Par une requête, enregistrée le 16 janvier 2019, M. E..., représenté par Me A..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 31 août 2018 ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 23 janvier 2018 du préfet du Bas-Rhin ;
3°) d'enjoindre au préfet du Bas-Rhin de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le préfet du Bas-Rhin s'est cru à tort lié par l'avis de l'Office français de l'immigration et de l'intégration pour refuser le renouvellement de son titre de séjour ;
- le refus de renouvellement de son titre de séjour méconnaît le 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il porte une atteinte disproportionnée à son droit à une vie privée et familiale normale et méconnaît le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'obligation de quitter le territoire français est illégale par voie de conséquence de l'illégalité du refus de titre de séjour qui lui a été opposé ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation au regard de ses conséquences sur sa vie privée et familiale ;
- la décision fixant le pays de destination est illégale par voie de conséquence de l'illégalité du refus de titre de séjour et de l'obligation de quitter le territoire français qui lui ont été opposés.
La procédure a été communiquée au préfet de la région Grand Est, préfet du Bas-Rhin, qui n'a pas produit de mémoire en défense.
M. E... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 18 décembre 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme C..., présidente, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. E..., ressortissant arménien né le 10 octobre 1977, est entré en France le 6 juillet 2009. Sa demande d'asile a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, le 20 novembre 2009. Cette décision a été confirmée par la Cour nationale du droit d'asile, le 22 décembre 2010. Un premier titre de séjour a été délivré à M. E..., le 9 mars 2011, renouvelé jusqu'au 8 mars 2013. Un refus de titre de séjour assorti d'une obligation de quitter le territoire français lui a été notifié par un arrêté du 27 mai 2015. M. E... s'est cependant maintenu sur le territoire français. Un titre de séjour lui a ensuite été délivré, le 18 avril 2016 pour raisons de santé, valable jusqu'au 17 avril 2017. Par un arrêté du 23 janvier 2018, le préfet du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il sera éloigné. Par un jugement du 31 août 2018, dont M. E... relève appel, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation, pour excès de pouvoir, de cet arrêté.
Sur le refus de titre de séjour :
2. En premier lieu, aux termes du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors en vigueur : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) / 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat (...) ".
3. Il résulte des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qu'il appartient à l'autorité administrative, lorsqu'elle envisage de refuser la délivrance d'un titre de séjour à un étranger qui en fait la demande au titre des dispositions du 11° de l'article L. 313-11, de vérifier, au vu de l'avis émis par le médecin mentionné à l'article R. 313-22 du même code, que cette décision ne peut avoir de conséquences d'une exceptionnelle gravité sur l'état de santé de l'intéressé et, en particulier, d'apprécier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la nature et la gravité des risques qu'entraînerait un défaut de prise en charge médicale dans le pays dont l'étranger est originaire. Lorsque le défaut de prise en charge risque d'avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur la santé de l'intéressé, l'autorité administrative ne peut légalement refuser le titre de séjour sollicité que s'il existe des possibilités de traitement approprié de l'affection en cause dans son pays d'origine. Si de telles possibilités existent mais que l'étranger fait valoir qu'il ne peut en bénéficier, soit parce qu'elles ne sont pas accessibles à la généralité de la population, eu égard notamment aux coûts du traitement ou à l'absence de modes de prise en charge adaptés, soit parce qu'en dépit de leur accessibilité, des circonstances exceptionnelles tirées des particularités de sa situation personnelle l'empêcheraient d'y accéder effectivement, il appartient à cette même autorité, au vu de l'ensemble des informations dont elle dispose, d'apprécier si l'intéressé peut ou non bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine.
4. D'une part, il ressort des termes mêmes de l'arrêté du 23 janvier 2018 que le préfet du Bas-Rhin s'est approprié les termes de l'avis du 22 octobre 2017 du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration sans méconnaître l'étendue de sa compétence en s'estimant à tort en situation de compétence liée par cet avis.
5. D'autre part, par un avis du 22 octobre 2017, le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a estimé que l'état de santé de M. E... nécessitait une prise en charge, dont le défaut pouvait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité pour lui. Il a cependant également relevé qu'il existait un traitement approprié à sa pathologie dans son pays d'origine.
