Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 26 février 2021, Mme A..., représentée par Me Maetz, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nancy du 29 décembre 2020 ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 31 janvier 2018 portant retrait de l'arrêté du 15 janvier 2018, ensemble le rejet implicite de son recours gracieux ;
3°) d'enjoindre au ministère des armées de procéder à son admission à la retraite et à sa radiation des cadres ;
4°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 4 000 euros en réparation du préjudice subi ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les premiers juges ont, à tort, retenu l'irrecevabilité pour tardiveté de ses demandes aux fins d'annulation et d'injonction ;
- la ministre des armées a commis une faute lui causant un préjudice moral et des troubles dans ses conditions d'existence évalués à 4 000 euros.
Par un mémoire en défense, enregistré le 16 septembre 2021, la ministre des armées conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé les conclusions d'annulation et d'injonction comme étant tardives et renvoie à ses écritures de première instance.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Ghisu-Deparis, présidente, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B... A..., aide-soignante au sein de l'hôpital d'instruction des armées (HIA) Legouest à Metz, a demandé à faire valoir ses droits à la retraite anticipée le 30 novembre 2017. Par un arrêté du 15 janvier 2018, la ministre des armées a fait droit à sa demande à compter du 1er avril 2018 et a procédé à sa radiation des cadres. Par un arrêté du 31 janvier 2018, notifié à Mme A... le 6 février 2018, la ministre des armées a retiré l'arrêté du 15 janvier 2018. Par un courrier du 5 avril 2018, dont l'administration a accusé réception le 13 avril 2018, Mme A... a formé un recours gracieux tendant, d'une part, à l'annulation de l'arrêté du 31 janvier 2018, et d'autre part, à l'indemnisation du préjudice moral qu'elle estime avoir subi. Par une requête enregistrée le 29 juin 2018, Mme A... a saisi le tribunal administratif de Nancy d'une demande tendant aux mêmes fins. Par un jugement n° 1824057 du 29 décembre 2020, dont Mme A... relève appel, il a rejeté ses demandes.
Sur la régularité du jugement en tant qu'il porte rejet des conclusions d'annulation et d'injonction :
2. Aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative : " La juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée. (...) ". Aux termes de l'article R. 421-5 du même code : " Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision ". Aux termes de l'article L. 411-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Toute décision administrative peut faire l'objet, dans le délai imparti pour l'introduction d'un recours contentieux, d'un recours gracieux ou hiérarchique qui interrompt le cours de ce délai. (...) ".
3. Il ressort des pièces du dossier que l'arrêté du 31 janvier 2018, qui comportait la mention des voies et délais de recours, a été notifié à Mme A... le 6 février 2018. Cette dernière a formé un recours gracieux contre cette décision qui n'a été réceptionné par l'administration que le 13 avril 2018, comme l'atteste le tampon d'enregistrement, qui fait foi jusqu'à preuve du contraire, soit après l'expiration du délai de recours de deux mois. Il était donc tardif et n'a pu interrompre le délai de recours contentieux. Si Mme A... fait valoir que l'administration a réceptionné son recours gracieux avant le 13 avril 2018 et qu'en ayant posté son courrier le 5 avril 2018, elle a été victime de la lenteur des services postaux, elle n'apporte au soutien de ces affirmations aucune pièce le démontrant.
4. Il résulte de ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté pour tardiveté ses conclusions aux fins d'annulation de l'arrêté du 31 janvier 2018 et du rejet de son recours gracieux ainsi que celles, par voie de conséquence, à fin d'injonction.
Sur le bien-fondé du jugement en tant qu'il rejette les conclusions indemnitaires :
5. Toute illégalité commise par l'administration constitue une faute susceptible d'engager sa responsabilité, pour autant qu'il en soit résulté un préjudice directement en lien avec cette faute.
6. Il résulte de l'instruction et plus particulièrement du courrier du médecin chef de l'hôpital d'instruction des armées Legouest, en date du 15 février 2021, qu'en novembre 2017, l'administration a informé Mme A... qu'elle remplissait les conditions lui permettant de bénéficier d'une retraite anticipée à compter du 1er avril 2018 et l'a invitée à en formuler la demande, ce que l'intéressée a fait. Elle a par suite, par un arrêté 15 janvier 2018, été admise à faire valoir ses droits à la retraite anticipée. L'administration s'est cependant rendue compte de son erreur et a retiré le 31 janvier 2018 son arrêté du 15 janvier 2018 au motif révélé dans le mémoire en défense de première instance que Mme A... ne remplissait pas les conditions prévues par le code des pensions civiles et militaires pour bénéficier d'un départ anticipé. Il en résulte que Mme A... a bien été destinataire d'une information erronée qui l'a conduite à faire valoir ses droits à la retraite alors qu'elle n'y avait pas droit. Un tel comportement constitue une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat.
7. La perspective d'un départ à la retraite au 1er avril 2018, entre novembre 2017 et le 6 février 2018, date de notification de l'arrêté 31 janvier 2018, qui s'est avérée inexacte en raison d'une erreur commise par l'administration a nécessairement occasionné à Mme A... un préjudice moral. Elle a d'ailleurs été placée en arrêt maladie dès le lendemain pour un syndrome dépressif. Il sera fait une juste appréciation du préjudice subi à ce titre en l'évaluant à la somme de 1 000 euros. En revanche la requérante n'établit pas la réalité des troubles dans les conditions d'existence dont elle demande également réparation.
8. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... est uniquement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande indemnitaire et à demander la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 1 000 euros de dommages et intérêts.
Sur les frais de l'instance :
9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Mme A... D... la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nancy du 29 décembre 2020 est annulé en tant qu'il rejette les conclusions indemnitaires de Mme A....
Article 2 : L'Etat est condamné à verser à Mme A... la somme de 1 000 euros en réparation du préjudice moral qu'elle a subi.
Article 3 : L'Etat versera à Mme A... la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus de la requête de Mme A... est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et à la ministre des armées.
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N° 21NC00580