 1 200 euros.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 7 novembre 2019 et l'arrêté du préfet de la Moselle du 24 mai 2019 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Moselle de réexaminer la situation de M. C... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour.
Article 3 : L'Etat versera la somme de 1 200 euros à Me B..., en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, sous réserve que Me B... renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Le présent jugement sera notifié à M. A... C... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Moselle
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N° 20NC00955