6. Il ressort des pièces du dossier que M. E... souffre notamment d'une névrose post-traumatique se traduisant notamment par des idées suicidaires. Il bénéficie d'un suivi psychologique et d'un traitement par médicaments. Cependant si le certificat médical du 21 décembre 2018 du Dr Jeromin énonce qu'une interruption de sa prise en charge aurait des conséquences dramatiques, qu'un retour dans son pays d'origine aggraverait sa pathologie et qu'il ne pourra pas bénéficier d'une prise en charge comparable dans son pays d'origine, ce certificat, au demeurant postérieur à l'arrêté du 23 janvier 2018, n'établit pas qu'alors même que M. E... ne bénéficierait pas du même suivi qu'en France, un traitement approprié aux troubles psychologiques dont il souffre ne serait pas effectivement disponible dans son pays d'origine. Le certificat médical du Dr. Haegli du 14 décembre 2018, également postérieur à l'arrêté contesté, n'est pas suffisamment circonstancié pour établir l'absence de tout traitement approprié à la pathologie de M. E... en Arménie. Il ne ressort pas davantage des pièces du dossier qu'aucun traitement approprié ne serait disponible en Arménie pour les autres affections dont est atteint le requérant et notamment un diabète insulino-dépendant de type II.
7. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
8. En deuxième lieu, aux termes du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors en vigueur : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) / 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée (...) ". L'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales stipule que : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) ".
9. D'une part, il ressort des pièces du dossier que M. E..., entré en France à l'âge de 32 ans, a passé l'essentiel de sa vie en Arménie. S'il soutient que sa mère, avec laquelle il est arrivé en France est le seul membre de sa famille, dès lors que son père est décédé et qu'il n'a plus de contact avec sa soeur qui vit en Russie, M. E... est cependant majeur et célibataire. En outre, alors même que sa mère est âgée et a des problèmes de santé, le requérant n'établit pas, par les deux certificats médicaux des 6 et 9 février 2018 qui sont postérieurs à l'arrêté litigieux, que sa présence aux côtés de sa mère serait indispensable pour ses démarches et sa vie quotidienne et ne pourrait être apportée par une tierce personne, alors en outre que sa mère, admise au séjour pour raisons de santé, n'a pas vocation à demeurer durablement en France. Par ailleurs, si M. E... a travaillé plusieurs mois en France et exerce diverses activités bénévoles et sportives, il s'est maintenu irrégulièrement sur le territoire français pendant plusieurs années et ne justifie ainsi pas d'une intégration particulière. Par suite, le préfet du Bas-Rhin n'a pas porté une atteinte disproportionnée à sa vie privée et familiale.
10. D'autre part, M. E... a déposé une demande de titre de séjour pour raisons de santé et non en application du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peut qu'être écarté.
11. Il suit de là que les conclusions de M. E... tendant à l'annulation du refus de titre de séjour qui lui a été opposé doivent être rejetées.
Sur l'obligation de quitter le territoire français :
12. En premier lieu, il résulte de ce qui précède qu'en l'absence d'illégalité du refus de titre de séjour opposé à M. E... ainsi qu'il est dit au point précédent du présent arrêt, le moyen tiré, par voie d'exception, de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours ne peut qu'être écarté.
13. En second lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'obligation de quitter le territoire français serait entachée d'erreur manifeste d'appréciation au regard de ses conséquences sur la vie privée et familiale de M. E....
14. Par suite, les conclusions de M. E... tendant à l'annulation de l'obligation de quitter le territoire français ne peuvent qu'être rejetées.
Sur la décision fixant le pays de destination :
15. Il résulte de ce qui est dit aux points 11 et 14 du présent arrêt que le moyen tiré de ce que la décision fixant le pays de destination serait illégale, par voie de conséquence de l'illégalité du refus de renouvellement du titre de séjour et de l'obligation de quitter le territoire français opposés à M. E... ne peut qu'être écarté.
16. Il résulte de tout ce qui précède que M. E... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 23 janvier 2018 du préfet du Bas-Rhin. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte ainsi que celles qu'il présente sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. E... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié M. B... E... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée pour information au préfet de la région Grand Est.
Délibéré après l'audience du 24 septembre 2019, à laquelle siégeaient :
- Mme C..., présidente,
- Mme Antoniazzi, premier conseiller,
- M. Michel, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 17 octobre 2019.
Le président -rapporteur,
Signé : C. C...
L'assesseur le plus ancien,
Signé : S. Antoniazzi
La greffière,
Signé : F. DupuyLa République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
F. Dupuy
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N° 19NC00119